CONCLUSION
Sous le sceau de l'Accord de Paris, le régime
climatique, naguère clivé et bipolaire, tend à devenir
universel et solidaire, tout en recentrant la gouvernance du climat sur le
développement durable256. L'Accord de Paris dans son
ensemble, porte en lui les germes d'une nouvelle dynamique en matière de
réglementation internationale environnementale. En introduisant dans
l'enjeu climatique les acteurs non étatiques, il vient transformer la
vision des précédentes conventions qui touchent subtilement au
problème du climat. Les obligations différenciées des
États Parties ne laissent aucune place aux clivages car le
réchauffement climatique est l'affaire de tous. L'approche de l'Accord
permet de relancer la confiance mutuelle entre les Parties. Une confiance qui
avait été effritée par les précédentes
conventions.
Mais à ce magnifique tableau, il y a bien de nombreuses
ombres. Certaines dispositions de l'Accord se sont, tout au long de
l'étude, avérées insuffisantes. Elles ont ainsi
reculé sur certaines matières importantes par rapport aux
conventions climatiques antérieures. L'Accord ne donne pas ainsi de
précision sur les gaz qui devront faire l'objet de restriction. Or, il
n'y a qu'en réduisant les quantités de ceux-ci que l'on
parviendra à atteindre l'objectif fixé qui est de contenir
l'élévation de la température moyenne de la
planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux
préindustriels257. Cet état des choses peut
favoriser l'amenuisement des mesures prises par les Parties dans la mise en
oeuvre de l'Accord. En l'absence d'indication expresse des secteurs dont les
émissions sont prioritaires, les Parties peuvent être
tentées de situer leurs efforts dans des domaines aux émissions
moindres. Cela ne permettra pas de progresser dans la baisse des
émissions de gaz à effet de serre. On pourrait, au niveau
planétaire, être confronté à la manoeuvre du
surplace. Les températures, elles, continuent de grimper et
l'atmosphère se dégrade. C'est dire combien de fois le
défi se complexifierait au fur et à mesure que les années
passeraient. Car les actions des Parties ne seraient jamais suffisantes et ne
feraient que retarder l'inévitable. La transition
énergétique doit ainsi être rapide mais progressive et
contrôlée de sorte à ne pas fragiliser l'économie
mondiale258.
Il est donc indispensable que l'Accord fixe des objectifs
chiffrés à chacune de ses Parties. De cette manière,
chaque Partie, étant investie d'une mission individuelle, sera plus
encline à
256 MEKOUAR (M.A.), « La gouvernance mondiale du climat
entre New York, Paris et Marrakech : engagements, atteintes et défis
», Revue Africaine de droit de l'environnement (RADE), n°03,
2018, p. 81
257 Art. 2 § 1 al. a) Accord de Paris
258 PAUTHIER (A.), « Finance et climat, quels enjeux ?
», OGEOD, mars 2016, p. 9
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l'accomplir. Et ces objectifs chiffrés de
réduction de gaz à effet de serre devront suivre
l'équité et le principe des responsabilités communes mais
différenciées des Parties259. En outre, cette
répartition de l'effort global devra être faite en fonction des
capacités de chacune des Parties. La dynamique générale ne
sera que plus positive. Aussi, l'utilisation des énergies renouvelables,
si impérieuse à l'atteinte de la neutralité carbone, doit
être clairement posée dans l'Accord.
La question longtemps discutée du mécanisme de
responsabilité internationale environnementale a été
écartée du texte de l'Accord. Ce manque ne fait que repousser
davantage la solidification du régime environnemental mondial. Aussi, il
manque à l'Accord les dispositions suffisantes pour faciliter son suivi.
Bien que le mécanisme de transparence fasse office d'épée
de Damoclès, les États Parties ne sont pas sans ignorer que le
tranchant de cette lame est émoussé. En outre, la pression
politique ne suffit pas à elle seule à engager franchement les
Parties dans la mise en oeuvre des dispositions de l'Accord. L'Accord de Paris
se caractérise par une intensité normative variable de nature
« dure-molle », pourrait-on dire. Combinant obligations
juridiques et prescriptions directives, il apparaît ainsi «
inégalement contraignant »260. En effet, le
non-respect des objectifs devrait être sanctionné. Il est
essentiel qu'un mécanisme de sanction soit mis en place avec des moyens
pour les faire appliquer261. Cette mesure essentielle sera
éprouvée dans la durée pour donner plus de force aux
lignes de l'Accord et impacter positivement la lutte contre le
réchauffement climatique.
Toutes ces réformes sont possibles. Mais pour l'heure
nous considérons que l'Accord a une portée limitée car ses
insuffisances viennent anéantir la qualité de ses innovations.
Nous osons espérer que, durant les COP suivantes, l'Accord de Paris
fasse l'objet d'améliorations conséquentes pour ne pas verser
dans l'oubli comme son principal précédent, le Protocole de
Kyoto. Il appartient à la Conférence des Parties agissant comme
réunion des Parties à l'Accord de décider d'apporter ces
améliorations.
En décembre 2020, les Parties ont
commémoré le 5ième anniversaire de l'Accord de
Paris. Elles ont fait un bilan partiel qui laisse comprendre que les mesures
existantes préparées il y a plus de cinq ans ne sont pas
suffisamment ambitieuses pour placer sur la voie de l'objectif bien en
259 Art. 2 § 2, Accord de Paris.
260 LEMOINE-SCHONNE (M.), « La
flexibilité de l'Accord de Paris sur les changements climatiques »,
Revue juridique de l'environnement, n°1, 2016, p. 55
261 PIEDERRIERE (M.), Lutte contre le changement climatique : la
stratégie du droit, 30 août 2017
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dessous de 2°C262. Nous guettons le premier
bilan de l'Accord qui aura probablement lieu en 2023 et les suivants afin
d'apprécier avec plus de fermeté l'effectivité et
l'efficacité de l'Accord de Paris.
262 COLOMBIER (M.), TREYER (S.), « L'Accord de paris
sur le climat fête son cinquième anniversaire : qu'a-t-il
changé ? », Billet le blog, IDDRI, 24 novembre 2020
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