Ressources minières et croissance économique en RDC.par Fanny Kabwe omoyi Université de Yaoundé 2 - Master en économie monétaire 2014 |
DEUXIEME PARTIE. RESSOURCES MINIERES : UNE SOURCE D'INSTABILITE ET DES CONFLITS ARMES251647488 Introduction de la deuxième partieDisposer des ressources « point source » importantes deviennent donc un fléau à partir du moment où le pays décide de se spécialiser dans le secteur des ressources (Stijns, 2002). Les effets négatifs des ressources minières à la croissance économique de la R.D.Congo sont non seulement considérables, mais aussi inévitables. Ils bouleversent l'environnement et la société, et sont potentiellement générateurs de violations de droits humains et de conflits (Sibaud, 2012). Dans le passé, les mines représentaient le moteur de l'économie congolaise. Au cours des dix dernières années des guerres civiles, l'industrie minière qui était le porte-étendard du pays s'est effondrée et les secteurs informel et artisanal se sont considérablement développés. Les conditions socioéconomiques de la R.D.Congo demeurent très difficiles après dix années de conflit qui ont eu un coût humain énorme et provoqué la destruction généralisée des infrastructures économiques et sociales du pays. Bien qu'elle soit riche en ressources naturelles, le revenu par habitant et les indicateurs du développement humain y sont parmi les plus faibles d'Afrique. La question de son impact est donc sujette à débats et controverses, selon la situation des peuples et au sein de l'économie. En fonction aussi de leur vision stratégique. Si globalement, au niveau de l'Etat, il s'agit d'une opportunité à saisir pour assurer la croissance et le développement. La demande sans précédent de ressources crée également un climat d'inquiétude à l'échelle mondialeet suscite enfin, auprès de différentes populations directement affectées, un rejet massif. L'utilisation judicieuse des recettes du secteur minier pour l'amélioration du bien-être des populations n'est pas une action automatique.Si l'on considère la diversification des sources de revenus du point de vue de la possibilité d'attirer une industrie minière capable d'offrir une croissance inclusive plutôt que du point de vue des effets qu'elle exerce uniquement sur les exportations.Avec une croissance élevée et soutenue, diversifiée entre les secteurs, inclut une large partie de la population active du pays et offre des opportunités égales d'accès aux marchés et aux ressources. CHAPITRE III. ANALYSES ECONOMIQUES DES GUERRES CIVILES ET IMPLICATIONS POLITIQUES251656704 La République Démocratique du Congo peut être plus que tout autre pays illustre parfaitement le « paradoxe d'abondance » selon lequel une richesse en ressources naturelles peut être davantage une malédiction qu'une bénédiction. Dans ce chapitre, nous allons aborder les guerres civiles qui affectent les ressources minières de la RDC, en faisant un contour du problème et de différentes mesures prises par le gouvernement. SECTION I. ANALYSES ECONOMIQUES DES GUERRES CIVILESCette section présente d'une part les facteurs des risques des conflits armés et met l'accent également sur les ressources minières comme facteur des guerres civiles en RDC. §1. Principaux facteurs de risque des conflits armés« Les guerres civiles sont les affrontements à l'intérieur des frontières des pays, sans la participation directe ou affichée de troupes étrangères, ce qui n'exclut pas l'influence de forces extérieures » (Collier, 2006). Les tensions autour de la captation et la distribution de la rente augmentent l'instabilité politique et le risque de conflit armé (Omgba, 2010 ; Gbetnkom et al., 2013). Collier et Hoeffler (1998 ; 2002) affirment que les pays dont la prospérité repose sur l'exploitation de matières premières présentent un risque accru de guerre civile, notamment lorsque ces activités génèrent au moins un tiers du revenu national brut. De même, Ross (2004) conclut que la découverte de pétrole augmente les conflits ou sont à la base du conflit. Que pourrions-nous dire de la situation actuelle de la R.D.Congo ? Ces guerres ont permis aux acteurs régionaux africains d'exploiter les ressources minières en dehors de tout cadre institutionnel ou technique qui aurait pu assurer une réelle rentabilité. La dépendance en ressources naturelles affecte positivement l'occurrence et la durée des conflits armés. Nombreux études empiriques sur les guerres civiles ont produit des résultats différents à cause du rôle des ressources naturelles, leurs différences des données, les modèles de guerres civiles, la procédure de ces estimations et les techniques appliquées. En effet, Artus et al. (2010), à l'aide des statistiques renseignent que l'argent du pétrole en Afrique centrale renforce le pouvoir de la classe dirigeante, mais il est à l'origine des rébellions et des révoltes, dès lors qu'il ne conduit pas au développement économique et tend à aggraver les inégalités. Les travaux de la Banque mondiale et notamment ceux de Collier et Hoeffler (2007) opposent la rébellion, forme de criminalité organisée caractérisée par l'avidité (Greed), et le gouvernement supposé légitime et recevant les doléances (Grievance). De nombreux travaux montrent le rôle spécifique des ressources naturelles dans la conflictualité. En 2004, Collier et Hoeffler (2002) analysent cinquante-deux guerres civiles entre 1960 et 1999. Ils montrent que la dépendance économique envers les ressources naturelles augmente les risques de guerre civile pendant les cinq années qui suivent l'amplification de cette dépendance. La relation n'est pas linéaire. De même Fearon et Laitin (2003) démontrent que le risque de guerre civile dans un pays exportateur de pétrole est de 19,1 % contre 9,2 % pour un pays non doté en ressources pétrolières. Ainsi, Reynal-Querol (2002) analyse le lien entre l'abondance de ressources naturelles et l'occurrence de conflits civils interethniques.Par contre, Elbadawi et Sambanis (2002) trouvent qu'il y a une ambigüité, pour eux tout dépend de la procédure, comment opérationnaliser la guerre civile. Pour 138 pays entre 1960 et 1995, l'abondance en ressources naturelles est un des facteurs essentiels. Enfin, Doyle et Sambanis (2000) montrent que les guerres civiles sont plus longues pour les pays dotés en ressources naturelles.Tout de même en 1998, Paul Collier et Hoeffler affirment sur la base d'analyses économétriques que les pays dont la prospérité repose sur l'exploitation de matières premières présentent un risque accru de guerre civile, notamment lorsque ces activités génèrent au moins un tiers du revenu national brut.L'analyse des conflits armés est rendue très difficile du fait de l'enchevêtrement des facteurs explicatifs et de la spécificité des différentes configurations. Plusieurs rapports d'enquêtes (Nations Unies, 2002) et documents ont récemment établi le lien entre l'exploitation des ressources minières et les conflits armés en République Démocratique du Congo. Ces relations ont également été mises en lumière par plusieurs études sur les causes économiques des guerres civiles (PNUD, 2004).Les défenseurs de la thèse de l'avidité sont convaincus que la plupart des conflits armés sont causés par des facteurs économiques tels que la lutte pour le contrôle sur les ressources naturelles. C'est notamment la position de l'équipe de recherche de la Banque mondiale dirigée par Collier pour qui, « les guerres civiles résultent beaucoup plus souvent d'opportunités économiques et, par conséquent, certains groupes rebelles sont avantagés par le conflit et ont donc de puissants motifs pour l'amorcer et l'entretenir. »Par contre, les partisans de la thèse des grievances soulignent l'importance d'autres facteurs comme les oppositions ethniques et religieuses, l'inégalité économique, le manque de droits politiques et la mauvaise gestion économique de la part du gouvernement(PNUD, 2004). Cependant, Aknin et Serfati (2008), dans leur analyse se proposent d'inverser la méthodologie utilisée par la Banque mondiale, en replaçant, les guerres pour les ressources dans un contexte de mondialisation.D'une part, elles impliquent de puissantes organisations et acteurs transnationaux. D'autre part, ces guerres reflètent, à leur manière, le déplacement des frontières entre l'État et le marché qui permet aux élites (gouvernementales, militaires ou autres) de tirer des bénéfices du pillage des ressources. Par ailleurs, Ballentine et Sherman (2003) essaie de trouver le juste milieu entre les deux hypothèses. Ballentine remarque que très peu de conflits contemporains peuvent être pris comme des exemples clairs de guerres de ressources caractérisées par des pillages à grande échelle commis par des acteurs étatiques ou rebelles. Les motifs et les opportunités économiques ne constituent presque jamais la cause principale des conflits armés. Au contraire, dans la plupart des cas il est question d'une interaction entre des facteurs économiques et des facteurs politiques, socio-économiques et sécuritaires. C'est exactement cette interaction qui donne lieu à l'éclatement d'une guerre. Néanmoins, Ballentine ajoute que dans certains cas l'accès aux ressources économiques est d'une importance significative pour la création d'une `structure d'opportunités' permettant aux belligérants de prolonger le conflit et de rester sur le champ de bataille.Autrement dit, le degré d'accès aux ressources économiques peut influencer la durée, l'intensité et le caractère d'un conflit. Il serait difficile de nier l'existence des inégalités dans des pays mal ou pas du tout gouvernés pendant une très longue période. Toutefois, l'identification d'autres causes qui favorisent le déclenchement des conflits offre d'énormes possibilités de prévention. L'étude de Collier a identifié les éléments ci-après comme étant les principaux facteurs de risque de guerre civile (PNUD, 2002) : · les facteurs économiques : la prépondérance des exportations des produits primaires dans l'économie nationale, la faiblesse des revenus moyens, la lenteur de la croissance, et la taille de la diaspora ; · les facteurs géographiques : la taille du territoire national et la répartition inégale de la population sur ce territoire ; · les facteurs historiques : les risques de conflit futur sont beaucoup plus élevés dans les pays où une guerre civile vient de prendre fin et ; · les facteurs sociaux : la faiblesse du niveau d'éducation et la composition ethnique et religieuse de la population. 1.1. Prépondérance des exportations des produits primairesAvant l'indépendance, la RDC a connu une croissance rapide, marquée par un bon comportement des productions primaires exportées (Kabuya et Tshuinza, 2009). Il y a eu également une amorce de diversification des activités, notamment dans le domaine des productions manufacturières orientées vers la consommation intérieure : textiles, boissons, ciment, fabrications métalliques. Mais l'importance des industries manufacturières est demeurée très marginale dans le PIB. Depuis le début des années 1990, avec le déclin du secteur minier public et l'absence d'investissements directs étrangers, des exploitations artisanales ont peu à peu remplacé la production industrielle. Fig.2. Evolution des différents secteurs contributifs à la croissance économique
Il est à noter sur les figures ci-dessus que la contribution au PIB du secteur d'extraction minière et de la métallurgie s'est élevée jusqu'à un peu plus de 30 % avant de décliner progressivement et de se situer systématiquement, depuis la fin des années 1980, en dessous de la contribution du secteur agricole.L'importance relative de ce dernier secteur s'est, depuis lors, constamment accrue au détriment de l'extraction minière et des autres secteurs (eau et énergie, bâtiments & travaux publics, services marchands et non marchands). Cette croissance économique ne s'est pas fondée sur le secteur industriel qui ne s'estjamais remis des pillages de 1991 et 1993 et des deux guerres de libération de 1996 et1998 qui ont entrainé la destruction des outils de production et la faillite de nombreusesentreprises.La part du secteur industriel dans le PIB est passée de 37% en 1970 à moinsde 4% en 2010 (Banque Mondiale, 2010). Les industries des mines notamment, la construction, le commerce, lestransports et télécommunications et plus récemment l'agriculture, ont été les principaleslocomotives de cette croissance. L'économie repose donc encore largement sur le secteurprimaire, ce qui maintient une pression importante sur les ressources naturelles. http://www.graph-data.com/sites/default/files/image/UserChartFiles/User_0_Chart_Line.png La performance des industries extractives est imputable à la bonne tenue des cours des minerais et à l'importance des investissements qu'elles ont attirés ces dernières années (environ 2 milliards USD pour Tenke Fungurume Mining, 1.5 milliard pour Kamoto Copper Company et 0.75 milliard pour Metalkol). Toutefois, des divergences ont été observées dans l'évolution de l'exploitation des différents produits. De septembre 2011 à septembre 2012, les volumes de cuivre, de cobalt et de zinc produits se sont accrus respectivement de 24.60, 22.27 et 5.65 % alors que ceux de diamant et de pétrole se sont repliés de 16.9 et 1.1 %. La production de cuivre était de 500 000 tonnes en 2012 et celle de l'or était inférieure à une tonne (Banque Centrale du Congo, 2012). La baisse de la production de diamant industriel résulte des difficultés d'exploitation expérimentées par la société Minière de Bakwanga (MIBA), notamment du fait de l'épuisement des gisements détritiques. Quant au diamant artisanal, ce secteur a manqué d'investissement et s'est trouvé pénalisé par une nouvelle opération imposée par le Gouvernement aux exploitants : désoxyder le diamant avant exportation.La baisse de la production de pétrole brut s'inscrit dans la continuité du repli observé en 2011 et est liée au reconditionnement de quelques puits de la société Perenco. La production de pétrole devrait néanmoins s'accroître dans les prochaines années avec l'entrée en exploitation des zones potentiellement pétrolifères du parc des Virunga et du lac Albert actuellement explorées par les firmes Soco International et Total. Par ailleurs, le contexte de conflits armés, qui a régné dans l'Est du pays au cours de ces dernières années, a favorisé l'exploitation illégale des produits tels que la cassitérite et le coltan, au point d'en estomper complètement la production industrielle à partir de l'année 2000. Au niveau du secteur secondaire, les industries manufacturières contribuent faiblement à la croissance (2.08 points) en 2012, en raison de la vétusté de leur outil de production, de leur capacité limitée à utiliser de nouvelles technologies, des effets de la concurrence étrangère ainsi que de la carence en énergie électrique. La branche énergie grève légèrement la croissance (-0.01 points). Ceci tient aux difficultés technico-financières que connaissent depuis plusieurs années, la Société Nationale d'Electricité (SNEL) et la Régie de Distribution des Eaux (REGIDESO). Ces difficultés sont liées au non-paiement des arriérés des factures de consommation de l'Etat qui occasionnent chaque année des pertes estimées à 30 et 50 millions USD respectivement (Banque Mondiale, 2012). Comme en 2011, la contribution à la croissance du secteur tertiaire est relativement forte. L'expansion du commerce s'explique par la stabilité du taux de change, l'amélioration des infrastructures routières et les mesures de désengorgement des ports de Matadi et Boma. Globalement, la branche transports et communications contribue de 3.7 points à l'accroissement du PIB en 2012. Sous l'impulsion de la politique gouvernementale des grands travaux, la branche construction conserve son dynamisme de 2011 (Banque Mondiale, 2012). La sous-branche des télécommunications réalise une croissance de 8.2 % compte tenu de l'augmentation de la demande. Deux nouveaux opérateurs des télécommunications (Africell et Orange) rejoignent le marché congolais en 2012. Le secteur des transports fléchit quelque peu dans certaines de ses composantes, notamment le transport ferroviaire à cause de l'état défectueux de ses véhicules. La branche des services connaît une faible progression alors que l'organisation du 14e sommet de la francophonie a eu une incidence positive sur l'hôtellerie. Cette faible performance s'explique par la baisse de l'activité hôtelière dans la partie Est du pays à la suite des conflits armés, le tourisme étant l'une des principales activités économiques du Nord-Kivu. Après une longue période de récession liée à la guerre et l'instabilité politique, la croissance économique a redémarré à partir du début des années 2000 du fait d'une gestion macroéconomique plus saine et d'une augmentation des dépenses publiques, des investissements direct étrangers et de la coopération internationale. Il n'a toutefois pas encore permis à la population congolaise de retrouver le niveau de vie qui était le sien il y a 20 ans, notamment du fait de la forte croissance démographique.L'économie reste relativement dynamique en 2012 avec une croissance de 7.2 %. Fig.3. Analyse des composantes de la demande en R.D.Congo (1980-2012) Source : auteur à partir de données de la Banque Mondiale, 2012 L'analyse des composantes de la demande montre que l'accélération de la croissance en 2012 profite du dynamisme de la consommation privée, de la consommation publique et de l'investissement. Ces composantes de la demande ont respectivement contribué au PIB à hauteur de 31.6, 16.3 et 51.3 % (Banque Centrale du Congo, 2012). La demande privée a été à l'origine du dynamisme du commerce de gros et de détail. De 2011 à 2012, le taux d'investissement est passé de 20.5 à 28.2 % du PIB. Les investissements directs étrangers (IDE) sont passés de 1 596 à 1 620.8 millions USD en raison de l'attrait exercé par les industries extractives, des travaux de réhabilitation des infrastructures de base et du développement du secteur immobilier privé. Les effets combinés des investissements attirés par les industries extractives ces dernières années, de la campagne agricole lancée en 2012 et des travaux de réhabilitation des infrastructures, notamment l'installation de la fibre optique, ont permis une accélération de la croissance qui s'établit à 8.2 % en 2013 et 9.4 % en 2014 et demeure toutefois tributaire des cours mondiaux des minerais et de la situation sécuritaire à l'Est du pays. Les dépenses publiques ont en effet largement été accaparées durant les 20 dernières années par les besoins en matière de sécurité, de gouvernance et du service de la dette et n'ont pas pu jouer leur rôle redistributif. Les flux financiers issus de la coopération internationale ont été très faibles au cours des années 90, avant d'augmenter fortement durant les années 2000 pour aider à la reconstruction du pays puis de se stabiliser autour de 10% du PIB. Les investissements directs étrangers ont augmentés à partir des années 2000 tandis que les investissements privés du secteur national ont stagné. Les efforts de stabilisation du cadre macroéconomique se poursuivent à un rythme assez soutenu, grâce à la mise en oeuvre d'une politique budgétaire restrictive, à l'assouplissement graduel de la politique monétaire et à un rebond des recettes d'exportation. Au cours des deux dernières décennies, la structure de l'économie de la R.D.Congo n'a pas fondamentalement changé. Elle reste tributaire de l'exploitation minière et de l'agriculture. Les ressources publiques provenant de l'exploitation minière sont dérisoires au regard du potentiel du pays. Les sérieux problèmes alimentaires auxquels est confrontée la population attestent de la faible productivité du secteur agricole (FMI, 2013). |
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