B. L'accompagnement des acteurs économiques
L'accompagnement des acteurs économiques, sur le plan
local, par les chefferies traditionnelles peut se faire de deux manières
à savoir l'accompagnement des acteurs économiques présents
(1) et l'accompagnement des potentiels acteurs
économiques (2).
1) L'accompagnement des acteurs économiques
présents
L'accompagnement des acteurs économiques
présents sur territoire de la collectivité par les
autorités traditionnelles vise un seul but notamment celui de les
maintenir sur ce territoire fin que la collectivité puisse pleinement
tirer profit de ces acteurs économiques. Pour ce faire,
l'autorité traditionnelle doit d'abord abandonner la casquette qu'on lui
connaît quant à la réception des présents des
acteurs économiques dans le but d'acheter son silence ou sa
complicité. Le chef traditionnel doit alors se comporter comme un agent
économique qui parle à ses pairs et non comme un «
malheureux mendiant352». Pour ce faire, il faudrait
que le chef soit investi, un tant soit peu, dans les activités
économiques. A cet effet, les autorités traditionnelles pourront
par exemple exhorter certains acteurs de passer du secteur informel vers le
secteur formel dans le but de bénéficier d'une certaine
protection juridique et institutionnelle. Il est également question pour
elles de résoudre de manière prompte, à leur niveau, les
problèmes que rencontrent les agents économiques présents
sur leurs territoires. Pour sortir, toutes ces mesures de rétention
ambitionnent de conserver ces acteurs sur leurs territoires.
L'encadrement des acteurs économiques présents
sur le sol de la collectivité locale par les chefferies traditionnelles
n'exclut pas l'accompagnement des potentiels acteurs économiques par
celles-ci.
351 MINEPAT, Stratégie Nationale de Gouvernance,
2015, p.65.
352 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.15.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
1. L'accompagnement des potentiels acteurs
économiques
L'accompagnement des potentiels acteurs économiques par
les chefferies traditionnelles a pour vocation l'incitation des porteurs de
projets ou d'investisseurs à choisir le territoire desdites chefferies
pour y mener leurs activités. Ceci peut être réalisable par
trois moyens au moins à savoir la valorisation du potentiel du
territoire de la chefferie, les garanties posées par le cadre juridique
et institutionnel et l'entregent de l'autorité traditionnelle.
D'abord, en ce qui concerne la valorisation du potentiel de la
collectivité, les autorités traditionnelles veilleront, avant
toute chose, à connaître le potentiel de leur territoire de
commandement pour mieux le vendre. Cette maîtrise, minimale soit-elle,
permettra à coup à l'autorité traditionnelle de parler de
sa collectivité lorsqu'il sera en présence de potentiels
investisseurs ou acteurs économiques.
Ensuite, en ce qui concerne le cadre juridique et
institutionnel de promotion des investissements et activités
économiques, le chef devra être l'ambassadeur de la promotion des
mesures prises, tant au niveau central qu'au niveau local, en vue d'inciter les
potentiels acteurs économiques à s'installer sur son territoire.
Il fera alors un devoir d'appropriation de ces mesures dans l'optique
d'encourager ces acteurs à s'établir dans sa
collectivité.
Enfin, quant à l'entregent des chefs traditionnels,
celui-ci traduit de liaison des relations utiles353, dans un but
précis. Les autorités traditionnelles dotées d'un fort
entregent pourront alors y faire recours pour convaincre les membres de leur
entourage de venir développer des activités économiques
dans leur contrée au vu de son potentiel.
353 Dictionnaire le Petit Robert, op. cit., p.891.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
Dans ce chapitre, il s'agissait de traiter de l'apport des
chefferies traditionnelles à la bonne gouvernance locale. Cet apport,
nous l'avons vu, a deux aspects à savoir l'apport des chefferies
traditionnelles aux principes d'Etat de droit, d'égalité, de
participation et d'efficacité ainsi que l'apport de ces chefferies aux
principes de transparence et du climat local des affaires. Ces autorités
traditionnelles contribuent alors, à leur façon, à
l'ancrage et à la consolidation de la bonne gouvernance à
l'échelon local.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
En somme, il était question d'aborder le second volet
de la contribution des chefferies traditionnelles à la démocratie
et à la bonne gouvernance locales. Nous avons, au cours des deux
chapitres précédents, démontré le rôle des
autorités traditionnelles en matière de démocratie locale
et de bonne gouvernance locale. Les chefferies traditionnelles participent
activement, en tant que acteurs et sujets, à la démocratie
locale. Quant à la bonne gouvernance locale, il est question pour elles
d'insuffler un vent nouveau sur nos collectivités locales par la prise
de conscience de nos élus et surtout l'exemplarité des
autorités traditionnelles.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
CONCLUSION GENERALE
In fine, Chefferies traditionnelles et
décentralisation au Cameroun est le sujet qui a retenu l'attention
de tout ce travail. La question ayant motivé la recherche était
relative au rôle des chefferies traditionnelles dans le processus de
décentralisation dans notre pays.
La chefferie traditionnelle représente une «
communauté humaine fixée sur un territoire
déterminé, ayant en principe un patrimoine ancestral commun, et
placée sous l'autorité d'un chef désigné selon les
modes traditionnels de dévolution du pouvoir354».
Pour sa part, la décentralisation est le transfert de compétences
et ressources de l'Etat central vers des entités infra-étatiques
qui s'administrent librement par des conseils élus. Son domaine de
déploiement est la CTD. Cette dernière est, au regard du Code
Général des Collectivités Territoriales
Décentralisées, repartie en deux catégories à
savoir les Régions et les Communes355.
La contribution des chefferies traditionnelles à la
décentralisation peut se faire en deux temps, d'une part, la
participation des chefferies traditionnelles au développement local et
d'autre part, l'apport des chefferies traditionnelles à la
démocratie et à la bonne gouvernance locales.
Concernant d'une part la contribution des chefferies
traditionnelles au développement local, il convient de dire qu'il s'agit
pour les autorités traditionnelles d'être des vecteurs de
développement économique mais également socioculturel de
leurs localités respectives.
Concernant d'autre part la contribution des chefferies
traditionnelles à la démocratie et à la bonne gouvernance
locales, il faut dire qu'il est question pour nos autorités
traditionnelles de participer à l'impulsion de la démocratie et
de la bonne gouvernance au niveau local.
Cependant, il ne faudrait pas faire preuve de candeur au vu de
certains obstacles qui pourraient plomber l'action de leurs majestés
dans la mouvance de la décentralisation. En effet, l'on note au moins
trois obstacles que rencontrent les chefs traditionnels. Le premier est relatif
à l'absence de moyens, ce qui est de nature à les exposer
à la précarité. Car un chef dépourvu de moyens est
proche de la mendicité et « ne peut guère commander
efficacement. Ce sont ses pourvoyeurs qui lui dictent la conduite des affaires
de la chefferie. Faute pour lui
354 Voir note de bas de page 31, p.8.
355 Art 2 (1) CGCTD.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
d'obtempérer, il se voit couper les
vivres356». Soucieux de cette situation de
dégradation du prestige de la chefferie, les pouvoirs publics ont, par
décret357, tenté de résoudre ce problème
même comme le mal perdure à certains endroits. Le deuxième
a trait au manque d'initiatives de la part de l'autorité traditionnelle
dans ce domaine étant donné que « ses missions ne sont
pas bien clarifiées dans la mise en oeuvre effective du processus de
décentralisation, ce qui pourrait justifier les hésitations dans
la prise des initiatives358». Ces hésitations
doivent être levées par les chefs eux-mêmes afin de jouer
pleinement leur rôle. Le troisième enfin a trait à la
faible culture démocratique et du compte rendu de certaines chefferies
du fait de leur configuration. On voit mal à certains endroits
l'autorité traditionnelle rendre des comptes à ses
administrés. Ceci ne favorise pas la démocratie et la bonne
gouvernance au niveau local.
En tout état de cause, ces écueils ne sont pas
de nature à rendre rédhibitoire l'action des chefs traditionnels
dans ce domaine. Il est plutôt question d'une appropriation du
phénomène de décentralisation par les chefferies
traditionnelles en fonction de leurs cultures et de leurs sensibilités.
C'est pourquoi le présent mémoire se veut d'être une
boussole des chefferies traditionnelles dans leur action au quotidien dans
leurs rapports avec leurs administrés. Car il s'agit d'une action «
permanente359» devant conduire au développement
local et à l'enracinement de la démocratie et de la bonne
gouvernance au niveau local.
C'est sans doute pour unir les chefs traditionnels du Cameroun
que le CNCTC a vu le jour le 28 mars 2010. Celui-ci a alors au regard de ses
Statuts la mission de « favoriser des partenariats entre les
chefferies pour permettre des échanges ou des actions de
développement intégré en faveur des populations
». Il serait donc judicieux que celui-ci sorte de sa léthargie
et donne un coup de pouce aux actions éparses des autorités
traditionnelles dans le but de les fédérer et d'atteindre de
meilleurs résultats.
La décentralisation étant la réforme
majeure de l'Etat du Cameroun depuis son accession à la
souveraineté, elle implique dans son exécution une panoplie
d'acteurs aussi
356 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.15.
357 Le Décret N° 2013/332 du 13 septembre 2013
modifiant et complétant certaines dispositions du décret N°
77/245 du 15 juillet 1977 portant Organisation des chefferies traditionnelles
prévoit en son article 22 des allocations mensuelles au profit des
autorités traditionnelles à raison de deux cent mille (200.000)
Francs CFA pour le Chef de 1er degré, cent mille (100.000)
Francs CFA pour le Chef de 2ème degré et cinquante
mille (50.000) Francs CFA pour le Chef de 3ème
degré.
358 BELL Luc René, Exposé sur le thème :
« L'évolution et le rôle de la chefferie traditionnelle au
Cameroun », op. cit., p.27.
359 Entretien avec S.M. TSALA NDZOMO Guy, Chef Traditionnel de
1er degré d'ENDINGDING, le 17 décembre 2019 à
Yaoundé.
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
bien institutionnels que non. Ces derniers ont pour cheval de
bataille la décentralisation comme moyen de développement et
d'intégration de notre pays. Après la chefferie traditionnelle,
quel peut être le rôle de la société civile dans le
processus de décentralisation ?
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Chefferies traditionnelles et décentralisation au
Cameroun
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