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Ressources naturelles et croissance économique en Afrique


par Achille Ondoua
Université de Yaoundé II (Soa) - Master 2 en Economie 2019
  

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I.2 : Explications de la relation entre ressources naturelles et PIB

Tout comme il n'y a pas de théorie de la croissance faisant l'unanimité, il n'existe pas une unique explication à la malédiction des ressources naturelles. Par conséquent cette section de la revue de littérature présente les différentes tentatives d'explications théoriques du lien entre ces deux concepts. Cette revue de la littérature se divise en deux sous-sections présentant les principales explications des effets négatifs des ressources sur la croissance du PIB. La première partie de cette sous-section présente les explications liées aux institutions et au gouvernement, alors que la seconde partie se penche sur des explications liées aux prix des biens et des facteurs de productions, ainsi qu'à l'ouverture commerciale.

I.2.1 : Institutions et gouvernement

Cette sous-section expose les variables importantes concernant les institutions et le gouvernement mentionnés dans la littérature. Beaucoup d'auteurs estiment que les pays abondants en ressources naturelles peuvent être à la fois gagnants et perdants, leur situation dépend de la qualité des institutions en place. Outre cette relation, de nombreux auteurs s'entendent pour dire que la rente associée aux ressources naturelles est généralement grande et facilement appropriable (Bulte et al. (2005), Brunnschweiler (2008). Les deux hypothèses précédentes permettent à Sachs et Warner (2001) de supposer que des individus à la tête de certains pays seraient tentés de s'approprier cette rente (rent-seeking) pour eux-mêmes ou pour une élite, au lieu de l'investir dans des politiques en faveur de la croissance. Cette hypothèse semble confirmée empiriquement par Torvik (2001) qui démontre que l'abondance en ressources naturelles entraîne une augmentation des comportements de rent-seeking et une diminution des revenus. Papyrakis et Gerlagh (2004) ajoutent que la corruption a un impact négatif sur la croissance.

Selon Mehlum, Moene et Torvik (2006), la qualité des institutions permet de déterminer si les élites en place dans un pays s'approprieront la richesse ou l'utiliseront de manière productive. Ils constatent aussi que le comportement de rent-seeking et une basse qualité des institutioi1sont autant présents dans les régimes démocratiques que dans les régimes autocratiques. En effet, Auty (2000) rapporte qu'il y a un lien entre système autoritaire et ressources naturelles. Cependant, cette relation n'est ·pas intéressante dans le contexte de la malédiction des ressources naturelles puisque l'auteur démontre qu'il y a peu de liens entre régime autoritaire et faible croissance économique. Collier et Hoeffler (2005) découvrent même que les démocraties des pays en voie de développement sont plus touchées que les régimes autoritaires par les impacts négatifs de la présence d'une rente importante des ressources naturelles.

Depuis la publication de l'article de Sachs et Warner en 1995, de nouvelles hypothèses reliées aux institutions se sont développées et tous les auteurs ne s'accordent pas sur l'importance de celles-ci dans l'explication de la malédiction des ressources naturelles. En effet, bien que de nombreux économistes, Mikesell(1997)notamment, s'entendent sur l'impact négatif de l'abondance des ressources naturelles sur la qualité des institutions, d'autres ne constatent pas cette relation. Certains articles tels que Sachs et Wamer (1995), rejettent la qualité des institutions comme facteurs explicatifs. Pour Mehlum, Moene et Torvik (2006) l'abondance en ressources naturelles deviendrait une malédiction uniquement si les institutions sont mauvaises et deviendrait une bénédiction si les institutions sont bonnes.

D'autres études suggèrent que la taille de la rente associée à l'exploitation des ressources naturelles pourrait être une explication. Comme mentionné par Sachs et Wamer (1995), le minerai et le pétrole ont une haute rente alors que 1' agriculture génère, en général, une rente plus faible. Selon Karl(1999), la rente serait corrélée négativement à la qualité des institutions, ce qui expliquerait 1'importance de l'ampleur de celle-ci. Il découvre que les économies qui comptent sur de fortes exportations de combustible, de minerais et de récolte (plantation de sucre) ont des indicateurs particulièrement bas quant à la qualité de leur gouvernance. Mehlum, Moene et Torvik (2006) ajoutent qu'empiriquement les ressources facilement appropriables et extractibles semblent particulièrement dommageables pour les pays ayant de mauvaises institutions. À cela Bulte et al. (2005) viennent apporter une nuance puisque, selon eux, seules les ressources extractibles en un seul point (mine, pétrole) seraient corrélées négativement à la qualité des institutions. Les ressources dont la distribution sur le territoire est diffuse (forêt, agriculture) ne seraient pas corrélées avec la qualité des institutions. Cette dernière affirmation est contredite par Lucas (2009) qui montre que l'agriculture a un impact négatif sur la croissance, car les individus travaillant en agriculture sont dispersés, ce qui nuit au transfert de connaissances.

En outre, Collier et Hoeffler (2005a) prétendent aussi que cette rente des ressources naturelles provoque une augmentation des probabilités de conflits violents. Ces auteurs étudient le lien entre ressources naturelles et guerre civile. Ils estiment que la basse croissance offre un coût d'opportunité bas aux rébellions contre les mauvaises institutions et les régimes non démocratiques que l'abondance en ressources naturelles favorise. Cette relation expliquerait donc le désir de rébellion de la population. En étudiant le lien entre démocratie et ressources naturelles, Ross (2001) traite du cas des pays pétroliers et réalise que le pétrole est plus dommageable économiquement dans les pays pauvres que dans les pays riches. Collier et Hoeffler (2005), ainsi que Auty (2000) corroborent cette relation négative entre démocratie et ressources naturelles. En outre, ils affirment que la combinaison de la présence de la démocratie et de la rente associée aux ressources a significativement nui à la croissance des pays. Collier et Hoeffler (2005) ont évalué l'importance de considérer les revenus anticipés, mais constatent que, pour le pétrole, on observe surtout une corrélation entre conflits et revenus présents plutôt que revenus futurs. Acemoglu et al. (2001) ont supposé que le type d'institution mis en place par les métropoles des colonies dépendait du type de ressources et de la facilité d'appropriation de leur rente. Cependant, ces auteurs constatent que ces caractéristiques n'ont pas une influence significative sur le choix du type d'institution.

Un des autres impacts de l'abondance des ressources naturelles sur les institutions est la manière dont le gouvernement gère son budget. En effet, certains auteurs associent cette malédiction à l'état des finances publiques. Pour Atkinson et Hamilton (2003), la malédiction est un symptôme de l'incapacité du gouvernement à gérer les larges revenus associés aux ressources naturelles. Ces revenus permettraient aux gouvernements de conserver plus longtemps de mauvaises politiques. En effet, ils trouvent que les pays considérés comme riches en ressources naturelles ont, en moyenne, un taux d'épargne réel négatif contrairement aux pays pauvres en ressources. De plus, l'investissement public est, selon ces auteurs, non significatif. Cependant, une fois mis en interaction avec la variable rente, cette variable devient positive et significative, ce qui signifie que les pays abondants en ressources naturelles, qui ont un plus haut taux d'investissement public, ont crû plus vite. Papyrakis et Gerlagh (2004) confirment cette hypothèse, l'investissement aurait un impact positif et significatif sur le PIB. Atkinson et Hamilton (2003) affirment que la consommation financée par les dépenses publiques explique la malédiction des ressources naturelles. Ces auteurs démontrent que les pays qui se sont servis des ressources naturelles pour financer leur consommation ont une économie beaucoup moins prospère que les autres.

Cette mauvaise gestion des dépenses gouvernementales a aussi des répercussions dans le domaine de l'éducation (capital humain). Cette hypothèse suppose que le gain facilement réalisé via les ressources naturelles décourage les individus et le gouvernement d'investir dans le capital humain et dans les technologies du savoir (Atkinson et Hamilton, 2003). Selon Gylfason (2001), la moitié de l'effet des ressources naturelles passe par l'impact négatif de celles-ci sur l'éducation. Il explique cette relation, par le fait que les industries spécialisées en ressources naturelles sont plus intensives en travailleurs moins qualifiés et en capital de moins grande qualité. En effet, Stijns (2006) trouve que la richesse en minéraux, en pétrole ou en charbon n'a pas d'impact significatif sur le capital humain. Cet auteur affirme aussi que le gaz par habitant aurait un impact positif sur le niveau d'éducation et que les ressources forestières par habitant sont associées à un haut niveau d'éducation moyen. Papyrakis et Gerlagh (2004) trouvent des résultats opposés aux conclusions de Gylfason (2001). Ces auteurs démontrent que l'éducation a un impact positif, mais non significatif. Bravo-Ortega et De Gregorio (2005) montrent que l'éducation vient atténuer l'effet négatif qu'ont les ressources naturelles sur la croissance du PIB, ce qui augmente davantage le niveau de revenu par personne.

Un des autres aspects présentés par plusieurs auteurs, lié à la faible qualité des institutions est la grosseur de la dette extérieure. Comme rapportés par Manzano et Rigobon (2001), dans les années 70, lorsque le prix des matières premières était élevé, les pays abondants en ressources utilisaient celles-ci comme collatéral. Dans les années 80, il y a eu une chute des prix, ce qui explique la crise de la dette de cette décennie et le désavantage des pays abondants en ressources. Selon ces auteurs, à partir du moment où la variable de l'endettement est introduite, on constate que l'abondance en ressources naturelles capte le fait que ces pays étaient hautement endettés.

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