Section 2 : Une autonomie financière des
collectivités territoriales désenchantée
Le mythe de l'autonomie financière des
collectivités rencontre sa limite à l'analyse de la substance de
ce principe (I). En effet, il apparait rapidement comme ineffectif, et la
portée de ses conséquences semble très limitée
(II).
I. Une substance fragile de l'autonomie
financière des collectivités territoriales
Le principe d'autonomie financière des
collectivités territoriales repose sur des concepts fragilisés et
biaisés. Premièrement, le concept de ressources propres est une
notion fourre-tout, dont l'éclatement apparait inévitable
à la suite de trop nombreuses qualifications abusives (A). Secondement,
le ratio d'autonomie est un indicateur biaisé que chacun peut orienter
comme bon lui semble (B).
A. L'éclatement progressif du concept de ressources
propres
Si la Constitution reconnait la notion de «
ressources propres », il n'en est rien pour celle d'autonomie
financière, qui n'est jamais explicitement énoncée. Pire
encore, la notion de ressources propres apparait, comme le souligne
Jean-Éric SCHOETTL, « trop large puisqu'elle inclut des
ressources certes fiscales, mais dont l'attribution à chaque
collectivité territoriale dépend exclusivement de la loi et sur
lesquelles aucune collectivité, prise isolément, n'a de levier de
manoeuvre »22.
En effet, les différents textes relatifs à la
libre administration des collectivités territoriales, ou à leur
autonomie financière, comme l'article 72 de la Constitution,
précisent bien qu'elles doivent être exercées «
dans les conditions fixées par la loi ».
Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes, certaines
ressources énoncées par l'article L1111-2 du CGCT, comme les
redevances pour services rendus, les produits du domaine, les participations
d'urbanisme, les produits financiers, les dons et legs, ont « un
caractère évidemment propre »23.
Néanmoins, le législateur a également
considéré qu'étaient des ressources propres les ressources
fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales ont un pouvoir,
puisqu'elles peuvent en fixer le taux et l'assiette, mais aussi celles sur
lesquelles elles n'ont aucune emprise, puisque c'est à la loi d'en
déterminer les particularités précitées.
Pour Frédéric LAFARGUE, « ce dispositif
ne renforce en rien l'autonomie financière des collectivités
territoriales, si ce partage d'impôts d'État ne s'accompagne pas
de la possibilité de faire varier la base imposable ou le taux. Il
équivaut alors à un simple reversement, identique au versement
d'une dotation budgétaire. Le dispositif ne devient efficace, au point
de vue de l'autonomie, que si la
22 Jean-Éric SCHOETTL, ancien secrétaire
général du Conseil constitutionnel, « Questions sur
l'autonomie financière des collectivités territoriales :
revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites
affiches (n°144), 2018, p. 3
23 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON,
députés, « Mission « flash » sur l'autonomie
financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p.
12
16
collectivité territoriale est effectivement
autorisée à accorder des abattements et des exonérations,
à faire varier le taux de l'impôt considéré. Mais
seule la loi en décide ainsi. »24 Une fois encore,
l'influence de la loi sur les ressources propres des collectivités, et
donc sur leur autonomie financière ne peut être
démentie.
Allant plus loin, le Conseil constitutionnel a même
jugé que le fait pour le législateur d'attribuer à une
collectivité territoriale une fraction d'un impôt local suffisait
à la qualifier de ressource propre, car elle était
déterminée « à partir d'une base locale
d'assiette »25.
Selon Michel BOUVIER, cette définition
extrêmement large des ressources propres permet purement et simplement de
« prendre acte du fait que d'année en année le pouvoir
de décision fiscale des élus locaux se trouve réduit de
par la multiplication des allègements fiscaux ainsi d'ailleurs que des
transformations de la matière imposable »26.
En ce sens, c'est non seulement le pouvoir de décision
fiscale des élus qui se retrouve réduit de toute marge de
manoeuvre, mais aussi, corollairement, le pouvoir de gestion financière
des collectivités territoriales. En d'autres termes, la loi contraint
l'autonomie financière des collectivités territoriales.
De plus, en supprimant l'adjectif «
déterminant » qui était initialement accolé
à la part de ressources propres, le Conseil constitutionnel a
privé cette notion de toute dimension dynamique, figeant la comparaison
dans l'année 2003.
Le mythe de l'autonomie financière perd de sa splendeur
à la compréhension de la fragilité caractérisant la
notion de ressources propres. « Notion fourre-tout
»27, celle-ci ne permet évidemment pas de renforcer
les leviers budgétaires à la disposition des collectivités
territoriales, qui paraissent en réalité contraints et
illusoires, comme le prouve l'exemple de la fiscalité locale (B).
|