3.2. DISCUSSION
3.2.1. Fondements physiques et humains de l'utilisation des
pesticides et engrais chimiques pour la culture des légumes
De sables fins inaptes aux activités agricoles favorisent
l'utilisation des intrants chimiques
pour la culture des légumes. La majorité des
maraîchers enquêtés sont âgés de 15 à 45
ans, ceci montre le rôle important que joue la jeunesse dans la
production maraîchère. La promiscuité des unités de
production peut faciliter la contamination des légumes par les
traitements des champs voisins et être une source de maladies fongiques
et d'infestations de nématodes nécessitant une augmentation des
protections phytosanitaires. Ceci pourrait entraîner un appauvrissement
des sols par excès de fertilisants chimiques. Le maraîchage dans
la Commune de Sèmè-Podji mobilise des hommes que de femmes. Cette
prédominance pourrait être liée aux efforts et contraintes
que nécessitent cette filière à savoir préparation
du sol, achat des intrants et traitements de pesticides. Ce constat corrobore
les résultats des travaux menés par Daleb Alfa (2014) au
Bénin et Toé, M.A., 2007 au Burkina Faso. Les maraîchers
sont en majorité analphabètes, ceci pourrait constituer un
obstacle à la bonne connaissance des conditions d'utilisation des
pesticides et engrais chimiques d'autant que les étiquettes sont
écrites en langues étrangères (français, anglais et
allemand). Les travaux de Wade (2003) recensent un taux d'analphabétisme
de 65% parmi les maraîchers de Mboro, et 55% des maraîchers de
Thiès au Sénégal. Toé A. (2007) rapportent dans ces
études au Burkina Faso que l'analphabétisme des agriculteurs ne
leur permet pas de comprendre la signification des pictogrammes et des
informations inscrites sur les étiquettes des flacons des produits
phytosanitaires.
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3.2.2. Utilisation des pesticides
Les matières actives de pesticides citées par
les maraîchers correspondent aux matières actives de pesticides
autorisés en maraîchage par le Comité Sahélien des
Pesticides. Néanmoins, leur utilisation non maîtrisée peut
être source de nuisances pour la santé et l'environnement
(Hallenbeck, 1985 ; Cohen, 2007). Agbohessi et al. (2014) ont rapporté
la contamination des bassins situés à proximité des champs
de coton au nord du Bénin par des résidus de pesticides comme le
DDT, l'endosulfan, le lindane et l'heptachore. Ces derniers avaient des effets
toxiques sur les poissons qui vivaient dans ce bassin. Des études
réalisées sur les agriculteurs de la Thaïlande
exposés de façon chronique à des mélanges de
pesticides ont révélé des effets toxiques sur leurs
systèmes hématologique, immunitaire et nerveux (Aroonvilairat et
al., 2015 ; Worapitpong et al., 2017). La dose de pesticides à utiliser
pour une superficie de champ est indiquée sur la notice de chaque
produit. Le fait de surdoser les pesticides lors du traitement, peut entrainer
la contamination des légumes ainsi que les compartiments de
l'environnement (sols, nappe phréatique, air, etc.) (Agnandji et al.,
2018)
Les maraîchers interrogés déclarent
traiter leurs cultures le plus souvent à titre préventif, ce qui
protège les plantes contre les nuisibles et leur permet de croître
normalement. La majorité des exploitants ont affirmé traiter
leurs cultures chaque semaine et le plus souvent deux fois par semaine. Les
maraîchers qui traitent les plantes à cette fréquence
seraient plus exposés aux pesticides que ceux qui font des traitements
à titre préventif ou une fois par quinzaine et en cas d'attaque.
La pulvérisation est la seule méthode d'application de pesticides
chez les maraîchers enquêtés. C'est la méthode qui
est aussi utilisée par la majorité des maraîchers du Togo
(Kanda et al., 2013). Le pulvérisateur n'est pas un outil à la
portée de tous les maraîchers africains. C'est ainsi que certains
maraîchers utilisent des rameaux réunis sous forme de balais ou
des arrosoirs pour réaliser la pulvérisation (Sougnabé et
al., 2010).
On a noté une diversité culturale dans le
maraîchage à Sèmè-Kpodji, la production est
destinée à la commercialisation et l'exportation vers les
marchés de Cotonou et du Nigéria. Ceci justifie la
prédominance des cultures commerciales génératrices de
revenus telles que le concombre ( Ecballium elaterium), la tomate (lycopersicon
esculentum), le poivron (Capsicum annum) et l'haricot vert (Phaseolus
vulgaris). L'enjeu commercial explique le fait que les maraîchers
procèdent à une protection intensive des cultures pour lutter
contre les ravageurs et accroître leur productivité. Les
insecticides sont systématiquement utilisés par les
maraîchers, les fongicides sont souvent utilisés en cas d'attaque
des champions. En effet on a recensé trente préparations
commerciales, quarante matières actives et trente-six familles de
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pesticides. Les pyréthrinoïdes, les
organophosphorés suivi des Acaridae et des Avermectines
représentés respectivement par le Cyperméthrine, le
Chlopyriphos éthyl, l'Abamectine, et Emamectine benzoate sont largement
utilisés en cultures maraîchères. Le grand problème
des pesticides réside dans leur libre commercialisation.
Malgré les règlementations en vigueur sur la
commercialisation des pesticides au Bénin, on assiste à un
désordre dans l'application des textes et ça se traduit par une
multiplication des commerçants vendant divers produits souvent
inadaptés, interdits d'usage ou périmés. Certains
pesticides à base d'endosulfan et l'alphacal dont l'usage est
réservé à la culture du coton sont fréquemment
utilisés dans le maraîchage à Sèmè-Kpodji.
Les organochlorés autres que l'endosulfan n'ont pas été
recensés. Le manque de contrôle dans la commercialisation se
traduit également par diverses reformulations chez les utilisateurs.
Aussi les quantités de pesticides et d'engrais utilisées ne sont
pas souvent respectées. Ceci peut se traduit par la présence de
résidus dans les compartiments de l'environnement. Liliana, 2007 affirme
que les cultures sols et eaux souterraines sont exposés à des
dosages massifs d'engrais chimiques qui modifient leur milieu et rendent l'eau
non potable. Pazou, et al (2006a) ont décelé des teneurs de
résidus d'organochlorés dépassant les limites maximales de
résidus dans les sédiments prélevés le long du
fleuve Ouémé au Bénin.
L'usage des pesticides requiert des moyens de protection pour
assurer la sécurité des utilisateurs. A ce niveau on remarque que
très peu de maraîchers observent les règles
d'hygiène après les traitements phytosanitaires et qu'aucun des
maraîchers ne dispose d'un équipement complet de protection
(tableau 6). Ceci corrobore les résultats des travaux de Wade (2003).
Aussi le manque de matériels de protection augmente les risques
d'intoxication et les expose à divers malaises susceptibles d'être
induits par les pesticides comme des troubles dermatologiques, neurologiques,
immunologiques, respiratoires, digestifs, de cécité et des
cancers....etc (Samborn et al., 2004; Sousa passos, 2006)(tableau 17). La prise
de lait par certains selon Assogba k., (2007) qui a
décelé des teneurs de résidus dépassant 0,5ug/g
pour les organochlorés (DDT, Endrine, Heptachlore) dans les
légumes au sud du Bénin maraîchers pourrait être
dangereuse en cas d'intoxication car la plupart des pesticides sont
liposolubles et le lait pourrait accélérer leur absorption et
occasionner l'apparition précoce d'effets toxiques.
Le non-respect des doses utilisées et les délais
de carence constituent des facteurs de risque pour le consommateur, les
considérations sur l'utilisation des pesticides doivent être
prises au
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sérieux pour prévenir les intoxications
alimentaires relatives aux pesticides et engrais chimiques.
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