I-2 Les sols ferralitiques profonds
Le sol est latéritique, le manteau d'altération
est peu épais et donne naissance à des sols caillouteux sur les
versants. Toutes les formations géologiques de Bafia appartiennent au
socle ancien. La combinaison des facteurs climatiques, géologiques et
géomorphologiques a contribué à la formation des sols
ferralitiques rouges, jaunes et ocre à Bafia. Ces sols se
caractérisent par une grande épaisseur des profils car le climat
équatorial et sa pluviométrie constante, associés au
couvert végétal forestier favorisant leurs altérations.
L'altération ici est chimique, puisqu'il les sols sont humides, cela est
due à l'abondance des précipitations. Nous rencontrons ces types
de sol le long des cours d'eaux, où ils forment d'ailleurs des
marécages peu propices à l'agriculture car ici le sol ne
s'assèche jamais et par conséquent sont favorables à
l'implantation des arbres, le milieu est toujours humide. La topographie plane
y favorise des conditions de stagnation saisonnière des eaux, qui sont
conditions très contraignantes pour une grande majorité des
espèces ligneuses.
Les sols ferralitiques se trouvent dans le climat tropical
humide (figure 5). Ces sols sont remplis d'eau de la nappe
phréatique jusqu'à la surface. Lorsque les sols sont remplis
d'eaux, les arbres ont la possibilité de pousser sans problème. A
côté des versants et le long des petites rivières
tributaires du fleuve, quand les pentes s'adoucissent, les sols ferralitiques
typiques cèdent la place à une association de sols ferralitique
et de sols hydro morphes. Ces sols jaunes qui se caractérisent entre
autres par leur texture sableuse, un horizon humifère réduit (3
à 10
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cm), une sensibilité à l'érosion sur les
pentes servent à la pratique des cultures de contre saison (PCD de
Bafia, 2005).
Les sols ferralitiques profonds également propices pour
l'implantation des agro forets :
A l'exception des bas-fonds plats et mal drainés des
secteurs peu accidentés où ils sont en association avec des sols
hydromorphes et, dans une moindre mesure, des dômes rocheux et des dalles
massives de cuirasses ferrugineuses portant respectivement des sols
minéraux bruts et des sols peu évolués, les sols
ferralitiques occupent plus de 90% du Centre-Cameroun. Sur le site de
Biabegoura, ces sols sont couverts à la fois par la forêt et la
savane. Ils sont profonds de plus de 3 m, et comportent, par endroits, des
horizons indurés aussi bien sous savane que sous forêt. Les
analyses sur les transects de Biabegoura et de Doguem montrent que tant au
point de vue physique que chimique, il est difficile d'établir des
classes de sols ferralitiques dits de savane ou de forêt. Si, sur tous
les points de prélèvements, la proportion des limons est faible
et varie peu des horizons supérieurs vers la profondeur, en revanche,
les profils de sols présentent une différence des teneurs en
argiles et en sables. Cette différence est plus sensible localement
entre sols de savane et sols sous forêt que d'une région à
l'autre, comme les analyses sur les transects pédologiques de Doguem et
de Biabegoura vont le montrer.
- Les données de l'analyse chimique :
Les sols des deux transects sont, dans l'ensemble, des sols
désaturés de couleur rouges (Martin, 1967) et acides. En surface,
le pH varie entre 6 et 5 et, en profondeur, entre 5 et 4. Le rapport C/N est en
moyenne plus important en savane soumise aux feux annuels, soit une moyenne de
17 en surface et de 12 à 13 en profondeur, qu'en forêt où
la moyenne est de 10 à 12 tout le long des profils. La différence
tient probablement à une décomposition plus rapide de la
matière organique sous la forêt où la micro et la macro
faune du sol est plus active. Indépendamment du couvert
végétal, le pourcentage des matières organiques varie
entre 4 et 5 % en surface et 0,5 et 1 % en profondeur. Le carbone organique
varie, aussi bien sous savane que sous forêt, entre 27 et 30 mg/g en
surface à 2 et 5 mg/g en profondeur. Cette
homogénéité des sols qui apparaît sans relation
évidente avec le couvert végétal semble également
caractériser la texture, sauf celle des horizons de surfaces.
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- La texture en relation avec la capacité hydrique
des sols :
Les limons fins et les limons grossiers gardent tout à
fait les mêmes proportions le long de chacun des profils et ne
constituent qu'une partie relativement faible de l'ensemble (moins de 20 % de
la fraction totale). En revanche, les proportions d'argiles et de sables qui
constituent environ 80 % du total, varient sensiblement, mais essentiellement
dans les horizons supérieurs. Les analyses permettent d'établir
une relative discrimination entre sols de savanes et sols de forêts sur
les sites étudiés.
Le sol sous savane :
Ils se singularisent relativement par une texture sableuse des
horizons supérieurs. Les sables constituent 40 à 42% de la
fraction totale à Biabegoura, entre 0 et 20 cm. A 40 cm de profondeur,
le pourcentage de sables se situe à 20% alors que les argiles
représentent 60% de la fraction totale. A Doguem, l'allure est à
peu près la même, sauf que les sables dominent jusqu'à 40
cm de profondeur (plus de 53 %) et ne baissent sensiblement qu'entre 75 et 85
cm où ils ne représentent plus qu'environ 40 % de la fraction
totale contre 48% pour les argiles.
Le sol sous forêt :
En forêt, le sol situé en lisière se
distingue de celui de la forêt profonde. Les horizons de surface à
la hauteur de la lisière contiennent 39 et 60 % de sables,
respectivement à Biabegoura et à Doguem, c'est-à-dire, par
rapport aux sols de savane, une très faible augmentation du taux
d'argiles de l'ordre de 5 %. Par ailleurs, les pourcentages des sables
diminuent plus vite avec la profondeur. Les argiles dominent nettement à
partir de 15-20 cm à Biabegoura et à Doguem avec un peu plus de
50% de la fraction totale. Plus loin dans la forêt, c'est-à-dire
à 50-60 m de la lisière, les argiles représentent
près de la moitié du total dès la surface sur les deux
sites. A une centaine de mètres des lisières, les argiles
dominent en proportion à Biabegoura (57%) et ne représentent que
le quart de la fraction totale à Doguem (25%) . La même teneur en
argile est toutefois enregistrée à partir de 20 cm de profondeur
sur les deux sites, c'est-à-dire près de 60 %.
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Cependant, l'échantillon 16 de Doguem est très
particulier, aussi bien par rapport aux autres profils du site de Biabegoura
que de ceux du même site, puisqu'il se caractérise par une texture
franchement sableuse (60 % de la fraction totale) du haut jusqu'en bas du
profil.
Comparaison entre les sols sous forêt et les
sols sous savane :
Une projection des échantillons de sols
prélevés respectivement dans les niveaux 0-5, 15-20, 45-50 et
75-85 cm (soit un profil de savane, un de lisière et deux de la
forêt profonde pour chacun des transects) sur un diagramme textural
montre que les différences entre les deux sites sont minimes (fig. 42) .
Le transect de Biabegoura apparaît plus homogène avec des sols
argilo-sableux à argileux. Les sols de Doguem se répartissent en
deux classes : un groupe argilo-sableux identique aux sols de Biabegoura et un
groupe sableux. Il faut également remarquer que la teneur en argiles
granulométriques augmente de haut en bas dans les sols de savanes ; ce
phénomène est relativement sensible au niveau de la
lisière et l'est peu sous forêt.
Argiles Argiles
Sables Limons Sables Limons
Transect BER Transect MAN
Figure 5: Diagrammes texturaux des sols de Biabegoura
(BER) et de Doguem (MAN).
Sol de forêt Sol de lisière Sol de savane
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Dans d'autres régions de la zone de mosaïque
forêt-savane du Centre-Cameroun, cette organisation de la texture des
sols a été observée. A Bafia, la proportion des argiles
dans les horizons de surface (0-20 cm) varie entre 30 et 36 % sous savane et de
40 à 60 % sous forêt. Entre 20-120 cm de profondeur, la teneur en
argile varie entre 50 et 80 % autant sous savane que sous forêt (Martin,
1973). Dans la région du confluent du Mbam et de la Sanaga, les analyses
de Vallerie (1973) ont montré que par rapport aux sols de forêts,
les sols de savanes sont dans l'ensemble plus pauvres en argiles dans les
horizons de surface. Au Centre et à l'Ouest de la Côte-d'Ivoire,
une distribution semblable de la texture des sols dans le domaine de la
mosaïque forêt-savane a été constatée
(Bonvallot, 1968 ; Avenard et al, 1974 ; Latham et Dugerdil, 1975). Les auteurs
se demandaient si la texture sableuse des horizons de surface des sols de
savanes était une conséquence du couvert ou le contraire.
La pauvreté relative en argile des horizons
supérieurs des sols de savanes semble donc être une constante,
tant aussi bien dans le domaine de la mosaïque forêt-savane du
Cameroun que de celui de la Côte-d'Ivoire. En se plaçant dans le
contexte de la dynamique des contacts forêt-savane, il semble bien que
les sols de savane, moins couverts par la végétation, sont soumis
à une perte d'argile par érosion superficielle, due au
ruissellement des eaux au moment des premières pluies, lorsque le
couvert herbacé est complètement dégagé
après le passage des feux. Lorsque la forêt progresse aux
dépens de la savane, l'érosion du sol est stoppée du fait
de la mise en place d'un couvert fermé qui oppose un écran
presque hermétique à la chute des gouttes d'eaux de pluie. Sous
forêt, la texture plus argileuse des horizons de surface s'expliquerait
par l'existence d'un écran végétal fermé qui
protège le sol contre l'érosion superficielle. En
Côte-d'Ivoire, les travaux de Roose (1977) montrent que, dans de telles
conditions de recouvrement du sol, le coefficient de ruissellement est
inférieur à 5 %.
Le maintien d'une texture sablo-argileuse à la
lisière, dans les horizons de surface apparaît alors comme un
héritage des savanes. Mais la forêt, en avançant sur la
savane, stabilise progressivement les éléments minéraux du
sol et parviendrait même, par néoformation de la silice, à
augmenter le taux d'argiles par le biais d'un recyclage biologique,
c'est-à-dire une minéralisation de la litière par
l'activité microbienne. En effet, il est prouvé que, dans les
sols ferralitiques sous forêt d'Amazonie Centrale, la quantité de
silicium recyclée par la litière est de 40 à 50 kg par
hectare et par an (Chauvel et al, 1989 ;
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Lucas et al, 1993). La forêt assure donc en même
temps une conservation et une formation d'argiles in situ. Cette
augmentation des argiles dans les horizons de surface en forêt pourrait
être également liée aux remontées par la macrofaune
du sol dont le nombre et la diversité semble de loin plus importante
qu'en savane. En Amazonie brésilienne dans la région de Salitre,
les termites et les fourmis remontent des profondeurs --parfois depuis 4 m de
profondeur-- des produits fins en creusant leurs galeries et en construisant
leurs édifices. La vitesse d'une telle accumulation en surface est
estimée à environ 0,20 mm par an (Boulet, 1995).
Autrement dit, la granulométrie de ces sols qui
sont passées récemment sous couvert forestier après avoir
été exposés saisonnièrement à la battante
des eaux de pluies et au ruissellement superficiel, garde tout comme les
isotopes stables des matières organiques, la trace d'un couvert
herbacé qui a favorisé dans le passé l'appauvrissement en
argile des horizons de surface.
Mais ce constat d'ordre général n'exclut pas les
exceptions. Localement sur les deux transects, des sols situés dans la
forêt présentent des horizons de surface à forte proportion
de sable ; à Doguem, le profil MAN 16 situé à 250 m dans
la forêt présente 74 à 77 % de sables de haut en bas du
profil. Deux hypothèses peuvent être évoquées :
d'une part, une influence de la topographie, car la teneur en argile
décroît du haut de pente vers le talweg comme il a
été constaté dans toute la région autour de Bertoua
(Chujo, 1986) et, d'autre part, que l'échantillon MAN 16 aurait
été prélevé au niveau d'un point de la forêt
où était implantée, jusqu'à une date
récente, un îlot de savane --ce qui signifierait que cet
échantillon garde un héritage d'une savane préexistante.
Toutefois, en d'autres points, aussi bien sous forêt que sous savane, les
sols sont sableux, gravillonnaires en surface, parfois des épandages
démantelée.
L'action limitante des cuirasses ferrugineuses
:
Dans toute la zone toute, la topographie de collines est
marquée par des altitudes quasi constantes qui suggèrent
l'existence d'un niveau d'aplanissement ancien fortement dégradé
dont la conservation jusqu'à ce jour est assurée par la
présence dans les sols évoluant actuellement comme des sols
forestiers, d'une cuirasse ferrugineuse massive. Sa
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mise à l'affleurement, et parfois même, la
formation de micro corniches, est un témoignage de conditions
morphoclimatiques certainement différentes des celles qui règnent
actuellement. Dans la partie du territoire située entre Batouri et
Akonolinga, cette cuirasse jalonne en liseré plus ou moins continu, les
ruptures de pente à une altitude presque constante de 635-640 m. Cette
disposition se remarque sur les pistes carrossables de l'ensemble de la zone,
même si l'affleurement de la cuirasse s'opère à des
altitudes différentes. Il n'y a pas, sauf rares exceptions, de corniche
franche constituée par la cuirasse et les affleurements se rencontrent
indifféremment en forêt et en savane. A Biabegoura, la cuirasse
est présente sur l'interfluve sous 4 à 5 m de formations
superficielles. En revanche, en direction du talweg, elle se
démantèle en libérant des blocs, cailloux et nodules
ferrugineux et des gravillons de quartz, témoins de son ancienne
extension en surface.
Les dalles de cuirasses affleurantes sont
généralement nues ou recouvertes de mousses et de lichens.
Lorsqu'elles portent un sol très mince (environ 5 cm), quelques
Cyperaceae s'y accrochent. Lorsque l'épaisseur du sol au-dessus atteint
10 à 15 cm, elles sont occupées, soit par des herbacées,
soit par un peuplement de forêt d'un faciès particulier à
Mallotus oppositifolius. Cette plante, plus fréquemment
rencontrée sur les rochers (Letouzey, op cit.) semble y exploiter de
nombreuses fissures pour enfoncer ses racines. Néanmoins, la vitesse de
progression de la forêt au-dessus de tels sols peu épais est plus
lente qu'ailleurs. C'est aussi sur ces points où le peuplement forestier
de lisières est moins dense que les feux de brousse sont plus
mordants.
A Bafia, l'abondance des pluies détermine en outre
l'apparition des caractéristiques physico-chimiques :
capacité d'échange faible, qu'elle soit mesurée
sur l'argile ou sur le sol total, en raison des constitutions kaoliniques et
des sesquioxydes ; quantité de bases échangeables faible ;
degré de saturation variable, mais généralement faible.
? Valeur agricole : les sols ferralitiques
à Bafia ont une valeur agricole élevée, dans tout le
territoire, toute la population vit des rendements de ces sols. Ces sols
favorisent l'implantation des arbres dans les champs Puisque nous les cultures
rencontrées sont le maïs, le manioc, l'arachide, les ignames, le
palmier à huile, le taro...
? Contrainte de mise en valeur : Dans cette
zone de Bafia, les principales contraintes sont dues à la faible teneur
en matière organique et en éléments minéraux et aux
risques de dessèchement des horizons des surfaces. (PCD de Bafia,
2005)
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Figure 6: Les sols de la région autour de
Bafia
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