Chapitre IV :
|
TYPOLOGIE DES QUESTIONS EN
SHUPAMEM
|
Introduction
Le chapitre III, nous a permis de dénombrer les
différents marqueurs de l'interrogation en Shupamem. En fait, il ressort
qu'en Shupamem l'interrogation est marquée par le marqueur de
l'interrogation è, nè, mè,
l'interrogateur oratoire I ou nI, les pronoms
interrogatifs, les adjectifs interrogatifs et les adverbes interrogatifs. Dans
le chapitre IV, il sera question pour nous d'inventorier les types
d'interrogations en Shupamem, de parler de la distribution des constituants de
la phrase interrogative, d'identifier et d'expliquer les différents
mouvements que subissent les constituants des phrases interrogatives en
Shupamem. Pour ce faire, nous allons parler tour à tour des constituants
de l'interrogation totale directe, des constituants de l'interrogation totale
indirecte, des constituants de l'interrogation partielle directe, des
constituants de l'interrogation partielle indirecte, des constituants de
l'interrogation oratoire, des constituants de l'interrogation alternative et
des constituants de l'interrogation averbale. Par la suite, nous allons aussi
parler des différents mouvements syntaxiques qui s'opèrent dans
chaque type d'interrogation. Pour finir, nous parlerons des interrogations
à Qu multiple.
4.1 La phrase de base
La phrase de base est une phrase qui n'a encore subi aucune
transformation syntaxique. C'est en fait la phrase canonique. C'est elle qui
sert de modèle à toute analyse syntaxique. Cette phrase nous
permet de comprendre la structure de la grande majorité de phrases. Ce
modèle de phrase a généralement deux constituants
obligatoires à savoir : un groupe en fonction sujet et un groupe en
fonction prédicat. Notons aussi que la phrase de base peut avoir un ou
plusieurs constituants facultatifs. Disons pour finir que la phrase de base
possède les caractéristiques suivantes : elle est de type
déclaratif et de forme20 active, positive, neutre et
personnelle. Les phrases qui ne sont pas de forme positive, active, neutre et
personnelle sont des phrases transformées.
20 La notion de forme de phrase regroupe plusieurs
phénomènes syntaxiques et particularités grammaticales. La
forme de phrase correspond à des structures des phrases
différentes. Les formes de phrase se reconnaissent par la
présence ou non de certains mots et par la variation dans l'ordre de
mots dans la phrase. C'est en forme d'opposition que se définit les
formes de phrase. Communément, on oppose ainsi les formes de phrase
suivantes :
a. Forme positive ou forme négative
b. Forme active ou forme passive
c. Forme neutre ou forme emphatique
d. Forme personnelle ou forme impersonnelle
68
4.2 Type d'interrogations en Shupamem
Dans cette section, il sera question pour nous de recenser les
types d'interrogation en Shupamem. Mais avant cela il est important de dire ce
qu'on entend par phrase interrogative. En linguistique, l'interrogation est
un acte de langage21 par lequel l'énonciateur
demande une information au destinataire et attend une réponse de la part
de celui-ci. Une phrase interrogative est couramment appelée question.
Les structures de phrases interrogatives peuvent varier puisqu'il existe
plusieurs moyens pour les construire. Observons les phrases suivantes :
(1) a. aì ø - fû wo ?aiì n?Ì
?
c'est PRS-rester qui ici M Int « C'est qui qui habite ici ?
»
b. wo jaì n?Ì ? qui où M Int « Qui
est où ? »
c. û ø-?gwoìn fï?n?Ì n?Ì
? 2sg PRS-aller quand M Int « Quand vas-tu ? »
Les phrases (1a, b et c) montrent clairement que les
structures de phrases interrogatives ne sont pas les mêmes. En (1b), le
mot interrogatif est en initial de phrase alors qu'en (1c), il est en final de
phrase. Ce qui nous permet de conclure que l'interrogation se forme de
plusieurs façons en Shupamem.
Nous avons recensé en Shupamem cinq (05) types
d'interrogations à savoir :
1) L'interrogation totale
2) L'interrogation partielle
3) L'interrogation alternative
4) L'interrogation rhétorique
21 Le terme acte de langage a été
créé en 1962 par Austin John Langshaw dans Quand dire c'est
faire. Un acte de langage est un moyen mis en oeuvre par un locuteur pour
agir sur son environnement par ses mots : il cherche à informer,
demander, inciter, etc. son ou ses interlocuteurs par ce moyen.
La notion d'acte de langage est une notion très
importante qui a donné naissance à la pragmatique (branche de la
linguistique spécialisée dans l'étude de l'usage du
langage). La pragmatique se propose d'étudier, dans les
énoncés, tout ce qui implique la situation de communication.
Dans le cadre de la théorie de l'acte de langage,
Austin distingue trois types d'actes accomplis grâce au langage :
- Acte locutoire, qui correspond au fait de dire, dans le sens
de produire de la parole (en articulant et en combinant des sons et des mots
selon les règles de la grammaire).
- Acte illocutoire que l'on accompli en disant quelque chose :
j'accomplis un acte de promesse en disant je promets, de questionnement en
employant une interrogation etc.
- Acte perlocutoire qui correspond à l'effet produit
sur l'interlocuteur par l'acte illocutoire. En posant une question, je peux
m'attendre au niveau perlocutoire, à toute une série de
réactions possibles. Je peux obtenir la réponse demandée
ou une non-réponse.
69
5) L'interrogation averbale
4.2.1 Interrogation totale
Parlant de l'interrogation totale, Strik (2008 : 19) dit que
l'appellation totale dans les questions fait référence à
ce sur quoi l'interrogation porte. Dans une question totale, elle porte sur la
question dans sa totalité. On parle aussi de question oui/non, car la
réponse à une question totale peut être oui ou non.
« oui » et « non » sont appelés
des mots-phrases parce qu'ils remplacent toute une phrase comme
réponse.
Considérons les phrases suivantes :
(2) a. u' ø- ji' i`.
2sg PRS- connaitre lui « Tu le connais. »
b. u' na` ø - ?u' n?i'nka`. 2sg Accs PRS-
habiter Njinka « Tu habites à Njinka. »
c. Petro ø - ?gwo`n n?i'nka`. Pierre PRS- partir
Njinka « Pierre part à Njinka. »
d. Ali na` ø- ta'? m?Ìn
Ali Accs PRS-chercher enfant « Ali cherche
l'enfant. »
Les phrases (2a, b, c et d) sont des phrases affirmatives.
Transformons ces phrases en des phrases interrogatives.
(3) a. u' ø- ji' i` n?Ì ?
2sg PRS- connaitre lui M Int « Est-ce que tu le connais ?
»
b. u' ø - ?u' n?i'nka` n?Ì ? 2sg PRS-habiter
njinka M Int « Habites-tu à Njinka ? »
c. Petro ø - ?gwo'n n?i'nka` n?Ì? Pierre PRS
-partir Njinka M Int « Est-ce que Pierre part à Njinka ? »
d. Ali ø- ta'? m?Ìn n?Ì ?
Ali PRS- chercher enfant M Int
« Est-ce que Ali cherche l'enfant ? »
Tl est important de noter qu'on répond aux questions
(3a, b, c et d) par « oui » ou par « non ». La question
totale n'a pas de réponse autre que « oui/non »,
c'est pour cette raison qu'on appelle ce genre de question en anglais «
yes or no question ».
70
4.2.1.1 Interrogation totale directe
Une interrogation est dite totale directe lorsqu'elle se termine
par un point d'interrogation et quand elle fait appel au marqueur de
l'interrogation ?Ì, n?Ì ou m?Ì.
Considérons les phrases suivantes :
(4) a. m?ìn 0 -li?ì n?Ì ?
enfant PRS- dormir M Int « L'enfant dort ? »
b. u' ma` 0- n?i' u' n?Ì ? Matateyou (2008 :20) 2sg
Neg PRS- connaitre 2sg M Int
« Ne le sais-tu pas ? »
c. p?ì 0- fa' n?Ì ? 3pl PRS- donner M Int
« Est-ce qu'ils donnent ? »
d. u' 0- ?gwo'n ?Ì ? 2sg PRS- aller M Int « Est-ce
que tu vas ? »
e. i' two' - ja'p m?Ì ? 3sg F1-déposer M Int
« Déposera-il ? »
Comme le montrent les phrases (4a, b, c, d et e),
l'interrogation totale directe est marquée en Shupamem par le marqueur
de l'interrogation ?Ì, m?Ì et n?Ì
en fin de phrase. Toutes ces phrases ont une réponse commune soit
« oui » soit « non ». En (4b) ci-dessus,
il y a double utilisation du pronom personnel u' (tu). Notons qu'il ne
s'agit pas de l'inversion sujet-verbe mais plutôt du pronom personnel de
reprise qui est présent dans les interronégatives en Shupamem.
|