1.8. Traumatisme et résilience
Le traumatisme et la résilience sont deux notions qui
nous semblent pertinentes à aborder dans ce travail, car toutes deux ont
un impact sur le développement des individus. Comme nous le verrons, ces
deux concepts sont directement rattachés à la notion
d'attachement, qui joue également un rôle central dans le
développement psychocognitif des individus.
1.8.1. Le traumatisme
« Traumatismos signifiant action de se blesser et trauma
signifiant blessure constituent les racines grecques du mot traumatisme. Selon
Crocq (2014), le traumatisme psychique ou trauma est un phénomène
d'effraction du psychisme et de débordement de ses défenses par
les excitations violentes afférentes à la survenue d'un
événement agressant ou menaçant pour la vie ou
l'intégrité physique et/ou psychique d'un individu, qui est
exposé comme victime, témoin ou acteur» (cité dans
Tilmant, 2019, p.15).
Les événements traumatiques chez l'enfant ne
débouchent pas systématiquement sur du stress post-traumatique.
Cependant, les violences commises intentionnellement envers les enfants sont
plus traumatisantes pour ceux-celles-ci, spécialement si l'auteur-e de
ces violences est un proche de l'enfant (Baudet & Rezzoug, 2018). Le
traumatisme psychique se manifeste à la suite d'événements
comme des violences physiques ou sexuelles, ou de vécu d'abandon que
l'enfant n'a pas pu verbaliser de façon adéquate à un-e
adulte (Roman, 2016). Selon le même psychanalyste, il s'agit d'un
processus qui se déroule en deux temps, le premier aux moments où
les violences sont vécues et relayées dans l'inconscient de
l'enfant et dans un deuxième temps, elles ressurgissent à
l'adolescence:
L'agir violent à l'adolescence remobilise des traces
traumatiques, non liées, non élaborées, non
représentées... restées en souffrance dans la vie
psychique et qui sont
4 Comportement du-de la partenaire visant à
surveiller, contrôler voire restreindre les contacts avec d'autres
personnes (amis, famille, etc.).
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Adolescence, amour et violence. Prévenir la violence au
sein des relations amoureuses chez les adolescent-e-s.
appelées à prendre sens, dans la mise en jeu,
suffisamment consistante, de la figure du répondant (Roman, 2016,
p.28)
Pour résumer, un-e enfant témoin de violence ne
sera pas nécessairement « traumatisé-e » sur le court
terme, mais assimilera de manière inconsciente ces
événements qui ressurgiront à l'adolescence.
D'après le cours sur les adolescent-e-s de S. Guerry, il y a un risque
que ce traumatisme interfère sur l'image qu'il aura de lui. Il se peut
même que cela ait un impact sur le champ des possibles que l'adolescent-e
espère ou imagine pour lui-elle. Un-e adolescent-e qui aura une mauvaise
estime de soi risque notamment d'avoir des problèmes dans les relations
avec ses pair-e-s (communication personnelle 12 décembre 2019).
1.8.2. La résilience
La notion de résilience selon Manciaux & coll.
(2001) est « la capacité d'une personne ou d'un groupe à
bien se développer, à continuer à se projeter dans
l'avenir en dépit d'événements déstabilisants, de
conditions de vie difficiles, de traumatismes sévères»
(cités dans Théroêt, 2005, p.17).
Malgré une trajectoire de vie entachée par de la
violence, un-e adolescent-e peut tout à fait réussir à
devenir un-e adulte épanoui-e. Comme le décrit Cyrulnik (2019),
le traumatisme, quel qu'il soit, n'est pas déterminant pour le devenir
de la personne qui le subit. Il explique qu'il n'y a pas de barème du
traumatisme et que ce qui peut atteindre profondément une personne ne
touchera pas une autre de la même manière et inversement. Cyrulnik
se base sur la théorie de l'attachement pour expliquer comment une
personne peut devenir résiliente.
La théorie de l'attachement proposée par Bowlby
(1973) affirme « que les enfants et les adultes sont biologiquement
prédisposés à former des attachements [qui ont] de vastes
répercussions sur le reste de l'existence» (cité dans Gerrig
& Zimbardo, 2008, p.283). Ces attaches agissent aussi bien comme facteurs
de risque, mais également comme facteurs de protection.
La qualité de l'attachement participe grandement
à développer la résilience. Si l'enfant a reçu un
attachement sécurisé, avec une stabilité affective de la
part de ses parents ou d'une figure d'attachement à laquelle
s'identifier, lorsque le traumatisme arrivera, il-elle sera mieux
préparé-e à faire face à la situation, pourra mieux
appréhender ce qu'il-elle vit, en comparaison avec un-e enfant ayant
reçu un attachement moins sécurisé.
Loin de tout déterminisme, Cyrulnik (2019) explique
qu'un-e enfant qui aura connu un attachement « peu sécure »
pourra aussi être résilient-e, mais que cela prendra plus de
temps. Un autre facteur pour la résilience est la qualité de
l'entourage (familial, amical, professionnel, social) au moment du traumatisme.
Il explique l'importance de laisser des espaces de paroles et de partage pour
les personnes ayant subi un traumatisme, car cela contribue à
réduire le syndrome psychotraumatique. Selon lui, les ressources
externes, mises en place après le traumatisme, sont tout aussi
bénéfiques que les ressources internes acquises avant le
traumatisme; elles permettent aux victimes de reprendre une vie humaine
après un traumatisme qui, dans certains cas, peut même devenir une
force, voire une vocation dans leur existence.
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