A. Un encadrement indirect passant par les dotations
forfaitaires
Les dotations de l'Etat représentent 30% des ressources
des collectivités territoriales. Ce sont des «
prélèvements opérés sur le budget de l'Etat et
distribués aux collectivités »57.
Il existe toute sorte de dotations, comme des dotations de
compensation, qui compensent les transferts de compétences de l'Etat aux
collectivités territoriales, ou encore les exonérations et les
dégrèvements dont il décide. Mais, la contribution la plus
importante de l'Etat est la dotation globale de fonctionnement.
Créée en 1979, son montant n'a cessé de
baisser ces dernières années, reflétant ainsi la nouvelle
politique de l'Etat, à savoir une diminution de ses concours financiers.
Ainsi, elle était de 40 milliards d'euros en 2014, et est passée
à 26 milliards en 201958. Et pourtant, beaucoup s'accordent
à parler d'une stabilité de la DGF.
Si le mouvement de décentralisation ne semble pas
connaitre de ralentissement, les contributions de l'Etat en faveur des
collectivités territoriales se font de plus en plus rares. Or, de telles
décisions ne peuvent qu'avoir des conséquences sur les budgets
des collectivités territoriales, et surtout leurs dépenses.
En effet, en agissant sur leurs ressources, l'Etat pourra
inciter les collectivités à réduire leurs dépenses.
Dès lors, si leurs dépenses augmentent, mais que leurs ressources
baissent, elles vont devoir trouver des solutions, et bien souvent, c'est vers
une restriction de leurs dépenses d'investissement que tendent leurs
choix.
57 Franck WASERMAN, « Contractualisation
financière et libre administration des collectivités
territoriales », Constitutions, 2018, p. 271
58 PLF 2019, Jaune budgétaire
27
Ainsi, comme l'a remarqué la Cour des comptes, «
la réduction des dotations de l'État a eu un effet plus
puissant et immédiat sur les dépenses d'investissement, qui ont
reculé de 11 % entre 2013 et 2017, que sur les dépenses de
fonctionnement qui ont seulement été ralenties. »59
En réalité, et comme elle le souligne
également, « la baisse de la DGF a provoqué une
inflexion sensible de l'évolution des dépenses de fonctionnement
», puisque les collectivités paraissent orienter leurs efforts
vers l'équipement local, perçu comme une véritable
variable d'ajustement.
Par ricochet, et afin de permettre aux collectivités de
se soumettre à leur règle d'or, la réduction de la part
forfaitaire de la DGF a eu pour effet d'augmenter la part des dotations de
péréquation (B).
B. Un encadrement direct passant par les dotations
de péréquation
Selon l'article 72-2 de la Constitution, « la loi
prévoit des dispositifs de péréquation destinés
à favoriser l'égalité entre les collectivités
territoriales. »
La péréquation est donc un principe à
valeur constitutionnelle, qui consiste à atténuer les
disparités de ressources entre les collectivités territoriales.
Pour les communes, l'article L2313-1 du CGCT fixe une liste de onze ratios sur
lesquels doit se fonder l'Etat pour leur garantir une adéquation entre
leurs ressources et leurs charges. Il peut s'agir de contraintes
géographiques, humaines, ou économiques.
Ces dernières années, la part de la DGF
consacrée à la péréquation est en constante
croissance, ce qui peut s'expliquer par la baisse de sa part forfaitaire. En
effet, les communes ont pu bénéficier d'une hausse de la dotation
de solidarité urbaine, tandis que le département a
bénéficié d'une dotation de péréquation
urbaine, et d'une dotation de fonctionnement minimale.
Il convient de distinguer la péréquation
horizontale, grâce à laquelle l'Etat verse une somme à une
collectivité, après l'avoir prélevé à une
autre, de la péréquation verticale, dans laquelle le montant de
la dotation est calculé en fonction de ses potentiels financier et
fiscal.
Le potentiel fiscal est le rapport de l'ensemble des
impositions par habitant, tandis que le potentiel financier est
constitué des ressources propres auxquelles on ajoute la DGF.
Pour la péréquation horizontale, comme l'argent
passe toujours par un fonds national, il n'y a pas de tutelle exercée
par une collectivité territoriale sur une autre. Ce fonds a
été créé par la loi du 28 décembre
201160 qui impose aux communes et EPCI dont le potentiel financier
est nettement supérieur à celui de leur strate de l'alimenter.
Légitimement, la péréquation semble
être une contrainte pour les collectivités les plus riches. Comme
le résume Frédéric LAFARGUE, celles-ci sont «
amenées à être dépossédées d'une
partie de leurs ressources »61 au bénéfice
des autres. Pour ce Professeur, le dispositif va à l'encontre même
du principe d'autonomie financière.
59 Cour des comptes, « Les finances publiques
locales 2019, Fascicule 2 », Rapport sur la situation financière et
la gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics, septembre 2019
60 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de
finances pour 2012
61 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
En effet, les libertés locales se retrouvent
entravées en ce qu'il revient à l'Etat de définir les
modalités de la péréquation, ne laissant aucune marge de
manoeuvre aux collectivités territoriales.
La seule limite, apportée par le Conseil
constitutionnel lors d'une QPC en date du 29 juin 201262,
réside dans la restriction des ressources des collectivités au
point de dénaturer leur principe de libre administration.
En réalité, les efforts de
péréquation n'ont pas permis de réduire les écarts
de situation des collectivités territoriales. Pire encore, les espoirs
de réduction des dépenses portés par l'Etat ont
été anéantis. Voilà pourquoi il a dû adopter
des stratégies contraignantes, afin de mieux gérer le budget des
collectivités territoriales (Section 2).
28
62 Conseil constitutionnel, décision
n°2012-255/265 QPC, 29 juin 2012, considérant 7
29
Section 2 : L'odyssée malmenée des
collectivités territoriales face aux stratégies et contraintes
de l'État
Les collectivités territoriales disposent de nombreuses
ressources. Si la plupart sont définitives (les taxes, les concours
financiers de l'Etat, et les ressources propres), d'autres sont au contraire
temporaires. En ce sens, les collectivités doivent les rembourser : il
s'agit des ressources issues de l'emprunt. La spécificité de
l'emprunt tient en ce qu'il ne peut être utilisé que pour des
dépenses d'investissement. Elle permet d'avancer que l'Etat peut limiter
la liberté de dépenses des collectivités, en ce qu'il peut
les obliger à attribuer telle ressource à un type de
dépense donné.
D'ailleurs, si les origines de leurs ressources sont
nombreuses et variées, elles disposent de moins en moins de marges de
manoeuvre, puisque l'Etat souhaite les soumettre à sa politique de
réduction des dépenses publiques.
Pour ce faire, et parce qu'il ne peut pas limiter plus encore
la section investissement, l'Etat a décidé d'inciter les
collectivités territoriales, par le biais d'un mécanisme
financier contraignant, à réduire leurs dépenses de
fonctionnement.
Ainsi, les budgets des collectivités territoriales se
retrouvent entravés par la maitrise de leurs emprunts par l'Etat (I)
d'une part. D'autre part, elles sont également limitées dans
leurs dépenses, notamment avec la contractualisation (II).
I. L'amputation des budgets locaux par la maitrise de
l'emprunt
L'emprunt ne doit couvrir que des dépenses de la
section investissement des collectivités territoriales. Pour s'assurer
de cela, l'Etat exerce un contrôle sur les collectivités
territoriales, notamment par le biais de ses représentants (A). En
parallèle, il régularise les situations des collectivités
territoriales qui en montrent la nécessité et qui n'ont pas su
gérer leur liberté d'emprunter correctement (B).
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