B. La protection des intérêts de l'Etat
côtier
Les Etats en voie de développement virent dans cette
distinction entre la recherche industrielle soumise au contrôle de l'Etat
côtier et la recherche pure échappant à ce contrôle
«une brèche par laquelle les Etats industrialisés
[tentaient] d'accéder»166 aux ressources de leurs zones
de juridiction et un moyen de limiter leur emprise maritime. La
République de Trinité-et-Tobago déclara en effet que
«la nature de la recherche scientifique marine s'oppose à toute
distinction précise entre la recherche pure et la recherche industrielle
conduite dans le but d'une exploitation commerciale ou d'une utilisation
militaire»167.
La science fondamentale servant souvent de base pour une
activité économique ou militaire ultérieure, cette
distinction est injustifiée168. En effet, les
résultats des recherches fondamentales géologiques permettent de
localiser les ressources minérales et peuvent être
exploités par les compagnies pétrolières, les
résultats de la recherche biologique pure permettent de localiser les
ressources halieutiques et peuvent être exploités par les
entreprises de pêche, et les résultats de la recherche
fondamentale en océanographie physique peuvent être
exploités par les inventeurs des nouvelles armes
militaires169.
Les Etats en voie de développement avaient plusieurs
raisons d'être méfiants à l'égard des Etats
industrialisés qui avaient déjà exploité leurs
ressources pendant la période coloniale. Appauvris par cette
colonisation et par conséquent techniquement moins avancés,
ceux-ci n'avaient pas les moyens de savoir si les projets de recherche que les
Etats industrialisés se seraient proposé d'effectuer dans leurs
eaux relevaient de la recherche pure ou de la recherche
industrielle170.
166 MOUSSA (F.), op. cit., p.107.
167 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.9, op. cit., p.252.
168 MONTJOIE (M.), op. cit., pp.841.
169 FREYMOND (O.), op. cit., pp. 37-44.
170 MOUSSA (F.), op. cit., p.107.
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De plus, ils «préfèrent garder secret ce
qu'ils considèrent [alors] faire partie de leur
patrimoine171. Enfin, ils risquent d'être dans une position
défavorable dans la négociation de contrats d'exploitation des
ressources que les Etats industrialisés pourraient découvrir dans
les zones qu'ils se sont (ré)appropriées172.
C'est ainsi que la définition de la recherche
scientifique marine est absente de la version finale de la CMB. Sa distinction
des autres activités de collecte de données marines est
dès lors difficile, et la catégorisation de ces dernières,
incertaine.
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