B. Organisation des activités
? 1ere étape : La mise en terre des
cultures
Les paysans se chargent d'identifier et de préparer les
espaces à cultiver en fonction de la disponibilité des terres et
de la main-d'oeuvre familiale, c'est ce qui rend variable la taille des
exploitations en fonction des saisons. Les champs ainsi défrichés
accueillent les semences apprêtées auparavant par les
cultivateurs. Le plus souvent pour les cultures maraîchères, les
intrants agricoles (pesticides, fongicides, herbicides, engrais...) leur sont
fournis à crédit à des taux d'intérêt
variables. Ces intrants sont fournis soit par des propriétaires de
boutiques agricoles et/ou par les «bayam
sellam»(néologisme, cette expression est
empruntée de l'anglais "buy and sell" pour qualifier
les revendeuses des produits alimentaires dans les marchés des grandes
villes du pays) soit par négociation directe des différentes
parties dont l'échéance se fixe à partir des
premières récoltes, sept (07) personnes sur dix qui cultivent les
produits maraîchers affirment avoir recours à cette pratique.
Concernant les grandes exploitations, les paysans
bénéficient d'un encadrement de la part des organes
coopératives au sein desquelles ils sont affiliés concernant le
choix des sites, l'agrandissement des aires, le type de plants et d'intrants
à utiliser, sous forme d'écoles paysannes ; ils ont aussi un
suivi dans la mise en terre des cultures surtout pour les nouveaux membres ne
possédant pas encore d'expertise. C'est le cas de la
société coopérative des planteurs et transformateurs de
cacao d'AYOS (SOCOPTRACA) avec une centaine de membres à son actif, a
mis en terre plus de 100 hectares de cacaoyers ; la coopérative
bénéficie du soutien technique et financier de ses principaux
partenaires que sont l'IITA (Institut International pour l'Agriculture
Tropical) et la SODECAO (Société de Développement du
Cacao), elle a reçu ainsi 50.000 jeunes plants
sélectionnés. Toujours dans ses activités, cette
coopérative a à son actif huit (08) écoles paysannes
chargées de former les cultivateurs pour leur donner de l'expertise
nécessaire à la culture des champs.
? 2ème étape : La gestion
quotidienne des champs
Elle se fait par les cultivateurs de manière
individuelle, chacun assurant la gestion journalière de son exploitation
agricole en essayant de faire face aux difficultés rencontrées
pendant toute la période de croissance des plantes et ce, quel que soit
le type d'exploitation. L'expérience accumulée au fil du temps
reste la principale arme pour la gestion des complications conjoncturelles
auxquelles les paysans font face durant toute cette phase. Pour
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«Promotion des activités agropastorales et
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commune d'Ayos» par Emile Baudouin
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la minorité regroupée dans les associations
coopératives, le problème ne se pose quasiment pas puisqu'il y a
diffusion des techniques et technologies au sein du groupe, ce qui
réduit les risques d'échec. La commune d'AYOS s'est aussi
engagée à la relance des activités agricoles avec son
programme d'appui et d'insertion des jeunes agriculteurs d'AYOS (PAIJA) en
octroyant des terres, des plants de cacaoyers et des intrants aux jeunes
volontaires de la localité avec l'accent sur l'insertion de la jeune
fille (déjà 30% de jeunes filles dans l'effectif total
actuel).
? 3ème étape : La récolte
et la vente des produits
La récolte, qui est l'étape la plus lourde en
termes de main-d'oeuvre, nécessite toujours une aide importante. Cette
aide provient de la mobilisation de la main-d'oeuvre familiale (femme(s),
enfants, neveux, nièces) qui participe à la récolte et aux
transports vers les lieux de stockage des produits. Mais il est aussi fait
appel aux amis qui se retrouvent généralement dans le cadre
d'associations rurales de travail. Ces équipes de travail
constituées se retrouvent alors de manière rotative dans les
champs des membres pour les travaux de cueillette, de ramassage,
d'écabossage (pour ce qui est du cacaoyer) et de transport. Celui qui
reçoit prépare nourriture, vin et bière pour les repas sur
le lieu de travail, une sorte de crémaillère amicale en quelque
sorte.
Ces groupes d'entraide peuvent parfois louer leurs services
à des personnes qui ne sont pas membres ou alors à des femmes
veuves. Dans le cas précis des cacaoculteurs, ils ont l'habitude de
recourir à cette forme d'entraide et seuls les grands planteurs
s'offrent le luxe de payer une main-d'oeuvre pour la récolte.
L'association pour la commercialisation et/ou l'achat des intrants est dans une
phase dynamique. Face aux acheteurs, la vente groupée s'est toujours
avérée être une arme efficace de négociation des
prix : la SOCOPTRACA (société coopérative des planteurs et
transformateurs de cacao d'AYOS) réussit à mobiliser en moyenne
trente (30) tonnes de cacao pour une vente groupée.
Mais par le passé, le manque de discipline de groupe et
les faibles moyens pour résister pendant la constitution des stocks dans
l'attente d'un éventuel «bon payeur», n'ont pas
été de nature à favoriser la vente groupée. La
baisse des prix du cacao et la loi de 1992 relative aux sociétés
coopératives et aux GIC (Groupements d'initiative commune), ont
aujourd'hui favorisé la création de mouvements associatifs dans
la localité qui jusque-là avait une culture associative moins
poussée comparé par exemple à la zone de production
caféière de l'Ouest
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Cameroun. Grâce à ces associations, les
cacaoculteurs commercialisent déjà facilement leur cacao et
peuvent aussi aisément acheter des produits phytosanitaires.
Généralement, les GIC et coopératives se créent au
niveau du village même si les sièges de négociation se
retrouvent essentiellement dans la principale ville de la commune où
s'effectuent les opérations de vente avec les principaux clients.
Le schéma suivant présente le circuit synoptique
des relations d'échanges entre les différents acteurs
impliqués. Il nous aide à ressortir dans une logique d'analyse
économique la part réellement tirée par les EFA à
la fin des transactions de vente des différentes récoltes ; cette
part économique permet d'analyser l'impact économique des
activités agropastorales sur les principaux
bénéficiaires.
Figure 3: Schéma synoptique du
circuit d'échanges24
Commune
T Q
Clients
EFA
R
(1+r) F+q
F
Principaux fournisseurs d'intrants et de capitaux
24Construction de l'auteur.
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? Interprétation économique du
circuit
Les paysans (pour la majorité «squatters de
facto»25 sur les terres) choisissent à travers les us et
coutumes les parcelles à cultiver. Ayant les moyens de financement
autonome réduits, ils s'engagent dans des partenariats individuels. Les
différents partenaires négocient un taux d'intérêt
lié non seulement à la conjoncture, mais aussi et surtout au
niveau de rendement de l'exploitation à terme (q) pour
deux éléments fondamentaux : la fourniture d'intrants (en nature)
et le montant de la liquidité octroyée [(1+r)F]
pour le cash. La plus-value de la récolte issue des différentes
ventes des produits est donc partagée entre le cultivateur, son
fournisseur d'intrants et/ou de liquidité, et la commune qui offre le
lieu physique d'échanges des différents biens et services.
En résumé, les EFA perçoivent R
(revenu des ventes ou recette totale) dont une partie est
versée soit sous forme financière ([(1+r)F]),
soit en termes de fraction de la production totale q aux
principaux fournisseurs (où q=ö.Q). L'autre partie
se subdivise en une fraction versée à la commune sous forme de
taxe fixe (ô) et le reste constitue le profit
réel des acteurs (ð) qui se calcule comme suit:
it = R - C (1) où C= coûts et C = q+ ô +
(1+r)F (2) ;
(2) dans (1) nous permet d'obtenir:
it = R-[q+ ô + (1+r)F] (3) ; or le
revenu peut encore s'écrire R = p.Q où p = prix de vente des
produits agricoles et Q = quantité vendue d'une part, et q = ä.Q
d'autre part, alors l'équation (3) devient:
ð = Q (p- ö)-[ô + (1+r)F]. Il est
à noter que 0< ö, r <1.
ð dépend donc fortement de
l'évolution de ö, p et Q. Dans ce
contexte, la condition d'accroissement du profit des ménages agricoles
est que p grandisse plus vite que ö
ainsi que Q d'une part, et que r
s'abaisse (r? 0). Cette réalisation n'est pas
encore possible pour une raison majeure : il y a encore persistance d'une
faible production combinée aux coûts de transaction
élevés. Bien que les prix des produits agricoles soient en
constante hausse sur le
25Des trois attributs de la
propriété, les paysans ne disposent que de l'usage
(usus) et du droit de jouir des bénéfices
(fructus). Par contre, ils ne disposent pas de
l'abusus et ne peuvent donc pas disposer de l'espace à
leur guise.
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marché, l'incidence sur les ménages agricoles
est négative car le niveau de production locale est faible ; les
agriculteurs ne possèdent pas de capacités techniques et
technologiques ainsi que la stratégie optimale dans la mise en oeuvre
des activités leur permettant de maintenir et/ou d'accroître la
production agricole. On rentre alors dans un cercle vicieux qui
déprécie au fil du temps le niveau de revenu tiré des
activités agropastorales et partant le niveau de vie
général des acteurs des EFA.
Récapitulatif de la signification des
symboles:
Q= production totale, R= revenu
des ventes,
F= crédits financiers accordés aux
EFA par les partenaires,
p= prix de vente des produits,
r = taux d'intérêt à
verser en plus dans le remboursement des crédits aux partenaires par les
EFA,
ô = taux d'imposition des produits
agricoles sur le marché communal, ä = fraction
numérique inférieure à l'unité,
q = part de la production totale à verser
en nature aux partenaires par les EFA, ð = taux de profit
réel des EFA.
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