1.2.2.2 Effectivité du droit d'accès
à un avocat à travers la proposition de directive relative
à l'aide juridictionnelle provisoire et la recommandation relative
à l'aide juridictionnelle
Le droit à l'aide juridictionnelle est abordé
par la Commission européenne à travers une proposition de
directive relative à l'aide juridictionnelle provisoire31
ainsi qu'une recommandation sur l'aide juridictionnelle dans toutes les
procédures pénales accordées aux personnes
soupçonnées ou poursuivies dans la cadre d'une procédure
pénale.
Ces dernières ont pour objectif de rendre plus effectif
et concret le droit d'accès à un avocat tel que consacré
par la directive 2013/48/UE et, plus généralement, le droit au
procès équitable qui est l'une des bases fondamentales des
différents systèmes judiciaires européens. Je ne peux que
saluer cette initiative européenne en matière
d'effectivité du droit d'accès à un avocat pour les
personnes indigentes.
1.2.2.2.1 La proposition de directive sur l'aide
juridictionnelle provisoire
L'aide juridictionnelle provisoire peut être
définie comme l'aide juridictionnelle accordée à une
personne privée de liberté32 jusqu'à l'adoption
d'une décision définitive sur l'octroi de l'aide
juridictionnelle33.
La proposition de directive34 souhaiterait imposer
aux Etats membres l'établissement de divers mécanismes afin de
garantir aux personnes privées de liberté, un aide
juridictionnelle de qualité et un accès rapide à un avocat
dès leur arrestation35.
privées de liberté de communiquer avec des tiers
et avec les autorités consulaires, J.O.U.E., L 294 du 6
novembre 2013, p. 1-12.
30 « Les Etats membres doivent veiller à ce que
les suspects et les personnes poursuivies disposent du droit d'accès
à un avocat dans un délai et selon les modalités
permettant aux personnes concernées d'exercer les droits de la
défense de manière concrète et effective » in
Directive 2013/48 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 22
octobre 2013 relative au droit d'accès à un avocat dans le cadre
de procédures pénales et les procédures relatives au
mandat d'arrêt européen, au droit d'informer un tiers dès
la privation de liberté, au droit des personnes privées de
liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités
consulaires, art. 3, J.O.U.E., L 294 du 6 novembre 2013, p. 1-12
31 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
COM/2013/0409.
32 Les suspects et les personnes accusées
privées de liberté ; Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§1, a), COM/2013/0409.
33 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 3, b), COM/2013/0409 ; L'aide juridictionnelle devant être
définie à son tour comme étant le concours financier et
l'assistance fournis par les Etats membres en vue d'assurer l'exercice effectif
du droit d'accès à l'avocat.
15
En raison du caractère provisoire de cette aide, les
Etats membres auraient la possibilité de réclamer son
remboursement si les personnes qui en ont bénéficié ne
remplissent pas les critères d'admission en vertu du droit
national36.
En ce qui concerne le mandat d'arrêt européen,
l'Etat membre d'exécution et l'Etat membre d'émission pourraient
soumettre l'attribution de l'aide juridictionnelle provisoire à une
évaluation des ressources de la personne concernée et/ou en
fonction de l'intérêt de la justice eu égard aux
critères d'admissibilité qui sont appliqués dans l'Etat
membre en question37.
1.2.2.2.2 La recommandation sur l'aide
juridictionnelle
Cette recommandation38 concerne l'aide
juridictionnelle39 de manière générale. Ainsi,
les personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre d'une
procédure pénale et les personnes faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt européen devraient bénéficier, lorsqu'elles
sont nécessiteuses, de l'aide juridictionnelle dès qu'elles sont
poursuivies ou considérées comme suspectes et ce, jusqu'à
la fin de la procédure pénale. Cela est nécessaire
à l'intérêt de la justice afin de garantir
l'effectivité de la directive 2013/48/UE40 et du droit
à un procès équitable41.
34 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
COM/2013/0409.
35 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§2, COM/2013/0409.
36 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 4§5, COM/2013/0409 ; «Droit pénal, garanties
procédurales, aide juridictionnelle provisoire», Obs.
Bxl., 2014/1, n°95, p. 64.
37 Proposition de directive du Parlement
européen et du Conseil du 27 novembre 2013 concernant l'aide
juridictionnelle provisoire pour les suspects et les personnes poursuivies
privés de liberté, ainsi que l'aide juridictionnelle dans le
cadre des procédures relatives au mandat d'arrêt européen,
art. 5§3, COM/2013/0409 ; X., «Droit pénal, garanties
procédurales, aide juridictionnelle provisoire», Obs.
Bxl., 2014/1, n°95, p. 64.
38 Bien que n'étant pas un acte juridique
contraignant pour les Etats membres de l'Union européenne, la
recommandation jouit toutefois d'une force politique considérable.
39 L'aide juridictionnelle est définie comme
étant le concours financier et l'assistance fournis par les Etats
membres en vue d'assurer l'exercice effectif du droit d'accès à
l'avocat ; Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil
du 27 novembre 2013 concernant l'aide juridictionnelle provisoire pour les
suspects et les personnes poursuivies privés de liberté, ainsi
que l'aide juridictionnelle dans le cadre des procédures relatives au
mandat d'arrêt européen, art. 3, a), COM/2013/0409 ;
Recommandation de la Commission du 27 novembre 2013 relative au droit à
l'aide juridictionnelle accordé aux personnes soupçonnées
ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales, cons. 6,
2013/C 378/03.
40 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, cons. 1, 2013/C 378/03.
41 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 3, 2013/C 378/03.
16
La recommandation fixe les critères minimums que les
Etats membres devraient adopter pour déterminer si la personne a droit
à l'aide juridictionnelle42. Ces critères, issus de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, se basent sur
les ressources43 de la personne concernée et sur la
nécessité de cette aide par rapport aux intérêts de
la justice44.
A cet égard, je pense que seul le critère des
ressources devrait être appliqué car quel que soit la raison pour
laquelle la personne indigente se retrouve devant les tribunaux, elle doit
pouvoir bénéficier de cette aide.
Si l'appréciation du droit à l'aide
juridictionnelle venait à se fonder sur le critère « des
ressources », la recommandation énonce que « la situation
économique du demandeur devrait s'appuyer sur des facteurs objectifs
tels que le revenu, le capital, la situation familiale, le niveau de vie et le
coût d'un avocat de la défense45».
Concernant les personnes faisant l'objet d'un mandat
d'arrêt européen, toutes les circonstances pertinentes doivent
être prises en compte afin de déterminer si ces personnes
disposent ou non de ressources financières suffisantes46 sans
qu'elles n'aient à prouver au-delà du doute raisonnable qu'elles
ne disposent pas desdites ressources pour couvrir les coûts de la
défense et de la procédure47.
Il est dommage que seules les personnes faisant l'objet d'un
mandat d'arrêt européen n'aient pas à prouver
au-delà du doute raisonnable qu'elles ne disposent pas de ressources
suffisantes. En effet, que l'on soit arrêté dans le cadre d'un
mandat d'arrêt européen ou non la situation est la même, la
personne n'a pas d'argent pour se défendre.
Ensuite, dans l'hypothèse où l'aide
juridictionnelle serait octroyée sur base de l'intérêt de
la justice, il faudrait l'apprécier « au regard de la
complexité de l'affaire, de la situation sociale et personnelle de la
personne soupçonnée, poursuivie ou dont la remise est
demandée, de la gravité de l'infraction et de la
sévérité de l'éventuelle sanction
encourue48».
42 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 4, 2013/C 378/03.
43 Critère des ressources.
44Critère du bien fondé ;
Recommandation de la Commission du 27 novembre 2013 relative au droit à
l'aide juridictionnelle accordé aux personnes soupçonnées
ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales, rec. 4,
2013/C 378/03.
45 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 6, 2013/C 378/03.
46 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 8, 2013/C 378/03.
47 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 10, 2013/C 378/03.
48 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 11, 2013/C 378/03.
17
Dès lors, une personne qui a commis une infraction
moins grave a-t-elle moins le droit à cette aide ? C'est, entre autre,
pour cette raison que j'estime que le critère du bien fondé est
critiquable.
D'après la recommandation, l'octroi de l'aide
juridictionnelle sera toujours considéré comme étant dans
l'intérêt de la justice si la personne soupçonnée ou
poursuivie risque d'encourir une peine d'emprisonnement49, peu
importe la gravité des faits. Ce dernier point permet de me rassurer par
rapport à ce critère. En effet, je pense que seule la situation
sociale et personnelle de la personne soupçonnée devrait
être prise en considération dans l'hypothèse où l'on
se fonderait sur le critère de l'intérêt de la
justice50.
En ce qui concerne l'application du critère du
bien-fondé, les coûts de cette aide pourraient être
réclamés en cas de condamnation définitive si la personne
qui en a bénéficié dispose des ressources
suffisantes51 au moment du recouvrement52. La
recommandation différencie encore ces deux critères alors que le
but premier de l'aide juridictionnelle est d'aider des personnes indigentes au
moment de leur passage devant les cours et tribunaux.
Pour terminer, afin de renforcer l'effectivité et la
qualité de l'aide juridictionnelle, les Etats membres devraient assurer
la qualité des avocats à travers un système
d'accréditation53 et une formation
spécifique54.
Toute personne a le droit d'être défendue
correctement quel que soit son état de fortune. Il s'agit là d'un
espoir de la part de l'Union européenne car dans les faits, l'on verra
que l'aide juridictionnelle est bien souvent dispensée par des avocats
fraichement diplômés. Convaincue de leur motivation et de l'envie
d'aider les plus nécessiteux, je pense néanmoins que dans
certaines matières, il faut pouvoir recourir à des personnes plus
expérimentées. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'un demandeur
d'asile qui est impliqué dans une affaire pénale.
Concernant l'avocat qui s'occupera de la défense, il
convient de souligner que les préférences et les choix de la
personne suspectée ou recherchée devraient être pris en
compte au moment de la désignation de l'avocat55.
49 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 12, 2013/C 378/03.
50 Par exemple, une personne ayant les moyens
financiers sur son compte mais avec une très grande famille à
nourrir.
51 Critère des ressources.
52 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 13, 2013/C 378/03.
53 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 19, 2013/C 378/03.
54 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 21 et 23, 2013/C 378/03.
55 Recommandation de la Commission du 27 novembre
2013 relative au droit à l'aide juridictionnelle accordé aux
personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de
procédures pénales, rec. 25, 2013/C 378/03.
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