II.2 : Rente des ressources
naturelles et gouvernance politiques
Le fait que les pays riches en ressources naturelles soient
généralement moins performants s'explique globalement par l'effet
négatif de la rente des ressources naturelles sur l'équilibre
économique et les incitations d'un point de vue d'économie
politique. En effet, les revenus provenant des ressources naturelles
encouragent l'émergence de la corruptionet d'une course pour la rente
(Tornell et Lane, 1999; Subramanian et Sala-i-Martin, 2003). Cela à son
tour conduit à des institutions nationales de mauvaise qualité,
à de faibles investissements et à une croissance
économique médiocre à long terme. Il y a au moins trois
raisons qui expliquent cela. Premièrement, la course pour la rente
détourne les ressources des investissements qui ont les meilleurs effets
sociaux(Auty, 2001); deuxièmement, la corruption réduit les
profits (même si certains investissements individuels peuvent
bénéficier de la corruption, à long terme et pour
l'ensemble de l'économie, l'effet final devrait être
négatif) et, ainsi, le montant de ressources qui financent de nouveaux
biens, services et technologies(Romer, 1994) ; En troisième lieu,
un environnement où il règne la corruption est un environnement
incertain.
Iimi(2006)observe que le comportement de recherche de rente et
la corruption peuvent être réduits par une réglementation
efficace des affaires, du travail et du crédit atténuant les
effets de la malédiction des ressources. Isham et al. (2005), indiquent
que les effets de rente, le retard de modernisation et les
inégalités de revenu sont trois autres canaux à travers
lesquels l'abondance des ressources naturelles affecte la qualité de
l'économie politique dans les pays concernés. L'effet de rente
signifie que le pays a facilement accès à une source de revenus
qui peut être importante selon la nature des ressources naturelles et
d'autres facteurs tels que le niveau des prix. Cela vaut à la fois pour
le gouvernement et les citoyens.Ross(2001) définit la rente comme
l'existence de revenus provenant de ressources naturelles qui peuvent
être facilement extraites freine le développement en modifiant les
incitations à développer la fiscalité, les
mécanismes de contrôle et d'exercice d'activités publiques
citoyens, en favorisant la corruption et en rendant la répression plus
facile.
Avec des ressources « faciles », le gouvernement a
peu d'incitations à améliorer les institutions
économiques, à développer par exemple son système
fiscal. Et, de la même façon, des ressources faciles peuvent
constituer un frein au développement de la société civile
en réduisant la demande d'une gouvernance transparente et responsable
qui produit des résultats, retardant ainsi l'avènement d'une
société démocratiquePutnam(1993). Le développement
démocratique peut aussi être freiné par les gouvernements
qui se servent de la rente pour corrompre les opposants politiques et d'autres
dirigeants de la société civile (transferts en espèces,
promotion de carrières, projets d'infrastructures en «
éléphants blancs », etc.) et/ou pour exercer des pressions
sur eux, même violemment si nécessaire (Dietz et al., 2007). Le
secteur public d'un Etat rentier concentre en lui seul l'essentiel des
activités économiques et des opportunités, si bien que se
développent difficilement un secteur privé et une classe moyenne
indépendants. De même, la modernisation est retardée parce
que l'élite politique travaille à maintenir le contrôle sur
l'économie en résistant à la diversification (en
particulier dans la manufacture) aussi longtemps que possible (Acemoglu et al.,
2001). Ainsi, l'économie est exposée au déclin au cours du
temps parce qu'elle est alors plus vulnérable aux prix bas dans le
secteur des ressources primaires(Dietz et al., 2007). Mehlum et al., (2006)
montrent que si les institutions sont de bonne qualité (favorables aux
activités productives), les ressources naturelles favorisent la
croissance. En revanche, la présence d'institutions favorables aux
activités de prédation contribue à transformer les
ressources naturelles en malédiction. Si la qualité des
institutions est supérieure à un certain seuil, l'effet
négatif du capital naturel est totalement neutralisé (Etats-Unis,
Australie, Norvège). Envisageons quels sont les mécanismes
reliant richesse naturelle et qualité institutionnelle.
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