2.2 Ressources naturelles et croissance du PIB
Les études de Sachs et Warner(1995) analysent les
effets des ressources naturelles sur la croissance économique à
long terme, ils observent que les économies ayant un ratio
élevé d'exportations de ressources naturelles par rapport au PIB
ont connu une croissance plus lente de 1970 à 1990 que la moyenne
mondiale. Cette observation leur a permis d'établir une
corrélation négative entre la part des exportations primaires
dans le PIB ou dans les exportations totales et croissance du produit par
tête. Sachs et Warner trouvent que les pays riches en ressources
naturelles ont tendance à croitre plus lentement que les pays aux
ressources limités. Ceci est connu sous le nom de
« malédiction des ressources naturelles ». Cet
article a jeté les jalons de cette littérature vaste et
controversée. Les auteurs mettent notamment en évidence qu'une
augmentation d'un écart-type des exportations de matières
premières en proportion du PIB réduirait le taux de croissance de
l'ordre de 1 point de pourcentage par an. Ils expliquent leur résultat
par le concept du « syndrome hollandais », selon lequel le
développement du secteur des ressources nuit au développement des
autres secteurs de l'économie, principalement le secteur industriel, en
raison de l'appréciation du taux de change réel qu'il induit,
considérant que le ralentissement du secteur industriel obère la
croissance économique de long terme --(Auty, 1993; Gylfason, 2001; Sachs
et Warner, 1995, 2001).
La littérature publiée après Sachs et
Warner (1995) étudie principalement les différents
mécanismes de transmissions par lesquels les ressources naturelles
affectent la croissance économique.
Gylfason et Zoega(2006) poursuiventleurs recherches et
montrent qu'une augmentation de dix points de pourcentage du capital naturel
par rapport au PIB d'un pays est associée à une réduction
de l'investissement dans l'éducation d'environ deux points de
pourcentage du PIB. Bravo-Ortega et Gregorio(2005) font valoir que les
ressources naturelles ne compromettent la croissance que dans les pays avec de
très faibles niveaux de capital humain. Ils développent un
modèle théorique dans lequel une augmentation de la dotation en
ressources d'un pays induit une réallocation du capital humain du
secteur industriel vers le secteur des ressources, conformément à
une des prédictions du syndrome hollandais. Dans leur modèle, le
taux de croissance d'une économie est une moyenne pondérée
du taux de croissance des deux secteurs. Puis, ils supposent que le secteur des
ressources utilise une quantité fixe du capital humain, alors que la
quantité du capital humain employé dans le secteur industriel
peut croître indéfiniment. L'expansion du secteur des ressources
est associée certes à une augmentation du revenu par tête,
mais réduit la croissance de l'économie car le secteur des
ressources diminue le rendement du capital humain, alors que le secteur
industriel présente des rendements d'échelle constants. Par
conséquent, les ressources naturelles ne réduisent la croissance
que lorsque le niveau de capital humain est très faible. L'implication
majeure de leur étude est de dire que le capital humain explique la
divergence de performances économiques observées entre les pays
scandinaves et d'Amérique latine. Les extensions de cette
littérature mettent l'accent sur la dépendance aux ressources et
les investissements publics dans les secteurs sociaux.
Butkiewicz et Yanikkaya(2010) soutiennent que l'ensemble de
données du panel composé de pays développés et en
développement montre que, dans les pays émergents,
l'hypothèse de la malédiction est confirmée mais que des
résultats similaires dans les pays développés ne peuvent
être observés. Weishu et Mohaddes(2011) constatent que la
volatilité des rentes sur les ressources affecte négativement la
croissance économique à mesure que les rentes sur les ressources
augmentent la production réelle par habitant. Ils montrent
également qu'une meilleure qualité institutionnelle peut
éliminer certains des effets négatifs de la volatilité des
rentes sur les ressources naturelles. Davis(2011) conclut que les ressources
naturelles entraînent un ralentissement des taux de croissance dans les
pays tributaires des ressources minérales et un effet d'éviction.
Cavalcanti montrent une relation positive directe entre l'abondance et la
croissance des ressources. De plus, ils observent une relation négative
entre la volatilité des ressources et la croissance en utilisant des
données annuelles pour 1970-2007 et des observations qui ne se
chevauchent pas sur cinq ans.
Bulte et al.(2004) ; Leite et Weidmann(1999) et
'Gylfason(2010) pour leur part, pensent que l'effet de la possession des
ressources naturelles sur la croissance économique dépend de la
qualité des institutions. S'agissant plus particulièrement de
l'étude de Gylfason Thorvaldur (2010) portant sur un échantillon
de 164 pays aussi bien développés qu'en développement sur
la période 1960-2000, l'auteur arrive à la conclusion selon
laquelle la possession des ressources naturelles exerce une influence positive
sur la croissance économique, si et seulement si les institutions sont
de bonne qualité. C'est le cas de certains pays qui ont réussi
à se servir de leurs abondantes ressources naturelles pour obtenir un
progrès économique rapide, à l'instar des pays du Golfe,
de la Norvège, du Chili, de l'Ile Maurice et du Botswana. Les travaux de
Brunnschweiler et Bulte (2008); Mehlum et al. (2006) et Acemoglu et al.(2003),
vont également dans ce sens. Ils montrent que l'abondance des ressources
naturelles affecte positivement la croissance économique alors que
l'effet de la dépendance est plutôt négatif. Avom et
Carmignani(2010) aboutissent à la même conclusion sur une
étude menée dans le contexte des pays de l'Afrique centrale sur
la période 1965-2005, sur l'impact de la dépendance des produits
de base sur la croissance économique. Omgba(2011) quant à lui
évalue l'impact du pétrole sur l'économie camerounaise. Il
utilise le test de causalité au sens de Granger et montre que la
découverte du pétrole et la montée de ses prix sont
sources de crises économiques et politiques dans ce pays. Il affirme par
ailleurs que ces crises reposent sur la manière dont la rente
pétrolière a été gérée.
|