Section 1 : Une tentative de restructuration des
relations financières entre les
collectivités territoriales
Les collectivités territoriales souffrent de nombreux
déséquilibres en ce qui concerne leurs relations
financières. En effet, si l'on prend une collectivité
territoriale donnée, il s'avère que sa situation sera fortement
différente des autres, et ce, même avec une collectivité de
même catégorie.
Par ailleurs, et malgré le principe d'interdiction de
tutelle budgétaire, il existe souvent des chevauchements de l'action
locale. C'est pourquoi la notion de chef-de-file a été introduite
dans les années 2010. Cependant, au lieu de le renforcer, elle semble,
dans les faits, fragiliser le principe d'interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales (I). Dès lors, celles-ci doivent tout
mettre en oeuvre pour renforcer leur coopération (II).
I. Une interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales fragilisée
par le renforcement de la notion de chef-de-file
L'interdiction de tutelle budgétaire entre les
collectivités territoriales semble fragilisée (A). Cela peut
à la fois être le fondement et l'explication de chevauchements
récurrents en matière d'action locale. Quoi qu'il en soit, il
apparait urgent de trouver un équilibre entre la notion de chef-de-file
et celle d'interdiction de tutelle budgétaire (B).
39
A. Une fragilisation du principe d'interdiction de
tutelle budgétaire entre les collectivités territoriales
L'article 72 alinéa 5 de la Constitution dispose qu'
« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle
sur une autre ». Par conséquent, aucune ne peut exercer de
tutelle financière sur une autre, instaurer un rapport de
dépendance fondé sur le versement d'un concours financier.
Dès lors, si une collectivité verse une aide
financière à une autre, elle ne peut rien exiger de la
collectivité bénéficiaire. Cette aide peut être un
fonds de concours, une subvention, une participation financière etc.
Comme le souligne Frédéric LAFARGUE, «
il s'agit d'éviter ainsi, de manière générale,
qu'une collectivité territoriale ne vienne s'immiscer dans le champ
d'une compétence matérielle attribuée par la loi à
une autre collectivité. »85
En ce sens, l'article L1111-4 du Code général
des collectivités territoriales, renforcé par la loi du 16
décembre 201086, précise que « les
décisions prises par les collectivités territoriales d'accorder
ou de refuser une aide financière à une autre collectivité
territoriale ne peuvent avoir pour effet l'établissement ou l'exercice
d'une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur celle-ci. »
Par ailleurs, il précise que les conditions d'octroi
d'une aide à une collectivité par une autre ne peuvent se fonder
sur l'appartenance de la bénéficiaire à une association,
un EPCI ou un syndicat mixte. En d'autres termes, la collectivité
territoriale versante ne peut rien imposer à la
bénéficiaire quant à la gestion de ses
compétences.
Selon les mots de Frédéric LAFARGUE, «
la liberté de la collectivité versante doit s'arrêter
là où commence la liberté de décision de la
collectivité bénéficiaire. »87
C'est bien du principe de libre administration dont il s'agit.
Or, c'est au juge de déterminer cette frontière, et il se trouve
que ses multiples décisions ont fragilisé le principe
d'interdiction de tutelle financière entre les collectivités
territoriales. En effet, l'arbitrage entre les principes de libre
administration des collectivités territoriales, et d'interdiction de
tutelle apparait parfois délicat.
Ainsi, dans un arrêt du 12 décembre
200388, le Conseil d'Etat a pu estimer qu'un simple dispositif
financier incitatif d'un département à destination d'une commune
ne constituait pas une tutelle financière puisqu'il ne lui imposait pas
de choix et ne donnait lieu ni à contrôle ni à sanction
financière de la part de la collectivité versante. En
l'espèce, le versement de l'aide publique était modulé en
fonction du mode de gestion adopté par la collectivité
bénéficiaire en matière d'eau potable et
d'assainissement.
Selon le juge, une « modulation des subventions d'une
amplitude égale à 10 % du coût des travaux et en fixant le
taux le plus élevé des aides à 40 % de ce coût
» n'entrave pas la liberté de choix du mode de gestion des
collectivités territoriales.
85 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
86 Loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriales
87 Frédéric LAFARGUE, Maître de
conférences HDR en Droit public, à la Faculté de Droit de
Pau, « La Constitution et les finances locales », Nouveaux
cahiers du Conseil constitutionnel (n°42), janvier 2014
88 Conseil d'Etat, Assemblée, 12
décembre 2003, « Département des Landes »,
n°236442
40
Il aura fallu attendre l'intervention du législateur en
200689 pour que les aides publiques aux communes et groupements de
collectivités ne puissent être modulées en fonction du mode
de gestion.
Par ailleurs, en réponse à une QPC du 8 juillet
2011 dite « Département des Landes »90, le
Conseil constitutionnel a donné raison au département qui
décidait d'attribuer ses subventions en fonction des modes de gestion
d'un service public. Pour cela, il s'est appuyé sur le principe de libre
administration des « départements », et non des
collectivités territoriales.
Pour Jacqueline DOMENACH, Professeur à
l'Université Paris Ouest Nanterre la Défense, cette
différenciation pourrait être « susceptible d'introduire
une relativité du principe en fonction des niveaux de
collectivités »91.
Une telle consécration pourrait avoir de lourdes
conséquences sur le principe d'interdiction de tutelle entre les
collectivités territoriales. Par exemple, depuis la loi NOTRe,
« la région est la collectivité territoriale
responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en
matière de développement économique.
»92 Dès lors, son intervention financière
repose essentiellement sur des subventions aux autres collectivités.
Devrait-on entendre que la région pourra imposer des modes de gestion
aux collectivités qui bénéficieraient de ses aides
financières ?
Cela n'est évidemment pas envisageable, surtout au
regard du principe constitutionnel de libre administration des
collectivités territoriales. Il faut donc renforcer le principe
d'interdiction de tutelle entre elles, notamment dans son volet financier.
Il est également possible d'expliquer cette
fragilisation du principe par le chevauchement des actions locales. Souvent,
les collectivités se retrouvent à exercer des compétences
communes, ce qui créé des doublons inutiles, et un gaspillage
financier évident. Alors, il convient de rechercher un équilibre
entre l'interdiction de tutelle budgétaire entre les
collectivités territoriales, et la notion de chef-de-file (B).
B. Une recherche d'équilibre notion de
chef-de-file et interdiction de tutelle budgétaire entre
collectivités territoriales
Conformément au principe de subsidiarité repris
au sein de l'article 72 de la Constitution, « les collectivités
territoriales ont vocation à prendre les décisions pour
l'ensemble des compétences qui peuvent être le mieux prises
à leur échelon. »
Depuis la loi NOTRe93, les départements et
les régions ont été privés de leur clause
générale de compétence, qui n'est plus qu'accordée
aux communes. Ces dernières peuvent donc intervenir pour toute affaire
relevant de leur territoire, par délibération de
l'Assemblée, et sans que la loi n'énumère leurs
attributions. Elles interviennent principalement dans les domaines de
l'urbanisme, du logement, de l'environnement, et de la gestion des
écoles.
89 Loi n°2006-1772 du 30 décembre
2006(25), et codifiée à l'article L. 2224-11-5 CGCT.
90 Conseil constitutionnel, décision n°
2011-148 QPC, Département des Landes, 8 juillet 2011
91 Jacqueline DOMENACH, Professeur à
l'Université Paris Ouest Nanterre le Défense, « Autonomie
des collectivités territoriales et QPC : une portée très
relative des principes de libre administration et d'autonomie financière
», Le Lamy Collectivités territoriales (n°72), 1er
octobre 2011
92 Ancien article L.4251-12 du CGCT (version en
vigueur en 2016)
93 Loi n 2015-991 du 7 août 2015 portant
nouvelle organisation territoriale de la République
41
A l'inverse, les régions et les départements
disposent de compétences spécialisées organisées en
blocs de compétences. Les départements se sont vu attribuer les
domaines de l'action sociale et la gestion des infrastructures, tandis que les
régions sont concernées par le développement
économique, la gestion des lycées, ou encore l'aménagement
du territoire.
Toutefois, certaines compétences peuvent être
partagées entre différents niveaux de collectivités
territoriales. Dans ce cas, l'une des collectivités devra exercer le
rôle de chef-de-file et coordonner l'action publique sur le territoire
concerné.
C'est le cas en matière de sport, de tourisme, ou
encore de culture. Ainsi, comme le souligne le Ministère des Sports,
« dans ce contexte, l'intervention des collectivités locales en
matière sportive n'est pas uniforme. Chacune d'elles est libre de
s'investir dans ce domaine en fonction des choix politiques de son
exécutif. »
En réalité, les communes supportent l'effort
public le plus important alors que les régions mettent l'accent sur les
sportifs de haut niveau, et que les départements favorisent la pratique
du sport de masse. Les trois niveaux de collectivités s'investissent de
concert dans le financement des équipements sportifs, mais le
chef-de-file en matière sportive apparait tout de même être
la commune.
En ce sens, le rôle de chef-de-file, tel que
renforcé par la loi du 27 janvier 2014, dite MAPTAM94, est un
rôle de coordination de l'action commune des collectivités
territoriales, distinct de tout rôle décisionnaire.
Pour le professeur CHAVRIER, « ce n'est rien d'autre
qu'un nouveau mode de coordination et de concertation. Chacun y voit une
solution miracle en lui prêtant plus de contenu, mais en fait, elle ne va
pas au-delà des modalités préparatoires,
d'exécution matérielle et de suivi. »95
Cela s'explique parce que la Constitution, en son article 72,
donne le droit aux collectivités territoriales d'organiser leurs
modalités d'action commune, et non de les déterminer. Dès
lors, loin de le fragiliser, le rôle de chef-de-file apporte un soutien
au principe d'interdiction de tutelle des collectivités
territoriales.
Le pouvoir qui leur est donné ne peut qu'être un
pouvoir de coordination, et non un pouvoir de décision. Ainsi, aucune
collectivité ne peut imposer de dépense résultant d'une
action à une autre puisqu'en matière de compétences
partagées, leur action se fonde sur le volontariat.
Cependant, cela apparait possible dans de rares cas. En effet,
au sein d'une décision dite « Commune de Maing »,
rendue en 201396, le Conseil constitutionnel a validé la
disposition du CGCT selon laquelle une décision de retrait d'une commune
d'un EPCI existant est soumise à l'approbation de la majorité des
conseils municipaux représentant les deux tiers de la population. La
critique peut donc se porter sur la fragilisation croissante du principe
d'interdiction de tutelle entre les collectivités territoriales.
Selon les faits de l'espèce, il est possible qu'une
commune qui souhaite « récupérer son indépendance
» en se détachant d'un EPCI n'en possède plus le choix. Cela
a forcément des conséquences sur son budget puisqu'elle pourra
alors se voir impliquée dans des projets qui seront communs à
tous les membres de l'EPCI, et auxquels elle devra apporter son concours.
94 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de
modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles
95 Géraldine CHAVRIER, Professeur de droit
public, « Le chef de file n'a absolument aucun pouvoir de contrainte
», La Gazette des communes, 5 juillet 2013
96 Conseil constitutionnel, Décision n°
2013-304 QPC, Commune de Maing, 26 avril 2013
42
En réalité, cela peut s'expliquer parce qu'afin
de réaliser des économies et de réduire ce type de
déséquilibres financiers, les collectivités territoriales
doivent surtout renforcer leur politique de coopération (II).
II. Un lien de coopération entre les
collectivités territoriales à renforcer
Au-delà de l'interdiction de tutelle, les actions des
collectivités territoriales peuvent se fonder sur une action de
coopération, qui aura nécessairement une influence sur leurs
budgets. Ainsi, la coopération peut être institutionnelle (A), ou
décisionnelle (B). Dans ce cas, il s'agit d'une coopération de
projet.
A. Une coopération institutionnelle
affirmée
La coopération institutionnelle n'a eu de cesse de se
développer ces dernières années. Ce mouvement a
trouvé naissance suite à l'émiettement communal
caractéristique de la France, avec la notion
d'intercommunalité.
Celle-ci a trouvé son essor dans la loi du 16
décembre 201097 publiée selon un objectif de
rationalisation de la carte intercommunale. Ainsi, l'intercommunalité
permet à plusieurs communes de mettre en commun la gestion de certains
services publics, ou l'élaboration de politiques publiques, en passant
par la création d'établissements publics de coopération
intercommunale.
Avant la loi du 1er juillet 201398,
cette démarche se fondait sur le volontariat des communes, souvent
convaincues grâce à des incitations financières.
Désormais, toutes les communes doivent avoir intégré un
EPCI. Cette démarche favorise le développement économique
local, ainsi que les politiques d'aménagement du territoire.
Ce système semble présenter de nombreux
avantages financiers pour les communes membres de l'EPCI puisque la
fiscalité de l'EPCI est additionnelle à celle des communes
membres dans la mesure où elle se rajoute aux taux votés par
celles-ci. Par ailleurs, une fois le financement de ses compétences
établi, il peut reverser aux communes membres une dotation de
solidarité communautaire en prenant en compte des critères
objectifs tels que leurs populations et leurs potentiels fiscaux.
En janvier 201499, la carte de
l'intercommunalité a été modifiée une nouvelle
fois, avec l'élargissement des métropoles. Ainsi, l'article
L5217-1 du Code général des collectivités territoriales
fixe leur procédure de création. Les EPCI à
fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants ont
été transformés en métropoles au 1er
janvier 2015. Les autres sont formées selon une démarche
volontaire, pour les EPCI à fiscalité propre de plus de 250 000
habitants. En ce qui concerne leurs finances, elles sont soumises aux
dispositions applicables aux communes, et profitent d'une part de la DGF.
Sur le même modèle, certains départements
souhaitent également fusionner.
97 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réforme des collectivités territoriales
98 Loi n° 2013-569 du 1er juillet 2013 habilitant
le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour
accélérer les projets de construction
99 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de
modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des
métropoles
43
C'est le cas des départements des Yvelines, et des
Hauts-de-Seine, qui ont déposé une requête en ce sens
depuis 2016. Pour eux, l'avantage principal d'une telle fusion repose sur le
bassin d'emplois qu'ils constituent. Par ailleurs, et comme cela a
été expliqué, ils partagent certains de leurs services
publics, dont la gestion de voirie, ou encore la gestion des collèges,
par le biais d'un « établissement public
interdépartemental »100. En janvier 2019, les deux
départements affirmaient déjà que cette démarche
leur avait permis une économie annuelle de 10% équivalent
à quatre millions d'euros.
De même, les départements du Haut-Rhin et du
Bas-Rhin devront fusionner à l'horizon 2021 afin de créer un
département unique : la communauté européenne d'Alsace.
Enfin, la loi du 16 janvier 2015101 a
fusionné les régions de France. Or, si l'objectif initial
était une amélioration des finances locales, et une diminution de
la dépense publique locale, en janvier 2019, la Cour des comptes
dévoilait une hausse des dépenses indemnitaires de près de
12% entre 2017 et 2018 dans les régions fusionnées102.
Elle relève ainsi que « les regroupements de régions ont
occasionné des dépenses supplémentaires liées
à la rémunération des personnels ou aux indemnités
des élus, dont les régimes ont été alignés
sur les dispositions les plus favorables parmi celles des anciennes
régions », et préconise des politiques volontaristes de
réduction des effectifs.
Ainsi, en 2020, la France compte mille deux cents
cinquante-quatre EPCI dont vingt-et-une métropoles, quatorze
communautés urbaines, deux cent vingt-deux communautés
d'agglomération, et neuf cent quatre-vingt-dix-sept communautés
de communes103.
Si le mouvement de coopération institutionnelle a
été conforté par le juge administratif, celui-ci a retenu
une approche plus prudente en matière de coopération de projets,
souvent assimilée à une délégation de
compétences entre collectivités territoriales (B).
B. Une coopération de projets à
renforcer
Le Code général des collectivités
territoriales prévoit nombre d'outils permettant la mutualisation des
moyens de ses sujets, ainsi que la coordination de leur action en vue de
l'élaboration de leurs projets. Ainsi, et en reprenant l'article 67 de
la loi du 16 décembre 2010, l'article L5211-39-1 dispose que les EPCI
peuvent établir un schéma de mutualisation à destination
des communes membres.
Ce schéma s'insère directement dans le budget
des collectivités puisque le législateur précise que
« chaque année, lors du débat d'orientation
budgétaire ou, à défaut, lors du vote du budget,
l'avancement du schéma de mutualisation fait l'objet d'une communication
du président de l'établissement public de coopération
intercommunale à fiscalité propre à son organe
délibérant. »104
100 Matthieu QUIRET, « La fusion entre les Yvelines et les
Hauts-de-Seine fait son chemin », Les Echos, 2019
101 Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la
délimitation des régions, aux élections régionales
et départementales et modifiant le calendrier électoral
102 Cour des comptes, « Les finances publiques locales 2019,
Fascicule 1 », Rapport sur la situation financière et la gestion
des collectivités territoriales et de leurs établissements
publics, 24 juin 2019, p. 77
103 Voir Annexe 1, Carte de DGCL - DESL, janvier 2020
104 Article L5211-39-1 du CGCT
44
Si le Code ne la définit pas, les parlementaires
retiennent que la mutualisation est « la mise en place, temporaire ou
pérenne, de moyens communs à deux ou plusieurs personnes morales
»105. Dès lors, elle peut être
conventionnelle ou passer par la création d'un mécanisme de
coopération.
Pour les collectivités qui souhaitent une solution
durable, il est possible d'user du mécanisme de délégation
de compétences. Celui-ci se fonde sur les articles L1111-8 et R1111-1 du
CGCT. Le premier dispose qu'une collectivité peut déléguer
à un EPCI à fiscalité propre, ou à une
collectivité relevant d'une autre catégorie, une
compétence dont elle est attributaire.
En ce sens, la délégation n'est pas possible
entre deux communes, ou entre deux départements, mais elle l'est entre
deux collectivités de catégories différentes.
C'est une délégation et non un transfert de
compétence : cela implique que le délégataire l'exercera
au nom et pour le compte du délégant, pour une durée
déterminée, et par convention. La délégation doit
être totale. Néanmoins, la convention peut prévoir un suivi
et un contrôle de l'autorité délégante sur
l'autorité délégataire. Elle peut aussi envisager les
moyens de fonctionnement, et le cadre financier de la
délégation.
Par exemple, un département peut déléguer
sa compétence de transport à une communauté
d'agglomération pour organiser une ligne de transport scolaire entre la
communauté et une commune extérieure.
Pour le Conseil constitutionnel, ce système n'est pas
contraire au principe d'interdiction de tutelle d'une collectivité sur
une autre parce que la délégation est soumise à l'accord
préalable de la collectivité
délégataire106.
Cependant, se pose tout de même la question de la notion
de « compétences propres », dont l'exercice serait
soumis à l'attribut d'une certaine catégorie de
collectivités. Le Conseil constitutionnel a dégagé cette
notion dans une décision relative au statut de la collectivité
territoriale de Corse qui ne doit pas méconnaitre « les
compétences propres des communes et des départements »
afin d'éviter toute tutelle107.
Outre cette limite, il semble que les collectivités
disposent de plus en plus de moyens pour mettre en oeuvre leur
coopération, en passant par une mutualisation de leurs services, et de
leurs compétences.
Par exemple, les régions se doivent d'établir,
depuis le 1er janvier 2017, des schémas régionaux de
développement économique, d'innovation et d'internationalisation,
comme cadre de référence pour l'action économique en
matière d'aides aux entreprises, de soutien à
l'internationalisation, et d'aides à l'investissement immobilier et
à l'innovation des entreprises. Il est élaboré
conjointement par la région, les métropoles, ou encore les EPCI
à fiscalité propre.
Pour aller plus loin, cette coopération peut même
être décentralisée, en ce que des collectivités
françaises peuvent mener des actions de développement à
l'étranger avec des collectivités locales partenaires.
105 Alain LAMBERT, Yves DÉTRAIGNE, Jacques MÉZARD
et Bruno SIDO, Rapport d'information n° 495 (2009-2010) fait au nom de la
délégation aux collectivités territoriales et à la
décentralisation sur la mutualisation des moyens des
collectivités territoriales
106 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-490 DC
du 12 février 2004, considérant 64
107 Conseil constitutionnel, décision n° 91-290 DC du
9 mai 1991 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2001-454 DC, Loi
relative à la Corse, 17 janvier 2002
45
Si tout est mis en oeuvre pour éviter qu'une
collectivité territoriale ne prenne l'ascendant sur une autre, il est
également important de supprimer le lien de subordination qui
caractérise les relations financières entre l'Etat et les
collectivités territoriales (Section 2).
46
Section 2 : Une tentative de suppression du lien de
subordination caractérisant les relations financières entre
l'Etat et les collectivités territoriales
L'Etat impose aux collectivités territoriales
l'exercice de certaines compétences. En effet, les décisions de
décentralisation sont entre ses mains. En ce sens, il se doit de mieux
prendre en compte leurs conséquences sur les collectivités
territoriales, et notamment leurs budgets, à travers leurs
dépenses (I).
En parallèle, les collectivités territoriales
réclament un droit à la différenciation qui semble
être appréhendé par l'Etat. Dès lors, il exerce une
action favorable à la reconnaissance d'un droit à la
différenciation pour les collectivités territoriales (II).
I. Un accompagnement nécessaire des
collectivités par l'Etat pour donner suite à la
décentralisation
Le lien existant entre l'Etat et les collectivités
territoriales est un lien de subordination. Cela s'explique d'abord par le fait
que les politiques sont avant tout nationales. Aussi, quand l'Etat
décide d'un acte de décentralisation, il porte avec lui certaines
exigences liées à des problématiques qui ne sont parfois
pas perçues de la même manière par les collectivités
territoriales. Dès lors, il faut renforcer leur communicabilité
(A). En parallèle, l'Etat doit s'effacer pour laisser aux
collectivités territoriales la possibilité d'agir selon
l'étendue de leurs compétences. En effet, pour l'heure, il garde
un rôle de chef-de-file, qu'il serait préférable
d'abandonner (B).
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