Paragraphe II. Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat
côtier dans l'octroi de son consentement
Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat côtier dans
l'octroi de son consentement aux projets de recherche scientifique marine dans
ses eaux est très important. La CMB permet ainsi à l'Etat
côtier de subordonner l'octroi de son consentement aux conditions qu'il
désire (A), de refuser son consentement et même de le reprendre
après l'avoir octroyé (B).
A. Un consentement subordonné à des
conditions excessives
«Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui ont l'intention d'entreprendre des recherches
scientifiques marines dans la zone [d'emprise] d'un Etat côtier
fournissent à ce dernier», en vertu de l'article 248 de la CMB,
certains renseignements au sujet de ces recherches, six mois au plus tard avant
la date prévue pour le début du projet330 (annexe I).
L'Etat côtier n'accorde son
,%2D%20La%20zone%20%C3%A9conomique%20exclusive.,marins%20et%20leur%20sou
s%2Dsol.
330L'article 248 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui ont l'intention d'entreprendre des recherches
scientifiques marines dans la zone économique exclusive ou sur le
plateau continental d'un Etat côtier fournissent à ce dernier, six
mois au plus tard avant la date prévue pour le début du projet de
recherche scientifique marine, un descriptif complet indiquant al la nature et
les objectifs du projet, b) la méthode et les moyens qui seront
utilisés, en précisant le nom, le tonnage, le type et la
catégorie des navires, et un descriptif du matériel scientifique,
c) les zones géographiques précises où le projet sera
exécuté, d) les dates prévues de la première
arrivée et du dernier départ des navires de recherche ou celles
de l'installation et du retrait du matériel de recherche, selon le cas,
et le nom de l'institution qui patronne le projet de recherche, du directeur de
cette institution et du
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consentement qu'aux «conditions fixées par
lui»331 en vertu de l'article 245 de la CMB. Mais ces
conditions sont souvent jugées excessives332. La France, qui
était favorable à une liberté maximale de la recherche
scientifique marine exige par exemple une demande d'autorisation «six mois
au plus tard avant la date prévue pour le début de la
campagne»333. La Belgique, plus souple, ne requiert que trois
mois334.
Les renseignements à fournir pour obtenir le
consentement de l'Etat côtier concernent l'affectation des données
collectées, les moyens que les chercheurs prévoient d'utiliser,
«les dates prévues de la première arrivée et du
dernier départ des navires de recherche [et] celles de l'installation et
du retrait du matériel de recherche»335 ainsi que les
zones géographiques visées. L'Allemagne proposa par exemple au
cours des négociations de la CNUDM III que les chercheurs doivent
fournir à l'Etat côtier «une description
détaillée du projet de recherche, incluant les objectifs, les
méthodes et les instruments de collecte des données marines, les
zones visées et le calendrier prévu, des informations sur
l'institut de recherche concerné et l'équipe de chercheurs
employée»336.
L'Etat côtier peut exiger des renseignements
supplémentaires337 non précisés par la liste
proposée par l'article 248 de la CMB. Nous comprenons que cette liste
est ouverte puisque l'article en question s'intitule «obligation de
fournir des renseignements à l'Etat côtier et non «les
renseignements à fournir à l'Etat
responsable du projet f) la mesure dans laquelle on estime que
l'Etat côtier peut participer au projet ou se faire
représenter».
331 Article 246 de la CMB précitée.
332 ABE-LOS, Première session, 2001.
333 Article 8 du décret français n° 2017-956
précité.
334 L'article 41.1 de la loi belge concernant la ZEE de la
Belgique en mer du Nord précitée prévoit: «En vue de
l'obtention du consentement visé à l'article 40, une demande est
transmise par la voie diplomatique, au plus tard trois mois avant le
début du projet envisagé. Le Roi détermine les
informations qui doivent être jointes à cette demande».
335 Ibidem.
336 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.19, op. cit., pp.
266-267.
337DOALOS, Guide révisé pour
l'application des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies
sur le droit de la mer, op. cit., pp. 31-34.
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côtier». Un intitulé qui laisse aussi
perplexe338 que celui de l'article suivant : «obligations de
satisfaire à certaines conditions». Ainsi, l'entrepreneur des
recherches a l'obligation de satisfaire aux conditions fixées par l'Etat
côtier en vertu de l'article 249 de la CMB dont l'intitulé
suggère que l'Etat côtier a la possibilité d'ajouter des
conditions non expressément prévues dans la liste
proposée. Ceci pose un problème en termes de
prévisibilité juridique339 puisque l'Etat côtier
peut exiger n'importe quelle condition tant qu'elle est compatible avec la
CMB.
L'article 249 de ladite Convention prévoit alors
à titre indicatif que l'entrepreneur du projet de recherche doit
s'engager à garantir à l'Etat côtier, «si celui-ci le
désire, le droit de participer au projet de recherche scientifique
marine ou de se faire représenter, en particulier, lorsque cela est
possible, à bord des navires et autres embarcations de recherche ou sur
les installations de recherche scientifique». Il s'engage également
à fournir à l'Etat côtier, «sur sa demande, des
rapports préliminaires [...] les résultats et conclusions finales
[ainsi que] les échantillons et données» (annexe III) et
à «l'aider à les évaluer ou à les
interpréter»340 (annexe II).
338 JARMACHE (E.), op. cit., p.307.
339 Ibidem.
340 L'article 249.1 de la CMB précitée
prévoit: «Les Etats et les organisations internationales
compétentes qui effectuent des recherches scientifiques marines dans la
zone économique exclusive ou sur le plateau continental d'un Etat
côtier doivent satisfaire aux conditions suivantes: a) garantir à
l'Etat côtier, si celui-ci le désire, le droit de participer au
projet de recherche scientifique marine ou de se faire représenter, en
particulier, lorsque cela est possible, à bord des navires et autres
embarcations de recherche ou sur les installations de recherche scientifique,
mais sans qu'il y ait paiement d'aucune rémunération aux
chercheurs de cet Etat et sans que ce dernier soit obligé de participer
aux frais du projet
b) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, des
rapports préliminaires, aussitôt que possible, ainsi que les
résultats et conclusions finales, une fois les recherches
terminées,
c) s'engager à donner à l'Etat côtier,
sur sa demande, accès à tous les échantillons et
données obtenus dans le cadre du projet de recherche scientifique
marine, ainsi qu'à lui fournir des données pouvant être
reproduites et des échantillons pouvant être fractionnés
sans que cela nuise à leur valeur scientifique,
d) fournir à l'Etat côtier, sur sa demande, une
évaluation de ces données, échantillons et
résultats de recherche, ou l'aider à les évaluer ou
à les interpréter, et faire en sorte, sous réserve du
paragraphe 2, que les résultats des recherches soient rendus disponibles
aussitôt que possible sur le plan international par les voies nationales
ou internationales appropriées,
f) informer immédiatement l'Etat côtier de toute
modification majeure apportée au projet de
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Cet article est le résultat des revendications du
groupe des 77 au cours des négociations de la CNUDM III. L'Irak, en tant
que représentant de ce groupe, demanda en effet que les ressources
humaines des Etats en voie de développement soient mises en valeur au
moyen de la formation, de l'éducation et de la participation active de
leurs ressortissants au projet de recherche341. Il demanda
également que l'accès aux données collectées au
cours de ce projet soit facilité et que l'entrepreneur des recherches
s'engage à fournir «les données acquises, brutes et
traitées, les évaluations finales, les conclusions et les
échantillons»342 et à aider l'Etat côtier
à les traiter s'il le demande. A cet égard, la division des
affaires maritimes et du Droit de la mer des Nations Unies (ci-après
DOALOS) conseille que toutes ces données soient transmises à
l'Etat côtier dès que disponibles, même si celui-ci n'en a
pas fait la demande343.
Dans l'application des dispositions finales de la
CMB344, certains Etat côtiers se sont montrés
capricieux, exigeant la présence de plus d'un observateur à bord
du navire de recherches ou le détour par des ports ne figurant pas sur
l'itinéraire prévu pour embarquer ses ressortissants, ou encore
la fourniture des données immédiatement avant le départ du
dernier port d'escale et non à la fin de la campagne. Certains ont pu
réclamer des données recueillies dans les eaux internationales ou
dans le territoire d'autres Etats côtiers, d'autres ont exigé que
les rapports de recherche soient rédigés dans une autre langue
que l'anglais345.
recherche,
g) enlever les installations ou le matériel de
recherche scientifique, une fois les recherches terminées, à
moins qu'il n'en soit convenu autrement».
341 YAHYAOUI (M.), op. cit., p.298.
342 ONU, Document A/CONF.62/C.3/L.13/Rev.2, op. cit.,
pp. 199-200.
343 DOALOS, Guide révisé pour l'application
des dispositions pertinentes de la Convention des Nations Unies sur le droit de
la mer, op. cit., pp. 41-48.
344ABELOS, Première session
précitée.
345 Ibidem.
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Les chercheurs se plaignent des Etats côtiers qui ne
leur facilitent pas la collecte des données marines dans leurs zones
d'emprise, se permettant d'exiger la présentation de la demande
d'autorisation de recherche et d'escale par d'autres canaux que le
ministère des affaires étrangères, de répondre
tardivement à cette demande d'autorisation et même de refuser son
consentement à la dernière minute346.
L'octroi du consentement de l'Etat côtier peut ainsi
être subordonné à des conditions excessives, si bien que ce
consentement peut être repris ou même refusé aux
chercheurs.
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