B. L'artificialité dévoilée de
l'autonomie financière à travers la fiscalité locale
Pour Michel BOUVIER, « on ne s'est jamais clairement
interrogé sur la possible dissociation entre autonomie de gestion et
autonomie fiscale. »28 Toutefois, et alors même que
c'était la volonté des élus, l'autonomie financière
des collectivités territoriales n'est en rien une autonomie fiscale.
Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé
à plusieurs occasions comme au sein de sa décision du 29
décembre 200929 : les collectivités territoriales
n'ont jamais maîtrisé pleinement et entièrement leurs
ressources, et pourraient même perdre le pouvoir « de fixer le
taux de l'une de leurs ressources fiscales ».
24 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
25 Conseil constitutionnel, décision n°
2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, 29 décembre 2009
considérant n° 62 ; Conseil constitutionnel, décision
n°2012-255/265 QPC, 29 juin 2012, considérant n° 6
26 Michel BOUVIER, Les finances locales,
LGDJ, 17e édition, 2018, page 28
27 Alain PARIENTE, Professeur à
l'université de Bordeaux, « Le mythe de l'autonomie
financière », Revue française de finances publiques
(n°129), 1er février 2015, page 15
28 Michel BOUVIER, Professeur à
l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue
Française de Finances Publiques, « Le Conseil constitutionnel et
l'autonomie financière des collectivités territoriales : du
quiproquo à la clarification », Nouveaux cahiers du Conseil
constitutionnel (n°33), octobre 2013
29 Conseil constitutionnel, décision
n°2009-599 DC, 29 décembre 2009, considérant 64
Ainsi, l'autonomie financière n'implique nullement que
les recettes fiscales soient versées par les contribuables locaux. C'est
ici que se mesure la place qu'occupe l'Etat en tant que contribuable.
Effectivement, celui-ci prend en charge 17% de la fiscalité
communale30.
Comme se plait à le rappeler la Cour des comptes, la
fiscalité ne peut qu'être nationale31. Dès lors,
et pour leur assurer un niveau suffisant de recettes, l'Etat ne peut que leur
partager le produit de ses propres recettes fiscales : on parle de
fiscalité transférée. Cette dernière correspond au
produit des impôts transférés par l'Etat pour compenser les
transferts de compétences.
Cependant, il est compliqué de distinguer la
fiscalité transférée des dotations de l'Etat. En effet, il
est difficile de faire la part des choses entre les deux au point que certains
affirment que la fiscalité transférée, composante des
ressources propres des collectivités territoriales, n'est en fait
qu'artificielle, tant la différence entre les deux ressources est
ténue32.
Effectivement, si le transfert d'impôt n'est pas
accompagné d'un pouvoir de modulation de l'assiette et du taux
suffisant, alors il est un simple versement, au même titre qu'une
dotation. A ce titre, la taxe intérieure sur les produits
pétroliers, et la taxe spéciale sur les conventions d'assurance
peuvent être mentionnées. En 2010, elles représentaient
12,5 milliards d'euros pour les collectivités
territoriales33. Néanmoins, elles n'avaient pas de marge de
manoeuvre sur ces taxes, l'Etat s'étant seulement contenté de
leur reverser une somme.
Dès lors, si l'on considère, comme Jean-Luc
BOEUF que l'autonomie fiscale est « une composante essentielle
»34 de l'autonomie financière, et qu'aucune
autonomie fiscale n'est reconnue aux collectivités, ne peut-on pas
remettre en cause l'existence même de l'autonomie financière ?
C'est probablement à cause de l'ambiguïté
de sa définition que le principe d'autonomie financière des
collectivités territoriales, à condition qu'il soit reconnu, a
une portée si peu conséquente pour leur défense
contentieuse (II).
17
30 Annexe au projet de loi de finances pour 2018 -
Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, Jaune
Budgétaire
31 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018
32 Loïc HERVE, « Relations avec les
collectivités territoriales », Avis au nom de la commission des
lois sur le projet de loi de finances pour 2018, Sénat, session
2017-2018, n° 114, tome XII, p. 47
33 Sénat, « Les dispositions relatives aux
collectivités territoriales dans la loi de finances pour 2010 et la loi
de finances rectificative pour 2009 - tome I »
34 Jean-Luc BOEUF, « L'autonomie
financière des collectivités locales existe-t-elle ? »,
Gestion & Finances Publiques (n°11), 2009, p. 838
18
II. Une portée relative du principe d'autonomie
financière des collectivités
territoriales
Le principe d'autonomie financière est ineffectif
puisqu'il est un simple pouvoir de gestion (A) laissé aux
collectivités territoriales, et qu'il n'est pas garanti
constitutionnellement (B).
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