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Ressources naturelles et croissance économique en Afrique


par Achille Ondoua
Université de Yaoundé II (Soa) - Master 2 en Economie 2019
  

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3- Problématique de l'étude

Durant les quatre décennies qui ont précédé le nouveau millénaire, la croissance économique a été au point mort plus dans la région subsaharienne de l'Afrique. En 2000, le PIB par habitant en termes réels pour l'ensemble de la région dépassait de 7% à peine celui de 1960. Mises à part quelques exceptions positives, comme le Botswana qui a longtemps bénéficié d'une croissance forte et constante avant 2000 et quelques autres pays qui ont connu de brefs épisodes de croissance dans les années 1970 et 1980, la majeure partie de la région restait enlisée dans la pauvreté. Depuis plus d'une décennie, en dépit des crises mondiales qui ont été plus ou moins dramatiques pour de nombreuses parties du monde, l'Afrique s'est globalement bien comportée et a fait preuve d'une capacité de résilience insoupçonnée ce qui lui a permis d'enregistrer dans l'ensemble une certaine croissance. La croissance du PIB de l'Afrique devrait atteindre 4% contre 3,5% en 2018. D'après les données de la Banque mondiale (2018), le continent abrite six des dix économies dont la croissance est la plus rapide dans le monde (Ghana, Ethiopie, Cote d'ivoire, Djibouti, Sénégal et Tanzanie). Il semble actuellement qu'une série de facteurs interdépendants contribue à renforcer le rythme de cette croissance. Le stock global des investissements directs étrangers (IDE) en Afrique a augmenté 11% en 2018 par rapport à l'année précédente. Entre 2000 et 2012, elle est passé de 34 milliards à 246 milliards en 2012. Cette multiplication par sept des investissements a surtout concerné les pays riches en ressources naturelles, notamment l'Afrique du Sud avec ses métaux et minéraux précieux, et le Nigéria avec ses réserves pétrolières'(Brookings, 2014). Tout en stimulant la croissance, ces investissements peuvent creuser les inégalités, car ils se concentrent sur les projets à forte intensité de capital et peu créateurs d'emplois. En effet, les effectifs du secteur agricole, qui ne cessent de décroître, sont absorbés non pas par les industries manufacturières à forte intensité de main-d'oeuvre, mais par les secteurs des services (commerce) à faible valeur ajoutée, ou par le secteur informel.

En 2012, s'est tenu à Addis Abeba, en Ethiopie, le VIII ème Forum sur le Développement de l'Afrique. Cette rencontre de haut niveau, dont le thème est « mobilisation et gestion des ressources naturelles au service du développement de l'Afrique » a été un moment d'intenses réflexions sur de nouvelles idées, stratégies et actions susceptibles d'accélérer la transformation de l'Afrique. L'un des mérites de ce forum est d'avoir contribué à clarifier les vrais enjeux du développement en mettant l'accent sur la problématique de la gouvernance des ressources naturelles, qu'elles soient minières, foncières ou forestières, pour ne citer que celles-là.

Le secteur de l'exploitation des ressources minérales constitue la principale activité économique de nombreux États de l'Afrique qui couvre trois quarts de l'offre mondiale de platine et la moitié de l'offre de diamant et de chrome. Le continent assure en outre jusqu'à un cinquième des besoins en or et en uranium. Il est aussi grand producteur de pétrole et de gaz. Toutefois, les pays africains ne consomment pas ces produits, à part quelques exceptions, et très peu d'entre eux y apportent ne serait-ce qu'un début de transformation et de valeur ajoutée. Dans le secteur des ressources foncières près de 60 % des terres arables sur le continent sont inexploitées. Une partie importante fait l'objet de transactions, sous forme de location ou de vente, au profit des investisseurs internationaux espérant des gains importants. Les impacts d'une telle tendance sur la vie des populations locales plus vulnérables, sont déjà largement documentés. Les principaux noeuds d'inquiétudes concernent la sécurité alimentaire, l'impact environnemental et les bouleversements sociaux. Quant aux ressources forestières, principales sources d'énergie du continent- elles sont aussi au centre d'enjeux économiques et socioculturels majeurs. Les forêts fournissent des services essentiels qui sous-tendent la performance économique, le bien-être des populations et la durabilité environnementale(Hakura et al., 2015). Les ressources forestières couvrent plus de 23% de la superficie du continent. Le bassin du Congo par exemple est la deuxième forêt du monde et fournit des moyens de subsistance à près de 60 millions d'africains.

Le point commun de ces secteurs est qu'ils sont tous insérés dans un modèle d'exploitation extraverti dans lequel les grands groupes étrangers dominent en amont et en aval. Ces groupes importent l'essentiel de leurs intrants et exportent la quasi-totalité de leurs produits sans les transformer. Les recettes tirées de cette exploitation n'alimentent que trop rarement les économies nationales, ou y contribuent à des niveaux beaucoup moins importants que ce qu'ils auraient pu atteindre. Pour les pays africains, les parts ont été nettement moindres du fait de généreuses exonérations accordées aux sociétés minières. Par exemple en 2010, les bénéfices nets réalisés par les quarante grandes sociétés minières étaient de 110 milliards de dollars, soit l'équivalent des recettes d'exportation de l'ensemble des PMA africains.

En se limitant au secteur des ressources minières, on perçoit mieux les enjeux d'une bonne gouvernance pour une exploitation plus valorisante des ressources naturelles. Cela est d'autant plus important que le mode d'exploitation, de gestion et de redistribution des revenus tirés de ces secteurs apparait comme l'une des principales causes des conflits sur le continent. Ces conflits sont portés par des groupes exclus des réseaux de redistribution des ressources tirées de leurs terroirs. En outre, le secteur des industries extractives jouit d'une mauvaise réputation liée, entre autres, à la précarité des emplois, à la faiblesse des normes du travail et au chétif niveau des salaires. Tout cela contribue à alimenter les conflits sociaux, quelque fois dramatiques. L'exemple de la tragédie de Marikana, en Afrique du Sud, avec 34 mineurs tués suite aux manifestations, est assez révélateur des drames qui peuvent se jouer dans ce secteur (Collieret Hoeffler, 2002; Ross, 2004).

Notons que les ressources naturelles sont indispensables à la croissance. La terre a pendant longtemps été considérée comme le principal facteur de production, subordonnant et conditionnant les autres. Les physiocrates ont voulu en faire l'unique source de la croissance économique. La croissance économique moderne (Kuznets, 1966) repose sur les ressources naturelles. En raisonnant au niveau des économies nationales, le sujet devient beaucoup plus intéressant. En effet, certaines économies bien dotés en ressources ont connu un développement rapide, d'autres se sont développées sans ressources. Et, des économies qui disposent de nombreuses ressources ont vu leur situation se détériorer. Donc, pour chaque exemple de pays s'étant appauvri à cause de sa surabondance en matières premières (République Démocratique du Congo, Venezuela, Algérie, Nigeria, etc.) il existe un contre-exemple ayant réussi, grâce à ces dernières, à s'enrichir de façon remarquable (Norvège, Qatar, Australie, Etats-Unis, Botswana, Ile Maurice).

La littérature des travaux sur le lien entre possession des ressources naturelles et croissance économique permet de distinguer deux thèses contradictoires. Les auteurs de la thèse hétérodoxe pessimistes qui considèrent les ressources naturelles comme un obstacle à la croissance économique -(Dietz et al., 2007; Mehlum et al., 2006; Sachs et Warner, 1995, 2001; Van der Ploeg, 2011).. Les auteurs de la thèse orthodoxe plutôt optimiste, qui quant à eux ont soutenu que les ressources naturelles ont une incidence positive sur la croissance économique à long terme '(Leite et Weidmann, 1999; Gylfason, 2010; Avom et Carmignani, 2010; Alexeev et Conrad, 2011; Cavalcanti et al., 2011) ;dans ce sens, puisque les revenus tirés de l'exploitation de pétrole, de gaz et de minerais peuvent en effet financer l'investissement des secteurs productifs de l'economie, on pourrait légitimement supposer que la croissance de la productivité est plus élevée dans les pays riches en ressources naturelles.

Face à ces différents constats, n'est-il pas judicieux de consacrer les revenus tirés de la vente de pétrole, de gaz et de minerais au renforcement de la productivité globale des facteurs, en investissant dans des secteurs productifs de l'économie comme l'amélioration des technologies de production, des infrastructures et du capital humain, et afin de booster la productivité pour in fine booster la croissance du PIB ? le but ainsi poursuivi étant d'atteindre une croissance économique de long terme. Une question importante dans les études de développement est de savoir comment la richesse des ressources naturelles affecte la croissance économique à long terme. 40% des études empiriques ont conclu à un effet négatif, 40% n'ayant constaté aucun effet négatif. 20% ont trouvé un effet positif(Havranek et al., 2016).Reste que ce débat autour du lien entre les ressources naturelles et la croissance économique n'apporte pas une réponse à la question de savoir :Quelles sont les ressources naturelles qui contribuent le plus à la croissance économique en Afrique ?Pour plus de précision, nous subdivisons cette question centrale en deux questions spécifiques à savoir :

· Quelles sont les ressources naturelles qui contribuent le plus à la croissance de la productivité totale des facteursen Afrique ?

· Quelles sont les ressources naturelles qui contribuent le plus à la croissance du PIB en Afrique ?

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault