Section II : Dotation de
ressources naturelles en Afrique : malédiction ou
bénédiction ?
La littérature existante sur le lien entre les pays
dotés en ressources naturelles et la croissance en Afrique nous a
mené, à faire un constat controversé. En effet, certains
pays dotés de ressources naturelles ont réussi à avoir des
meilleures performances économiques grâce à l'exploitation
de leurs matières premières tandis que d'autres ont des
piètres performances malgré l'abondance des ressources. C'est
ainsi qu'on peut constater les écarts de performance entre le Nigeria et
le Botswana, deux pays riches en ressources naturelles en Afrique
Subsaharienne. L'un affiche des résultats négatifs en
matière de croissance économique durable avec son faible revenu
par tête, l'autre au contraire est compté parmi ceux qui ont le
revenu par tête le plus élevé de la sous-région.
II.2.1 : Le Nigeria :
faible revenu par tête et des conflits autour de l'exploitation des
ressources naturelles
Le développement économique et social du
Nigéria depuis la découverte du pétrole est un cas
d'école de la « malédiction des ressources ». Le
Nigeria est un pays sous développé dont la qualité
médiocre des institutions et le gaspillage des revenus pétroliers
a contribué à sa faible croissance économique depuis les
années 70 (Zacharie et al. 2014). Dans le cas du Nigeria, l'afflux des
revenus pétroliers a enclenché la détérioration des
institutions économiques déjà faibles. Les revenus
pétroliers du Nigeria ont été un facteur causal de la
dégénérescence industrielle de ce pays (Sala-i-Martin et
Subramanian, 2003).
En 1970, le Nigeria avait un PIB par habitant de 1113 USD, et
en 2000, son PIB par habitant était de 1084 USD (Sala-i-Martin et
Subramanian, 2003). Gelb et al (1988) souligne que les Nigérians
jouissaient d'un niveau de vie plus élevé avant les chocs
pétroliers qu'après ceux-ci, malgré la manne qu'ils
apportèrent aux recettes budgétaires de l'état. De 1965
à 1990, le Nigeria a recueilli plus de 355 milliards de royalties qui
n'ont pas contribué de façon significative à
l'augmentation du niveau de vie des Nigérians, et ce pour plusieurs
raisons. Premièrement, le Nigeria a surestimé ses recettes
pétrolières, qu'il a utilisées comme gage pour s'endetter
sur les marchés de capitaux internationaux. Sur la base d'estimations
surréalistes le pays emprunta un montant de dettes qui dépassa
largement sa capacité d'absorption. Lorsque les prix du pétrole
ont diminué dans les années 1980, le Nigéria ne disposa
pas de ressources pour rembourser diligemment ses dettes acquises dans une
période prospère. Le surendettement du Nigeria devint un fardeau
qui contribua à son ralentissement économique.
Deuxièmement le Nigeria a surinvesti dans de nombreux
projets non rentables. Selon Sala-i-Martin et Subramanian (2003) le
surinvestissement dans des projets non rentables est l'une des
caractéristiques des pays abondants en ressources naturelles tels que le
Nigeria. Par exemple, le Nigeria développa à coût de
milliards de fonds publics plusieurs complexes sidérurgiques de
dernière génération dans les années 70 et 80 qui ne
furent jamais rentables.Troisièmement, une gouvernance inefficace a
aussi attribué aux malheurs du Nigeria ; le gouvernement
nigérian a failli à mettre en oeuvre des politiques publiques
efficaces pour préserver son secteur agricole qui fut anéanti par
les dynamiques du « syndrome hollandais ». La politique agricole du
Nigeria a été critiquée pour ses insuffisances dans la
protection du secteur agraire, secteur sur lequel toute l'économie
nationale reposait avant la découverte du pétrole. En
particulier, il n'y a pas eu d'initiatives pour permettre aux agriculteurs de
supporter l'appréciation du taux de change. De plus, les fonds
destinés au maintien de l'infrastructure et de l'équipement
agricole furent détournés. D'un exportateur net le Nigeria devint
un importateur net de denrées agricoles pour satisfaire sa propre
consommation. En se basant sur l'expérience du Nigeria, Salai-i-Martin
et Subramanian (2003) démontrent qu'une fois la qualité des
institutions prise en compte, la disponibilité des ressources naturelles
n'a aucune influence sur la croissance économique. Selon eux, l'impact
négatif des ressources naturelles sur la qualité des institutions
publiques explique la croissance plus faible des pays producteurs de
pétrole.
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