B. Une croissance impliquant la dégradation de
l'environnement
1. La courbe de Kuznet (1955) et le modèle de Baumol et
Oates (1988)
a) La courbe de Kuznet
L'aspect environnementale constitue le second aspect du
développement durable. Il est également celui qui est le plus
associé à cette notion. Il est donc nécessaire d'en cerner
les enjeux et l'impact de la mondialisation.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons
à son évolution dans le cadre d'un environnement
mondialisé par une approche théorique puis nous nous
intéresserons aux études empiriques réalisées.
Ainsi, nous pouvons discerner deux modèles
théoriques:
la courbe environnementale de Kuznets qui est une
référence dans l'étude de la relation entre croissance et
environnement, et le modèle de Baumol et Oates établissant un
lien entre libéralisation des échanges et environnement.
Premièrement, il faut notifier que la courbe de
Kuznets est issue des travaux de l'auteur homonyme sur le développement
économique dans les années 50. Cette courbe, qui possède
une forme de U inversée, démontre, à l'origine, une
relation entre le niveau d'inégalité et de développement
d'un pays. Cependant, suite aux travaux de Krueger et Grossman (1991) ainsi que
de Panayotou (1993), la courbe de Kuznets est transposée dans une
thématique environnementale (CEK).
Pour ce faire, on pose l'hypothèse que l'environnement
est un bien dont la demande augmente avec le revenu ; c'est un bien
supérieur. On peut en faire le constat, par exemple, avec les pays du
Nord qui sont davantage tournés vers la préservation de
l'environnement que les pays du Sud : ces derniers ne peuvent pas
dégager suffisamment de ressources pour mener une politique axée
sur la préservation de l'environnement car trop coûteuse.
Par conséquent, les pays du Nord qui sont capables de
mobiliser des ressources vont pouvoir entreprendre des mesures
environnementales.
Il résulte de ce processus la courbe en U
inversé indiquant une relation, dans un premier temps, négative
entre croissance et environnement puis, à partir d'un certain seuil,
cette relation deviendrait positive.
b) Le modèle de Baumol et Oates
Dans cette seconde section, nous nous intéressons au
modèle de Baumol et Oates qui instaure une relation entre deux pays
produisant un même bien avec deux techniques de production
différente, l'une est polluante tandis que l'autre est respectueuse de
l'environnement. Le pays riche utilise le procédé le moins
polluant en raison de normes environnementales en vigueur, alors que le pays
pauvre utilise le procédé le moins cher et donc le plus polluant
n'étant pas soumis au même normes environnementales que le pays
riche.
Dans un contexte de libre échange, le pays pauvre
possède un avantage comparatif car il utilise le procédé
le moins cher par conséquent le pays riche va se spécialiser dans
d'autres biens de production. Il en résulte, au niveau mondial, que les
pays en développement vont se spécialiser dans les techniques de
production les plus polluantes car moins chères et donc plus rentables.
En conséquence, les pays en développement deviendrait des «
havres de pollution » tandis que les pays du nord verraient leurs
émissions baisser.
La balance globale Nord - Sud serait négative car les
pays du Nord qui perdent en compétitivité ne mettraient plus en
place de nouvelles mesures environnementales au risque de continuer leurs
pertes de compétitivité, ils pourraient même
rétrograder et abandonner leurs politique environnementale afin de
retrouver leurs compétitivité. L'effet de normes
environnementales peut donc, selon le modèle de Baumol et Oates,
être paradoxalement néfaste pour l'environnement.
2. Les travaux empiriques reliant environnement et croissance
économique a) Les études réalisées dans les
pays en développement
Nous allons à présent nous intéresser aux
études empiriques concernant la relation entre environnement et
croissance de Harbaugh (2002) et de Mokhtar Hilali et Naceur Ben Zina
(2007).
Ces deux études portent sur la validité
empirique ou non de la Courbe environnementale de Kuznet. Afin de tester cette
validité, Harbaugh, dans son étude Reexamining The Empirical
Evidence For An Environmental Kuznets Curve, va analyser la présence de
trois polluants communs, le dioxyde de sulfure (SO2), la fumée ainsi que
le total de particules en suspension dans l'air.
Ce qui lui a permis de comparer leurs niveaux avec le niveau
de revenu de plusieurs villes et pays différents ainsi que sur de
nombreuses années.
L'utilisation de données de panel permet une approche
économétrique relativement globale afin de pouvoir
déterminer au mieux l'existence d'une corrélation entre les deux
variables que sont le revenu et le niveau de pollution et si la
corrélation était avérée se
matérialiserait-elle sous forme de U inversé ou non.
Harbaugh va répondre à cette
problématique en affirmant qu'il y a une corrélation positive
entre le niveau des trois polluants analysés et le revenu, mais que la
courbe en U inversée n'est, pour lui, pas valide
empiriquement.Cependant, ses résultats sont, selon lui, à
relativiser puisque l'étude ne porte pas sur un grand nombre
d'indicateurs de pollution ni sur une période suffisamment longue pour
pouvoir accréditer une théorie.
Cette étude démontre bien la complexité
du problème : la pollution agissant sur un grand nombre de facteurs, il
apparaît compliqué de n'en sélectionner que quelques- uns
pour conclure empiriquement sur la relation entre pollution et croissance
économique.
Dans leur étude Commerce et Environnement : Relecture
de la Courbe Environnementale de Kuznets, Mokhtar Hilali et Naceur Ben Zina se
sont également posé la question de la validité de la
courbe de Kuznets et plus généralement de la relation entre
environnement et croissance par la libéralisation des échanges
dans les pays du Sud.
Les auteurs ont décidé de retenir deux
indicateurs que sont les émissions de CO2 ainsi que le niveau de
déforestation. Portant sur cinq pays en voie de développement
(l'Algérie, la Tunisie, la Turquie, la Thaïlande et la Colombie),
l'étude démontre une vérification empirique de la CEK pour
l'Algérie et la Tunisie. En revanche, pour les autres pays, la courbe
est en U non inversée, ce qui impliquerait
Nous allons tout d'abord nous concentrer sur les
modèles théoriques nous permettant de comprendre ce processus,
puis nous nous intéresserons aux différents travaux empiriques
réalisés.
une amélioration de l'environnement lors de l'ouverture
aux échanges suivie d'une détérioration, c'est le
mécanisme inverse de la courbe environnementale de Kuznets.
Nous constatons encore des résultats ne permettant pas
d'accréditer ou d'infirmer la thèse de la courbe environnementale
de Kuznets. Les résultats empiriques dépendant fortement de
l'indicateur environnemental retenu ainsi que du pays choisi.
b) Les travaux effectués sur la Chine
Par conséquent, il est primordial de se tourner vers
les études empiriques faites en Chine de façon à pouvoir
appréhender au mieux la problématique que nous avons retenu.
Nous pouvons, ainsi, citer l'étude de Song et al.(2007)
qui étudie les émissions de gaz atmosphérique dans 29
villes chinoises de 1985 à 2005.
L'étude conclue sur une relation en forme de U
inversée de la courbe environnementale de Kuznets avec un seuil
d'environ 29 000 yuan. Cela implique qu'au delà de cette somme par
habitant, la croissance serait favorable à l'environnement.
L'étude de Shen et Hashimoto (2004) sur 31 villes de
1990 à 2001 portant sur le dioxyde de souffre SO2 arrive à la
même conclusion : une courbe en U inversé mais avec un revenu
seuil de 1395 yuan.
Cependant, même si certaines études comme nous
venons le voir concluent à une courbe en U inversé, d'autres
infirment celle-ci. C'est le cas, par exemple, de l'étude menée
par Shen (2006) sur 31 villes chinoises entre 1993 et 2002 en prenant en compte
les émissions de SO2 qui trouve une relation en forme de U non
inversé.
Nous pouvons également citer l'étude de Yaguchi
et al. (2007) sur la période 1985-1999 qui ne conclue pas en une courbe
en U puisque l'indicateur de SO2 n'a pas montré de signe de diminution
significatif en Chine suite à l'augmentation du revenu.
Comme nous venons de le constater, il semble compliqué
d'affirmer ou d'infirmer avec certitude la validité de la courbe
environnementale de Kuznets en Chine. En effet, la différence des
indicateurs de pollution, les villes choisies ainsi que la méthode de
calcul utilisé sont des paramètres pouvant faire varier les
résultats vers l'accréditation ou non de la CKE.
Par conséquent, il apparaît nécessaire de
mettre en relief les résultats que nous obtiendrons lors de notre
recherche économétrique par rapport aux différentes
variables considérées ainsi qu'à la méthode de
calcul utilisée.
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