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Les relations financières entre l'état et les collectivités territoriales


par Sandrine Cesbron
Université de Bordeaux  - M2 Droit des collectivités territoriales  2020
  

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Introduction

En 2018, Franck WASERMAN écrivait que « les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales sont en pleine recomposition depuis 2012, puisqu'il s'agit de mieux les associer à l'effort national de maitrise des dépenses publiques. »1

Ces relations peuvent être définies comme « les transferts financiers de l'Etat aux collectivités »2, mais aussi comme toutes les imbrications résultant de leurs relations politiques et juridiques, dès lors qu'il en ressort des conséquences financières. En ce sens, il faut entendre l'Etat comme le gouvernement, c'est-à-dire l'organe investi du pouvoir exécutif, et non comme le Parlement, l'organe investi du pouvoir législatif.

En réalité, la recomposition de ces relations semble avoir été entamée depuis plus longtemps que ce que laisse entendre le Professeur WASERMAN, puisqu'en 2007, un groupe de travail portant sur ce sujet avait été mis en place. Il en est résulté le rapport Alain LAMBERT, au sein duquel, on pouvait déjà lire que « le cadre posé en 1982-1983 et revisité en 2003-2004 [n'était] plus adapté »3.

L'ensemble du rapport préconisait ainsi une rationalisation des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales, passant par la création d'un lien de confiance et de responsabilisation de chacun des acteurs.

Cependant, les recommandations de ce rapport n'ont pas été entendues puisqu'aujourd'hui, et sans doute plus que jamais, le poids de l'Etat au sein des budgets locaux se fait ressentir sur les collectivités territoriales.

En effet, selon les élus locaux, leur autonomie financière, principe découlant de l'article 72-2 de la Constitution, est menacée, si ce n'est illusoire. Ainsi, depuis les lois de 1982, leurs marges de manoeuvre ont été considérablement dégradées. L'exemple le plus récent est celui de la contractualisation, mécanisme imposé par l'Etat qui contrôle les dépenses des collectivités territoriales.

Pour certains penseurs du droit, l'évolution de ces relations les rend « déséquilibrées, instables, et malsaines »4. Michel BOUVIER considère d'ailleurs qu'elle est « susceptible de rendre les collectivités territoriales totalement dépendantes des stratégies et surtout des contraintes financières [...] de l'Etat »5.

Le problème sous-jacent est que, comme le soulignait l'Inspection générale des affaires sociales, dans son rapport de 2008, « Le législateur n'a pas choisi entre [...] le modèle de l'Etat tutélaire dans

1 Franck WASERMAN, « Contractualisation financière et libre administration des collectivités territoriales », Constitutions, 2018, p. 271

2 Xavier CABANNES, Professeur à l'université Paris Descartes, « Le contentieux des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales », AJDA, 2016, p.598

3 Groupe de travail présidé par Alain LAMBERT, « Les relations entre l'État et les collectivités locales », décembre 2007

4 Marie-Christine STECKEL, « Les relations financières entre Etat et collectivités locales en Europe », Atelier organisé par l'Association Finances-gestion-évaluation (AFIGESE), Entretiens territoriaux de Strasbourg, 5 et 6 décembre 2007

5 Michel BOUVIER, Professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue Française de Finances Publiques, « Le Cadre financier pluriannuel post-2020 », RFFP 2018 (n°141), p. 81.

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lequel les collectivités sont de simples opérateurs [...] et le modèle de l'Etat décentralisé, dans lequel il appartient aux collectivités territoriales de définir leurs politiques et de choisir leur modèle d'intervention. »6

Dès lors, les collectivités territoriales semblent pouvoir gérer leurs budgets comme elles l'entendent mais, derrière le rideau, l'Etat agit souvent comme un marionnettiste qui guide leurs politiques publiques.

Ces balbutiements engendrent des tensions entre les deux acteurs, qu'il faut plus que jamais atténuer afin de garantir la nouvelle gouvernance financière, telle que mise en place par la loi organique relative aux lois de finances, en 2001.

Ainsi, pour d'autres acteurs du droit, comme Mohamed TOUBI, l'Etat est au contraire un « copilote, qui assiste [...] la condition financière des collectivités territoriales »7. Il se prive de certaines de ses recettes au profit des collectivités territoriales, qu'il doit mieux associer à la maitrise des dépenses publiques.

Au regard de ces divergences d'opinion, il convient de savoir comment expliquer et dépasser la situation conflictuelle des relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

A priori, le conflit caractérisant les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales trouve sa source dans leur fondement, à savoir la Constitution (Titre 1). Pour le dépasser, il faudra nécessairement les transformer (Titre 2).

6 Igas, 2008, p. 12-13

7 Mohamed TOUBI, « Relations financières entre l'Etat et les collectivités : qui tient vraiment le volant ? », Legibase, Compta et finances locales, 26 juillet 2018

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Titre 1 - Un conflit d'interprétation caractérisant les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales

Le conflit qui alimente les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales trouve sa source dans la notion d'autonomie financière. En effet, avant les lois Deferre de 1982, le budget des collectivités territoriales était soumis à un contrôle a priori du préfet, qui exerçait alors une sorte de tutelle sur elles.

Après ces lois, les collectivités territoriales ont été dotées d'une autonomie de gestion leur permettant de donner force exécutoire à leur budget, dès lors qu'il était voté. La tutelle budgétaire n'existait plus que sous la forme d'un contrôle a posteriori du préfet.

Parallèlement, les transferts de compétences se sont accrus massivement, concomitamment à un transfert de ressources insuffisant.

Dans un souci de maintien de leur équilibre budgétaire, les élus ont réclamé plus d'autonomie fiscale à partir des années 2000. Ils devront attendre la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 pour que l'Etat leur réponde, et donne aux collectivités territoriales une sorte d'autonomie financière.

Juridiquement, cette notion ne correspond pas vraiment aux exigences portées par les collectivités territoriales. Pourtant, les élus ont eu tendance à s'en prévaloir, comme d'une force politique, pour appuyer leurs politiques locales.

En réalité, au même titre que l'autonomie fiscale, les collectivités territoriales ne paraissent pas détenir une quelconque autonomie financière, ce qui explique les tensions croissantes avec l'Etat.

Ainsi, s'il est soulevé par le mythe de l'autonomie financière (Chapitre 1), le conflit caractérisant les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales est aussi alimenté par l'illusion d'un équilibre financier entre ces acteurs (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : Un conflit soulevé par le mythe de l'autonomie financière des collectivités territoriales

Un mythe peut être une construction de l'esprit qui ne repose sur aucun fondement. En ce sens, les auteurs considèrent souvent que l'autonomie financière des collectivités territoriales découle de l'article 72-2 de la Constitution, alors même que celle-ci ne fait aucunement état d'un tel principe, du moins explicitement.

Autrement compris, le mythe peut s'appliquer à un élément réel mais dont le sens et la portée sont amplifiés par des croyances. Il constitue alors un « ensemble de croyances, de représentations idéalisées autour d'un personnage, d'un phénomène, d'un événement historique, d'une technique qui leur donne une force, une importance particulières »8.

En France, la notion d'autonomie financière des collectivités territoriales a trouvé ses fondements dans le domaine fiscal dès les années 1970. Ainsi, les collectivités territoriales ont obtenu le droit de fixer les taux d'imposition des quatre taxes locales, parallèlement à la refonte de la fiscalité locale. Le mouvement de décentralisation qui a suivi n'a fait que renforcer l'assimilation de l'autonomie financière à l'autonomie fiscale, par les élus.

Néanmoins, la révision constitutionnelle de 2003 n'a pu les satisfaire pleinement puisqu'à la notion d'autonomie financière a été favorisée celle de « ressources propres » des collectivités territoriales. Expression aux contours obscurs, elle n'a permis qu'une dichotomie entre les partisans de l'autonomie financière entendue comme une autonomie fiscale, et ceux qui y voient une simple autonomie de gestion. Certains vont même jusqu'à affirmer que l'autonomie financière est un mythe, une notion idéalisée, si ce n'est inventée.

Dès lors, l'autonomie financière des collectivités territoriales ne peut qu'être enjolivée (Section 1). Logiquement, elle est rapidement désenchantée de toute substance (Section 2).

Section 1 : Une autonomie financière des collectivités territoriales enjolivée

Le mythe de l'autonomie financière des collectivités territoriales résulte d'abord de son ambiguïté conceptuelle (I). Ensuite, il est rendu possible parce que l'autonomie financière parait garantie constitutionnellement (II).

I. Une ambiguïté conceptuelle de l'autonomie financière

L'ambiguïté conceptuelle de la notion d'autonomie financière se trouve dans son texte fondateur, c'est-à-dire la loi du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales9, qui l'assimile à la notion de « ressources propres » (A). Au-delà de sa définition, cette loi permet une

8 Universalis, « Phénix, mythologie », Encyclopoedia Universalis

9 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales

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mesure de l'autonomie selon « une part déterminante » (B), qui ne peut que dépendre de l'orientation que l'on souhaite lui octroyer.

A. L'assimilation de l'autonomie financière au concept de ressources propres

Les lois Deferre de mars et juillet 1982 ont doté les collectivités territoriales d'une certaine autonomie de gestion financière en leur permettant de voter leur budget librement, sans contrôle a priori du préfet.

Si la tutelle budgétaire persiste par un contrôle a posteriori en cas de déséquilibre du budget, les collectivités territoriales ont vu leurs responsabilités croitre avec l'externalisation de certaines dépenses par l'Etat, concomitamment à l'extension de leurs compétences.

Cette situation a amené les collectivités territoriales à réclamer plus d'autonomie fiscale, en pensant qu'elle serait l'incarnation de la décentralisation. Or, en France, le pouvoir fiscal appartient au Parlement.

C'est pourquoi le Conseil constitutionnel n'est jamais allé au-delà d'une reconnaissance d'une autonomie financière aux collectivités territoriales. Ainsi, lors d'une décision portant sur la révision des bases locatives, en 1990, il a considéré qu'au regard du principe de libre administration, les collectivités territoriales bénéficiaient aussi du droit de disposer librement de leurs ressources, et du droit de disposer de ressources suffisantes pour exercer leurs compétences10.

Plus tard, et pour répondre à ces différentes problématiques, la décentralisation a été introduite dans la Constitution, par la loi de révision constitutionnelle du 28 mars 200311.

Depuis, l'article 72-2 de la Constitution dispose que :

« Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre. »

Cet article pose quelques difficultés puisqu'il contient un oxymore dès sa première phrase : « disposer librement » de ressources mais « dans les conditions fixées par la loi » est contradictoire. Par ailleurs, l'utilisation du verbe « pouvoir » implique que ce ne sont que des possibilités qui sont laissées aux collectivités territoriales, et non des pouvoirs.

Ces formulations ambigües ont permis de cultiver le mythe de l'autonomie fiscale qui, dans les faits, n'existe pas. Pour beaucoup, elles sont en fait le fondement de l'autonomie financière des collectivités territoriales, assimilée à « une part déterminante de ressources propres » dont elles peuvent disposer librement.

10 Conseil constitutionnel, décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, à propos de la révision des bases locatives

11 Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République

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Pour comprendre ce que sont « une part déterminante », ainsi que « les ressources propres des collectivités territoriales », il aura fallu attendre la loi organique du 29 juillet 200412.

En effet, en son article 3, celle-ci dispose que : « les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs. »

Dès lors, et quand bien même cet article fait état du pouvoir de la loi, les élus locaux s'en sont emparés pour donner un poids politique à leurs programmes. De fait, la notion de ressources propres semble pouvoir englober nombre de ressources des collectivités territoriales, dont les recettes fiscales. En ce sens, l'autonomie financière se confond avec elle, et toujours dans le domaine fiscal.

D'ailleurs, comme le souligne Raphaël DECHAUX, « la relation entre ressources propres et autonomie financière est déterminante puisque, par définition, sans les premières, la deuxième reste inefficiente. »13

L'article L1114-2 du Code général des collectivités territoriales donnera, par la suite, une définition plus précise des ressources propres. Celui-ci semble distinguer deux types de ressources propres : celles qui ont un caractère évidemment propre, c'est-à-dire celles sur lesquelles la collectivité territoriale peut exercer une influence sur le montant ; et celles sur lesquelles elle n'aura aucun pouvoir, à savoir les produits des impositions de toutes natures dont la loi détermine le taux, et une part locale d'assiette.

Le législateur a donc décidé de retenir une interprétation large de la notion de ressources propres, afin d'éviter toute violation de la Constitution. Le choix des termes permet également d'éviter un tel abus puisque la notion de ressources propres, assimilée à celle d'autonomie financière, dépend également de l'expression « part déterminante », qui apparait relativement ambigüe.

Ainsi, la loi organique précitée va la définir en fixant un plancher d'autonomie des collectivités territoriales (B).

B. La mesure de l'autonomie financière par le concept de part déterminante

La Charte européenne de l'autonomie locale de 1985 impose aux Etats de garantir l'autonomie politique, administrative et financière des collectivités territoriales. Si cette dernière est rattachée à la notion de ressources propres, il faut encore savoir comment calculer la « part » de ressources propres.

C'est l'objet de la loi du 29 juillet 2004 qui, en son article 4, dispose que : « pour chaque catégorie de collectivités, la part des ressources propres est calculée en rapportant le montant de ces dernières à celui de la totalité de leurs ressources, à l'exclusion des emprunts, des ressources correspondant

12 Loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales

13 Raphaël DECHAUX, ATER à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Membre du GERJC - Institut Louis Favoreu, « Les garanties constitutionnelles de l'autonomie financière locale à l'épreuve des concours financiers étatiques », Revue du droit public (n°2), 2010, p. 349

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au financement de compétences transférées à titre expérimental ou mises en oeuvre par délégation et des transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie. »

Si le calcul est aisé, cet article porte toutefois une limite à l'autonomie financière, comprise comme les ressources propres des collectivités territoriales, puisqu'en son troisième alinéa, il dispose que : « Pour chaque catégorie, la part des ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l'année 2003. »

En ce sens, il pose un plancher d'autonomie. Il est à noter que le terme « déterminant » a été déclaré contraire à la Constitution, par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 29 juillet 200414. En effet, il a considéré que « du fait de sa portée normative incertaine », ce terme ne respectait « ni le principe de clarté de la loi ni l'exigence de précision que l'article 72-2 de la Constitution requiert du législateur organique ».

Néanmoins, cette situation reste problématique au regard de la valeur de « la part » qui ne peut qu'être exprimée en pourcentage. Or, un pourcentage peut évoluer en fonction d'un autre.

Par exemple, si une commune dispose de 70% de ressources propres, et de 30% de dotations de l'Etat, il suffit de baisser ces dernières pour que le pourcentage des premières augmente. Certes, la part de ressources propres augmentera, mais ce ne sera probablement pas le cas des marges de manoeuvre de la commune, et donc, de son autonomie financière, au sens des actions financières qu'elle pourra entreprendre.

Cependant, pour Monsieur Pascal CLEMENT, cet ajout au sein de la Constitution permet de « faire pièce aux tentatives de recentralisation des ressources que n'a pu éviter le Conseil constitutionnel faute de dispositions explicites dans la Constitution »15.

Si l'autonomie financière est assimilée à la notion de part déterminante de ressources propres, les collectivités territoriales bénéficient d'autres ressources, qui ne sont pas considérées de la sorte. C'est le cas des emprunts ou des ressources correspondant au financement de compétences transférées. Pour certains auteurs, ces dernières forment d'ailleurs une garantie constitutionnelle de l'autonomie financière des collectivités territoriales. En effet, si elle n'est pas désignée explicitement dans le texte de la Constitution, l'autonomie financière semble tout de même garantie par d'autres principes constitutionnels (II).

II. Une garantie constitutionnelle apparente de l'autonomie financière

L'autonomie financière des collectivités territoriales semble constitutionnellement garantie puisque, d'une part, elle est un corollaire de la libre administration des collectivités territoriales (A), et que, d'autre part, elle est assurée par le principe constitutionnel de compensation financière des charges résultant de la décentralisation des compétences (B).

14 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-500 DC, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, 29 juillet 2004

15 Pascal CLEMENT, rapporteur au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, Rapport n°376, XIIe législature, p. 26

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A. L'autonomie financière comme corollaire de la libre administration des collectivités territoriales

En 2018, Jean-Éric SCHOETTL écrivait que « La libre administration ne se confond pas avec l'autonomie financière [...] mais elle l'englobe. La seconde est une composante de la première. »16

Pour comprendre la mesure de cet engrenage, il faut d'abord saisir le sens du principe de libre administration des collectivités territoriales. Pour cela, il est nécessaire de comprendre la portée de l'article 72 alinéa 3 de la Constitution, selon lequel « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences ».

Cet article trouve son écho dans le Code général des collectivités territoriales, et ses articles L11111 et L1111-2 qui disposent respectivement que « Les communes, les départements et les régions s'administrent librement par des conseils élus » et qu'ils « règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. »

Ainsi, la libre administration peut être définie comme la gestion des compétences d'une collectivité territoriale par ses élus. Cela étant dit, le rapport avec l'article 72-2 apparait évident : les collectivités disposent, pour l'exercice de leurs compétences, de ressources dont elles peuvent disposer librement.

Dès lors, le principe de libre administration des collectivités territoriales est un corollaire de leur autonomie financière. Cela avait d'ailleurs été souligné bien avant la révision constitutionnelle de 2003 puisque, comme le souligne la Cour des comptes dans sa mission flash sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, « l'autonomie financière avait été reconnue comme un corollaire, un « attribut logique »17 du principe constitutionnel de libre administration, qui comportait deux dimensions : le droit pour les collectivités de disposer librement des ressources dont elles disposent ; et le droit de disposer de ressources suffisantes pour exercer leurs compétences »18.

De cette façon, le Conseil constitutionnel se fonde généralement sur le principe de libre administration des collectivités territoriales pour traiter de la question de l'autonomie financière. Par exemple, lors de sa décision du 18 janvier 201819, une référence explicite à l'autonomie était attendue, mais il a préféré se fonder sur le principe de libre administration des collectivités territoriales. En l'espèce, les requérants contestaient la conformité à la Constitution du mécanisme financier de contractualisation. Or, le Conseil constitutionnel n'a aucunement fait état de l'autonomie financière des collectivités, alors même qu'il se fondait sur les articles 72 et 72-2 de la Constitution, et a considéré que l'atteinte portée à la libre administration n'était pas d'une gravité telle qu'elle méconnaitrait les dispositions constitutionnelles.

16 Jean-Éric SCHOETTL, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, « Questions sur l'autonomie financière des collectivités territoriales : revendication politique ou principe constitutionnel ? », Petites affiches (n°144), 2018, p. 3

17 Michel BOUVIER, Professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Revue Française de Finances Publiques, « Pour une autonomie financière locale au-delà des corporatismes », Revue française des finances publiques (n° 140), novembre 2017, p. 5

18 Christophe JERRETIE, Charles DE COURSON, députés, « Mission « flash » sur l'autonomie financière des collectivités territoriales », 9 mai 2018, p. 6

19 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-760 DC, 18 janvier 2018

Au-delà de cette dimension, le principe d'autonomie financière s'est vu augmenté d'une autre forme de protection, passant par le principe constitutionnel de compensation de toute création, transfert ou expansion de compétences des collectivités territoriales (B).

B. L'autonomie financière apparemment garantie par le principe constitutionnel de compensation financière

L'autonomie financière des collectivités territoriales apparait garantie par le principe constitutionnel de compensation de toute extension ou création de compétences, d'où résulteraient des charges pour les collectivités territoriales.

Effectivement, l'article 72-2 alinéa 4 de la Constitution dispose que « tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. »

Cette exigence initie une transformation des rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales puisque, selon ce schéma, l'Etat est garant de l'autonomie financière des secondes.

Cette garantie semble indispensable à l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui doivent pouvoir bénéficier de leurs ressources propres librement, sans être noyées dans un amoncellement de charges engendrées par les transferts arbitraires de compétences par l'Etat.

Dès 1986, au sein d'une décision dite « Département du Finistère », le Conseil constitutionnel insistait déjà sur le fait que cette compensation devait être « intégrale »20. Cependant, au sein de sa décision du 17 juillet 200321, il a estimé que le législateur n'était tenu de prévoir les conditions de détermination et de répartition des dotations que pour les compétences obligatoires prévues par le transfert.

Couplés à cette distinction, ces atermoiements jurisprudentiels semblaient déjà annoncer la fragilité du principe d'autonomie financière, jamais explicitement reconnu et toujours suggéré. De plus, le paradoxe n'a eu de cesse d'apparaitre au fil du développement : l'autonomie financière des collectivités territoriales est entravée, car limitée « aux conditions fixées par la loi » (Section 2).

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20 Conseil constitutionnel, décision n° 86-223 DC, Loi de finances rectificative pour 1986, 29 décembre 1986

21 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-474 DC du 17 juillet 2003

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe