III.1.2 LES UNIONS
MONETAIRES
Dans une zone d'union économique et monétaire,
les États membres partagent une même monnaie, ce qui implique une
banque centrale commune et, partant, une politique monétaire commune.
Une telle zone sous-entend un marché commun qui favorise la libre
circulation des produits et des services. Les avantages d'une monnaie commune
sont multiples.
Premièrement, les frais de transaction et de change
sont éliminés à l'exception de la période
transitoire.
Deuxièmement, une monnaie commune engendre une
diminution de l'incertitude économique.
Troisièmement, il existe un renforcement de la
discipline et de la crédibilité de la politique monétaire.
Quatrièmement, une monnaie commune a un impact plus
large sur l'efficience des marchés financiers.
En contrepartie de ces avantages existent deux
inconvénients de taille : la perte de l'indépendance de la
politique monétaire et le potentiel d'une plus grande instabilité
sur le volet macroéconomique.
C. du P A S Q U IER ET J. JA C OB , « L'union
économique et monétaire européenne :
Généralités et implications », Revue de la Banque du
Canada, automne 1997, p. 3,18.
L'implantation graduelle de la monnaie papier en Angleterre,
au Canada et aux États-Unis, particulièrement durant
l'époque coloniale dans ces deux derniers cas, trouve un écho en
Afrique de l'Ouest, où l'utilisation du franc CFA constitue un autre
exemple de convergence vers une monnaie commune. Il faut avant tout noter que
l'histoire de la monnaie africaine en générale et ouest-africaine
en particulier est relativement récente. Avant la colonisation,
plusieurs types de moyens de paiement eurent cours en Afrique, soit
principalement le cauris et le bloc de sel, mais également l'or, les
bandes d'étoffe, le cuivre et le fer. Ce n'est qu'en 1820 qu'un premier
pays africain, en l'occurrence, le Sénégal, introduisit des
pièces de monnaie pour la première fois.
Georges Israël, Histoire de l'Union monétaire
ouest-africaine, t. 1, Paris, 2000, p. 137-138.
À la suite de l'abolition de l'esclavage dans les
colonies françaises africaines en 1848, le gouvernement français
a institué la première banque coloniale française
d'Afrique de l'Ouest en 1853, soit la Banque du Sénégal. Celle-ci
fut fondée pour indemniser les anciens propriétaires d'esclaves,
les aider à payer la main-d'oeuvre et à adapter leurs
activités commerciales. Plus généralement, l'objectif
était de stimuler l'économie et de faciliter le crédit
à ces colons. Cette banque ainsi que les autres banques coloniales
françaises qui lui ont succédé se virent octroyer un
privilège exclusif d'émission de la monnaie.
Ce privilège d'émission est
caractéristique de la colonisation française.
Décret du 29 juillet 1901. Pdf
La Banque de l'Afrique Occidentale prit la relève de la
Banque du Sénégal et des autres pays ouest-africains en 1901, et
ses pouvoirs s'étendirent à tous les territoires qui
constituaient l'Afrique occidentale française et l'Afrique
équatoriale française. La monnaie commune devint le franc CFA en
1945, alors créé par la France comme instrument de sa politique
économique pour ses colonies africaines lorsqu'elle ratifia les accords
de Bretton Woods. Le franc CFA était alors convertible à
parité fixe avec le franc français. La Banque de l'Afrique
Occidentale perdit son privilège d'émission de la monnaie en 1955
lorsqu'elle fut remplacée par l'Institut d'émission de l'Afrique
occidentale française et du Togo. Cet institut adopta la
dénomination de Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest
(BCEAO) en 1959. La BCEAO demeura en fonction lorsque l'Union Monétaire
Ouest-Africaine (UMOA) fut créée en 1962. D'autres pays se
joignirent à ces organismes régionaux au fil des ans.
Aujourd'hui, le franc CFA est utilisé par les États membres de
l'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Il est
appelé « franc de la communauté financière d'Afrique
» -- ainsi que par la Communauté Economique et Monétaire
d'Afrique Centrale (CEMAC) appelé « franc de la coopération
financière en Afrique centrale ».
Décret no 55-103 du 20 janvier 1955 portant
réforme du régime de l'émission et création de
l'Institut d'émission en Afrique occidentale française et au
Togo, J.O., 25 janvier 1955. Pdf.
Un autre exemple d'union monétaire est la zone euro.
L'adoption de l'euro par le Parlement européen a nécessité
la convergence des monnaies nationales émises par des banques centrales
étatiques. Cela signifie que l'euro n'a pas été
conçu pour combler des lacunes de stabilité monétaire dues
à une faible confiance de la population, mais principalement pour
créer une union monétaire.
Le concept d'une monnaie commune européenne n'est pas
nouveau, puisque déjà au 18ème siècle
Victor Hugo avait suggéré l'idée d'une forme de devise
commune. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, plusieurs tentatives
eurent lieu en vue de procéder à l'adoption d'une monnaie
commune. Il fallut pourtant attendre les années 1970 pour que
l'idée se concrétise.
En 1971, la Communauté économique
européenne (CEE) proposa un plan en trois étapes pour
l'implantation d'une union économique et monétaire en 1980, mais
cette tentative fut rapidement abandonnée.
En 1978, afin de limiter les fluctuations des taux de change
et de favoriser une stabilité monétaire, la CEE adopta l'ECU,
l'unité de compte européenne, peu de temps avant le
Système monétaire européen de 1979.
F.A. Mann , The Legal Aspect of Money, Oxford, Clarendon
Press, 1992, p. 23.
Ce n'est que vers le milieu des années 1990 que la
nouvelle monnaie européenne prit forme. D'abord, l'ECU fut
renommée « euro » en décembre 1995 lors du Conseil
européen de Madrid119. Le 1er janvier 1999, l'euro devint la monnaie
commune parmi les États membres de l'Union européenne qui
adhérèrent à ce projet. Une période transitoire de
trois ans permit l'implantation de l'euro dans ces pays. L'euro fut d'abord
disponible en tant que monnaie scripturale pour être ensuite mis en
marché sous la forme de monnaie fiduciaire, c'est-à-dire en
monnaie métallique et en billets de banque.
ClearIT, SEPA, Nous sommes tous logés à la
même enseigne, vol. 31, mars 2007, p. 4. [En ligne],
[www.europeanpaymentscouncil.eu/index.cfm].
En définitive, la principale caractéristique
d'une union monétaire est que la création d'une monnaie se fait
dans un contexte plus favorable, ce qui permet d'éviter des crises
majeures d'instabilité monétaire et d'inflation. C'est le cas du
Congo Brazzaville et les autres pays de la zone monétaire franc CEFA
où il fait des décennies le prix d'un pain, par exemple, demeure
inchangé.
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