Ressources naturelles et croissance économique en Afriquepar Achille Ondoua Université de Yaoundé II (Soa) - Master 2 en Economie 2019 |
II.3 : Ressources naturelles et gouvernance institutionnellesDans la littérature empirique, plusieurs mécanismes ont été relevés ici, il s'agit notamment de l'effet de rents seeking, la corruption, l'instabilité politique et l'héritage colonial · L'effet de rents seeking Les modèles de rent-seeking supposent que la rente naturelle est facilement appropriable par une élite. SelonGelb (1988) etAuty, (2001), la combinaison d'une abondante dotation naturelle, de droits de propriété mal définis et d'imperfections de marché pousse les agents à préférer les activités de prédation aux activités productives. Les modèles développés parTornell et Lane(1999) et Torvik (2002)viennent étayer cette idée. En effet, dans l'arbitrage entre prédation et production, la présence de ressources naturelles et/ou une augmentation de leurs cours fait pencher la balance en faveur de la prédation. La dotation naturelle a sans doute un effet non linéaire sur les activités de prédation. Il peut y avoir rent-seeking pour l'accès aux rentes générées par les quotas d'importations et les contingentements ou pour la création de nombreux transferts. Cette « course à la rente » provoque une concurrence accrue entre les groupes de pression : c'est le « voracity effect » de Lane et Tornell selon lequel un « choc » (une hausse du cours des matières premières) se traduit par une augmentation plus que proportionnelle de la redistribution.Ces comportements ne favorisent pas l'apparition de « bonnes institutions » qui sont ici définies comme celles favorisant les activités productives et réduisant les coûts de transaction. · La corruption L'exploitation des ressources naturelle nécessite l'obtention d'autorisations ce qui peut inciter les agents à recourir à la corruption. Les différents groupes de pression peuvent également utiliser leurs fonds pour obtenir de nouveaux transferts ou des mesures protectionnistes. Grâce à la rente, les dirigeants en place peuvent « acheter » des soutiens afin de rester ou pouvoir ou d'assurer la paix sociale et favoriser leurs intérêts personnels. La corruption est généralement associée à une faible efficacité des bureaucraties et à des décisions arbitraires ce qui ne favorise pas les bonnes institutions qui doivent assurer une égalité de traitement devant la loi. Papyrakis et Gerlagh(2004) valident le canal de la corruption. L'effet des ressources naturelles sur la corruption est probablement non linéaire (Leite et Weidmann, 1999)et il dépend du type de ressources naturelles, les ressources concentrées (pétrole, minerais) étant plus propices à la corruption que les produits agricoles(Subramanian et Sala-i-Martin, 2003)ou la nourriture. · L'instabilité politique PourCollier etHoeffler(2002), l'abondance de richesse naturelle est un facteur explicatif pertinent des guerres civiles.Ross(2004) recense quatre hypothèses liant ressources naturelles et conflits civils. Tout d'abord, les ressources naturelles génèrent de la frustration parmi les populations locales à cause des procédures d'expropriation et de l'injuste répartition de la rente. Ensuite, les ressources permettent de financer les activités des rebelles par la vente directe, l'octroi de droits futurs d'exploitation et l'extorsion de fonds. De plus, la présence de ressources naturelles peut inciter la région dans laquelle elles se trouvent à faire sécession à l'égard du gouvernement central. Enfin, la dotation naturelle nuit à la qualité institutionnelle ce qui rend les bureaucraties moins aptes à régler les conflits sociaux et moins responsables devant les citoyens. Les conflits civils nuisent à la qualité institutionnelle via l'absence de contrôle de l'Etat sur une partie du territoire national, via l'instauration de régimes d'exception et via l'absence de consensus dans la prise de décisions. · L'héritage colonial Dans Philippot (2009)5(*), on peut lire en ces termes; l'histoire, la géographie et la topographie jouent un rôle décisif dans la mise en place des institutions. Acemoglu et al., (2001) ont montré que, dans les pays où le taux de mortalité des premiers colons (missionnaires et soldats) a été élevé, les Européens ont établi des colonies d'extraction afin d'exploiter les ressources naturelles. Celles-ci se caractérisent par un pouvoir autoritaire, par la concentration de la propriété et par une absence d'efficacité administrative. Si la mortalité a été faible, des colonies de peuplement dotées de bonnes institutions ont été mises en place. La combinaison du climat, de la topographie et d'une abondante dotation naturelle a conduit à la mise en place d'institutions de mauvaise qualité qui ont tendance à perdurer dans le temps et cela même s'il faut se garder de toute généralisation. * 5Louis-Marie Philippot (2009) : Les Ressources Naturelles : Une « Malédiction Institutionnelle » ? Page 5 |
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