2.1.2.2 Intervention du CPAS
2.1.2.2.1 Le droit à l'intégration
sociale
Le droit à l'intégration sociale sous la forme
d'un emploi ou d'un revenu d'intégration (ci-après RI) est un
droit pour tous141. Les allocations de sécurité
sociale étant suspendues totalement ou partiellement lors de la
détention, les détenus n'ayant pas de famille, n'ayant pas
accès au travail pénitentiaire142, peuvent rapidement
se retrouver dans une situation difficile. Quel est le statut du RI à
leur égard ?
2.1.2.2.1.1 Principe généraux de
l'intégration sociale143
Le demandeur doit remplir plusieurs conditions afin de
bénéficier du droit à l'intégration sociale
à savoir :
- avoir sa résidence principale en
Belgique144 ;
- avoir soit la nationalité belge soit être un
étranger inscrit au registre de population soit être un
réfugié reconnu ou un apatride soit bénéficier d'un
droit de séjour de plus de trois mois145 ;
138 T. trav. Namur, 26 novembre 2004, R.G.,
n°6738/2000 ; C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217.
139 Voy infra.
140 Règle de continuité : En ce qui concerne les
détenus admis successivement et sans interruption dans plusieurs
établissements pénitentiaires, si l'on applique la règle
de principe concernant les détenus, le CPAS compétent lors de
l'incarcération demeure compétent même en cas de transfert
du détenu vers une autre prison et ce, de manière à ce
qu'il ne doive pas réaliser une deuxième demande d'aide sociale.
Cependant, une enquête sociale sera tout de même
réalisée afin de déterminer si le détenu est
toujours dans un état de besoin dans le nouvel établissement
pénitentiaire. Par contre, si c'est la règle d'exception qui
s'applique, le CPAS compétent sera celui du nouveau lieu de
détention. Lorsqu'il y a une interruption entre le séjour dans
deux établissements pénitentiaires différents, le CPAS
compétent pour accorder l'aide sociale sera celui de la commune
où la personne qui a besoin d`assistance est habituellement
présente au moment de son admission, qui suit l'interruption, dans le
second établissement précité ; VAN DER PLANCKE, V., VAN
LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex)-détenus
et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 366-369.
141 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 2, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
142 Ou pas de revenu suffisant issu de ce travail pour faire
face aux diverses dépenses ou pas de possibilité d'exercer ce
type de travail en raison d'un handicap ou d'une interdiction.
143 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 3, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610
pour plus de précisions.
144 Résider habituellement et en permanence sur le
territoire belge.
33
- être majeur ou mineur émancipé par le
mariage'46 ;
- ne pas disposer de ressources suffisantes, ni pouvoir y
prétendre ni être en mesure de se les procurer soit par des
efforts personnels soit par d'autres moyens'47 ;
- être disposé à travailler'48
;
- faire valoir ses droits aux aliments ainsi que ses droits aux
allocations sociales dont il peut bénéficier en vertu du droit
belge ou étranger.
En ce qui concerne les bénéficiaires de moins de 25
ans, ceux-ci ont droit à l'intégration sociale par un emploi
adapté à leurs capacités et à leur situation
personnelle'49.
Le revenu d'intégration est un montant forfaitaire que
l'on fixe par rapport à la situation personnelle et familiale du
bénéficiaire'50. De plus, il existe une aide
spécifique octroyée'5' par le CPAS pour les personnes
redevables d'une pension alimentaire'52.
2.1.2.2.1.2 Maintien du droit à
l'intégration sociale mais suspension du paiement du revenu
d'intégration
En ce qui concerne détenu, le droit à
l'intégration sociale n'est pas supprimé mais le paiement de
celui-ci est suspendu. Ceci est justifié, à tort selon moi, par
le fait que les détenus intra et extra
muros153 seraient entièrement à charge du SPF
Justice'54.
Cette suspension vaut pendant toute la période de
détention pour les personnes détenues en exécution d'une
décision judiciaire et qui sont inscrites au rôle de
l'établissement pénitentiaire.
2.1.2.2.1.2.1 Quid des différentes modalités
d'exécution de la peine ?
Certaines peines s'exécutent en tout ou en partie à
l'extérieur de la prison. L'objectif étant de diminuer les
coûts et de favoriser la réinsertion sociale.
En ce qui concerne l'interruption de peine, il s'agit d'une
véritable interruption et non d'une modalité d'exécution
de la peine ce qui a pour conséquence que la peine du détenu
ne
145 En tant que citoyen de l'Union européenne ou en
tant que membre de sa famille qui l'accompagne ou le rejoint (voy L. du 15
décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour,
l'établissement, et l'éloignement des étrangers, M.B.,
31 décembre 1980, p.14584)
146 Les mineur(e)s qui ont un ou plusieurs enfants à
charge ainsi que les mineures enceintes peuvent aussi prétendre au droit
à l'intégration sociale.
147 Cela sera établi via une enquête sociale
effectuée par le CPAS compétent. Toutes les ressources seront
prises en considération ; L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 19, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
148 À moins que des raisons de santé ou
d'équité ne l'en empêchent.
149 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 6-11, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
150 Personne cohabitante, isolée ou avec famille à
charge.
151 Ne s'agissant pas formellement d'une majoration du RI.
152 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
153 Situation de semi-liberté, semi-détention ou
sous surveillance électronique.
154 Voy supra.
34
s'écoule pas et qu'il n'est plus inscrit au rôle
de la prison. Ainsi, il récupérera totalement son droit au
paiement du RI durant cette interruption.
2.1.2.2.1.2.1.1 Le statut des personnes en semi-liberté
ou semi-détention ainsi que celle bénéficiant d'un
bracelet électronique
Quant aux personnes en semi-liberté ou en
semi-détention ainsi que celles bénéficiant d'un bracelet
électronique'55, elles ne peuvent pas non plus obtenir le
paiement du revenu d'intégration car, selon la circulaire
ministérielle du 6 septembre 2002, elles sont toujours inscrites au
rôle de la prison. Ceci est critiquable car premièrement, la loi
sur le revenu d'intégration suspend seulement ce paiement pour les
personnes détenues en prison'56 et deuxièmement, les
difficultés rencontrées par les détenus extra muros
à la suite à la suspension du revenu d'intégration ne
sont plus à démontrer'57.
Toutefois, un détenu bénéficiant d'une
modalité d'exécution de la peine en dehors de la prison
(extra muros) pourra solliciter que son droit à
l'intégration sociale se concrétise par une offre d'emploi.
Cependant, si cela n'est pas possible, le droit à l'intégration
sociale ne pourra donner lieu au paiement d'un revenu d'intégration.
Il faudrait alors prévoir la possibilité de
maintenir une quote-part forfaitaire du RI au bénéfice du
détenu afin que celui-ci ne se retrouve pas dans une situation de totale
précarité lorsqu'il purgera sa peine
extra-muros'58. Cette solution éviterait un recours
nécessaire vers les CPAS afin de pouvoir survivre en dehors de la
prison.
2.1.2.2.1.2.1.2 Libération conditionnelle et provisoire
En revanche, et même si la circulaire du 6 septembre
2002 prévoit bizarrement le contraire'59, si le détenu
est en libéré provisoirement ou sous conditions'60, le
paiement du revenu d'intégration est rétablit'6'. Cela
se justifie par le fait que la personne en libération provisoire ou
conditionnelle ne remplit plus les conditions de suspension du paiement du
revenu d'intégration car elle n'est plus inscrite au rôle de la
prison. De plus, la simple utilisation du vocable « libération
» rendrait la suspension du paiement du revenu d'intégration mal
aisé.
155 Le dispositif extra muros est
considéré comme une modalité d'exécution de la
peine et non comme une peine autonome. Non-incarcérée dans les
fait, cette personne est considérée comme subissant sa peine
privative de liberté en dehors.
156 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 23§3, M.B., 31 juillet 2002,
p. 33610.
157 Cependant, les personnes sous surveillance
électronique retrouvent leurs droits quant aux revenus de remplacement
ou allocations, encoure mais faut-il qu'ils en aient.
158 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.
159 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 375.
160 Ne sont plus considérés comme subissant une
peine privative de liberté.
161 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à
l'intégration sociale, art. 39, M.B., 31 juillet 2002, p.
33610.
35
2.1.2.2.1.2.2 Impact sur la Famille
Le détenu ayant une famille voit aussi le paiement de
son RI suspendu. Le fait d'avoir une famille à sa charge ne fait donc
pas exception. La seule solution est que son partenaire (conjoint) fasse valoir
à son tour ses droits au RI162. La détention d'un chef
de famille a pour conséquence qu'il faudra à nouveau faire les
démarches relatives au RI. Ces démarches seront d'autant plus
difficiles à réaliser et à vivre lorsqu'un proche se
trouve en prison.
L'aide spécifique octroyée par le CPAS à
la personne détenue redevable d'une pension alimentaire est maintenue.
Seul le paiement du revenu d'intégration est suspendu163.
Toutefois, l'une des conditions d'octroi de cette aide est le
paiement intégral de la pension alimentaire par le
débiteur164. Il est dès lors fort probable que le
débiteur en détention ne puisse satisfaire cette
condition165. Il faudrait donc que pour les détenus, cette
aide spécifique soit plutôt conditionnée à une
contribution selon ses capacités financières et non au paiement
intégral de la pension alimentaire166.
2.1.2.2.1.3 Incidence du nouveau statut juridique
externe des personnes condamnées et internées sur la suspension
du paiement du revenu d'intégration
La loi du 17 mai 2006 relative au statut externe des personnes
condamnées à une peine privative de liberté a notamment
pour objectif une meilleure prise en compte des peines alternatives extra
muros.
2.1.2.2.1.3.1 Focus sur les détenus sous surveillance
électronique
Pour rappel, ces personnes ne peuvent bénéficier
du paiement du revenu d'intégration car elles sont
considérées comme exerçant un peine privative de
liberté bien qu'à l'extérieur de la prison. Il a
été nécessaire de prévoir une solution pour ces
personnes afin d`éviter toute discrimination sociale. Les personnes
indigentes ne devraient pas se voir refuser la surveillance électronique
au motif qu'elles n'ont pas les moyens financiers d'assurer les divers
coûts que cela engendre.
162 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 376.
163 VERSAILLES, P., « Aide sociale/Droit à
l'intégration sociale », in sécurité
sociale: commentaires - partie III, Livre I, titre III et IV, coll. Guide
social permanent, R1620 ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 377.
164 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
165 Pour des raisons déjà invoquées:
Pénurie de travail pénitentiaire ou faible revenu
généré par celui-ci, suspension des allocations de
sécurité sociale etc.
166 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.
36
Ainsi, le 16 octobre 2002, le conseil des ministres à
décider de leur octroyer une aide spécifique par le SPF Justice
sous la forme d'une allocation journalière complète
appelée « allocation d'entretien167».
A cette époque, pour le détenu isolé,
cette indemnité s'élevait à 522 euros par mois. Il faut
toutefois relever que ce montant était inférieur au RI de
l'époque (625 euros) et qui était considéré comme
le seuil minimum pour vivre conformément à la dignité
humaine. Il était dès lors impossible pour le détenu de
faire face à ses frais fixes tels que la connexion
téléphonique et le loyer168. Par conséquent, on
reconnaît indirectement que le détenu indigent sous surveillance
électronique ne vit pas dans des conditions conformes à la
dignité humaine. Ceci impliquerait un recours nécessaire
auprès des CPAS afin d'obtenir un complément.
Cette situation risquait de créer un endettement quasi
certain du détenu sous surveillance électronique et
n'était, par conséquent, pas favorable à sa
réinsertion dans la société169. De plus, cela
allait entrainer une augmentation des sollicitations par les détenus
auprès des CPAS afin d'obtenir une aide sociale financière en
complément, ce qui n'était pas prévu et donc pas
budgétisé170. Encore une fois, ce sont les CPAS qui
doivent assumer les carences de l'Etat belge en ce qui concerne la politique de
gestion des prisons et des peines alternatives.
A la suite de nombreuses critiques, c'est seulement en 2007
que le SPF Justice a augmenté cette allocation d'entretien de
manière à fournir aux détenus les moyens suffisants pour
mener une vie conforme à la dignité humaine et à ne pas
créer de discrimination entre les détenus extra-muros et
les citoyens libres percevant le RI171. Toutefois, cette allocation
reste insuffisante en raison des frais spécifiques relatif à la
surveillance électronique.
Le système mis en place et la faible allocation
accordée permettent, encore une fois, de démontrer que les
personnes détenues ne sont pas prises en compte dans notre
société et que la réinsertion sociale n'y est pas une
question primordiale.
2.1.2.2.1.3.2 Quid des autres modalités
d'exécution de la peine ?
La loi relative au statut juridique externe des détenus
a permis une meilleure prise en considération de la situation du
détenu sous surveillance électronique mais qu'en est-il des
autres modalités d'exécution de la peine ? Cette question n'a
été abordée que
167 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.
168 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.
169 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 381.
170 Une vie conforme à la dignité humaine pour
chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en
ligne.
171 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 382.
37
superficiellement par les parlementaires ; ceux-ci ne
s'intéressant qu'à la situation des personnes sous surveillance
électronique.
Heureusement, certains juges, soucieux des conditions de vie
des personnes bénéficiant d'une modalité
d'exécution de la peine autre que la surveillance
électronique'72, ont condamné, à plusieurs
reprises, les CPAS à leur verser une aide sociale équivalente au
RI tout en confirmant la suspension du RI pour les personnes
bénéficiant d'un régime de semi-liberté. Ce type de
décision, contra-legem, met en lumière les
difficultés rencontrées par ces personnes qui ne sont pas prises
en charge par le SPF Justice parce qu'ils ne sont plus inscrit au rôle de
la prison.
La solution la plus simple serait de lever la suspension du
paiement du RI pour le détenu sous surveillance électronique, en
semi-détention ou en semi-liberté. Dans cette hypothèse,
il est nécessaire de prévoir un transfert entre le budget du SPF
Justice et celui du CPAS afin que ce dernier ne subisse pas encore le poids des
erreurs politiques commises au niveau fédéral.
En attendant, à défaut de droit au revenu
d'intégration (ou à son paiement durant la détention) ou
à toute autre allocation équivalente, le détenu pourra
toujours essayer de demander une aide sociale.
2.1.2.2.2 Aide sociale au sens strict 2.1.2.2.2.1
Principes généraux
Conformément à l'article 1er de la
loi relative aux CPAS, le droit à l'aide sociale est ouvert à
toute personne, quel que soit sa situation. L'objectif est de permettre
à tout être humain de vivre conformément à la
dignité humaine'73.
Concernant les personnes détenues, bien que des textes
légaux prévoient expressément la suspension du paiement du
revenu d'intégration en cas de détention'74, la loi
sur les CPAS ne prévoit aucune suspension concernant le droit à
l'aide sociale car celui constitue le dernier filet protecteur de la vie
conforme à la dignité humaine.
2.1.2.2.2.2 Etat de besoin du détenu
La prise en charge du détenu par la prison ou
l'attribution d'une allocation d'entretien par le SPF Justice ne crée
pas une présomption d'absence d'état de besoin du
détenu.
En effet, le détenu est logé, nourri et blanchi
par l'administration pénitentiaire mais il existe d'autres
dépenses nécessaires qui ne sont pas prises en compte par les
prisons. De plus, il
172 Semi-détention ou semi-liberté.
173 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217.
174 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.
38
n'est plus à démontrer que les prisons ne
remplissent pas leur obligation en ce qui concerne la fourniture de biens de
première nécessité et d'hygiène175.
Afin d'améliorer ses conditions de vie en
détention, le détenu a la possibilité de s'offrir certains
services dits de « cantine »176. Par exemple, une carte de
GSM pour communiquer avec l'extérieur, une radio ou une
télévision, des jeux de sociétés ainsi que des
produits d'hygiène.
Les produits d'hygiène sont, en principe177,
pris en charge par les établissements pénitentiaires avec la
possibilité pour les détenus de se procurer d'autres produits
à la cantine. Cependant, dans bien des cas, le « kit hygiène
» ainsi que d'autres produits ne leur sont pas fournis178.
Dès lors, les détenus devront acheter eux-mêmes ces biens
de première nécessité à la cantine de la prison.
Au sein de certaines prisons, il existe une caisse d'aide aux
détenus financée par les bénéfices de la
cantine179. Elle a notamment pour objectif de soutenir les plus
nécessiteux dans l'achat de biens que ce soit pour améliorer leur
quotidien ou simplement avoir accès aux produits
élémentaires qu'ils ne reçoivent pas en raison d'une
carence des établissements pénitentiaires.
Cependant, bien que certaines règles soient
établies par circulaire180, les critères pour
être considéré comme indigent ou nécessiteux varient
très fortement en fonction des prisons. De plus, les montants
octroyés sont loin d'être exceptionnels.
En outre, il est important de souligner que l'aide issue de la
caisse d'aide aux détenus doit, en principe, être
remboursée par le détenu lorsqu'il pourra prétendre
à un revenu. Dans les faits, récupération sur cette base
est toutefois très peu probable181.
Afin d'augmenter leur chance de récupérer les
sommes avancées aux détenus nécessiteux, certaines prisons
conditionnent l'octroi de cette aide à l'introduction d'une demande
d'aide sociale au CPAS compétent ainsi qu'à un engagement de
remboursement de la caisse dans l'hypothèse où le détenu
obtiendrait l'aide sociale182. Si le détenu venait à
bénéficier d'une aide sociale de la part du CPAS, les prisons
récupéreraient alors les avances précédemment
octroyées.
175 C.E.D.H., 25 novembre 2014, aff. Vasilescu c.
Belgique, n°64681/12.
176 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre
2013, R.G., n°2012/AN/217 ; NEVE, M., Le guide du
prisonnier, Bruxelles, Labor, 2002, p. 95 ; L. du 12 janvier 2005
concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique
des détenus, art. 47, M.B., 1er février 2005,
p. 2815.
177 Cir. min. n°1507 du 29 octobre 1986.
178 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
179 Circ. 1620/VIII du 23 décembre 1993.
180 Q.E. n°5-2131 de M. BERT ANCIAUX du 20/04/2011 ; Q.R.,
Sénat, 2010-2011, 18.10.2011, en ligne.
181 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.),
17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; Pénurie de
travail depuis de nombreuses années.
182 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
39
L'Etat Belge et la jurisprudence183 voient cette
pratique comme une dérive malsaine et rejettent ce système mis en
place par certaines prisons. En conséquence, l'aide octroyée par
le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire, afin de couvrir
les besoins vitaux du détenu qui ne sont pas couverts par l'avance
mensuelle que la caisse de solidarité octroie au
détenu184.
2.1.2.2.2.3 Demande auprès du CPAS
La jurisprudence, trop restrictive, considère à
tort selon moi que le service185 accordé par le SPF Justice
doit suffire pour vivre conformément à la dignité
humaine186. Or, certains biens et services minimums ne sont pas
fournis ou assurés.
La jurisprudence rappelle que les missions des CPAS et du SPF
Justice ne sont pas les mêmes car le SPF Justice a l'obligation d'assurer
des conditions de détentions conformes à la
dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH187. De ce
point de vue, la jurisprudence estime que le SPF Justice remplit sa mission
même si il n'assure pas tous les besoins d'un détenu.
En effet, parmi les conditions de détentions conformes
à la dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH figure le
droit de cantiner dans certaines limites. Ainsi, les prisons ont l'obligation
de fournir les produits d'hygiène188 nécessaires sans
que les détenus n'aient à se les procurer eux-mêmes. Pour
le reste, c'est à eux de se débrouiller.
Les CPAS, eux, ont pour mission d'offrir aux demandeurs d'aide
la possibilité de vivre dans des conditions conformes à
la dignité humaine. Ceci peut se traduire par l'octroi de moyens
financiers en plus de l'aide octroyée par la caisse de solidarité
des détenus189.
Depuis de nombreuses années, les demandes d'aide
sociale auprès des CPAS sont en constante augmentation. Ceci se justifie
même si une caisse d'aide aux détenus existe au sein de la prison
car l'argent de poche reçu de cette caisse ne permet pas au
détenu d'acheter beaucoup de chose à la cantine surtout s'il doit
lui-même financier ses produits d'hygiène.
Lorsqu'une demande est introduite auprès du CPAS, il
est procédé à une enquête sociale pour voir si le
montant alloué par le service social190 de la prison est
suffisant ou non pour vivre
183 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
184 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
185 Ou l'allocation d'entretien dans le cadre de la
détention sous surveillance électronique.
186 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 390 ; L. de principes du 12
janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le
statut juridique des détenus, art. 5§1, M.B., 1er
février 2005, p. 2815.
187 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17
septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.
188 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration
pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 42,
M.B., 1er février 2005, p. 2815.
189 C. trav. Liège sect. Liège, (5e
ch.), 2 décembre 2009 ; Pour rappel, il n'existe pas de caisse de
solidarité dans toutes les prisons.
190 Ou caisse des détenus ou caisse de
solidarité.
40
conformément à la dignité humaine. Si ce
n'est pas le cas, le juge condamnera le CPAS à prendre en charge le
complément nécessaire191.
Pour déterminer ce montant, il faudra garder à
l'esprit que la vie en prison est une vie très différente de ce
que l'on peut retrouver à l'extérieur. Ainsi, les besoins des
détenus peuvent être suffisamment rencontrés par un
dispositif collectif plutôt que privatif comme l'accès à la
télévision par exemple192. Toutefois, il a
été jugé, à juste titre selon moi, que
l'accès privatif à une télévision pour une personne
en chaise roulante était valable car il s'agissait du seul passe temps
cette personne dans l'univers carcéral193.
En outre, dans toutes les circonstances rencontrées, il
convient de prendre en considération le temps à vivre en prison
car les besoins d'un détenu en détention préventive sont
moindres que ceux d'un détenu de longue durée. En effet, pour ce
dernier l'établissement pénitentiaire devient un véritable
lieu de vie sans oublier que durant sa détention, la personne en
détention préventive doit assumer certains frais194 en
dehors de la prison.
Enfin, en cas de sorties autorisées, les besoins
rencontrés par le détenu sont plus importants de sorte que l'aide
accordée sous forme d'argent de poche doit être
majorée195.
L'aide pourra consister en une prise en charge d'honoraires de
médecin ou de psychologue, de remboursement de prothèse, de
lunettes, de frais de formations, de remboursement de l'aide aux victimes, de
produits de première nécessité, d'achat de journaux, de
cartes de téléphone, etc. Bien souvent cela se
concrétisera par une aide sous forme d'argent de poche allant de 50
à 100 euros par mois.
2.1.2.2.2.4 Critiques
Sur le principe, cette situation revient à faire peser
sur les CPAS le choix du législateur de suspendre les allocations de
sécurité sociale et de ne pas fournir aux détenus des
biens de première nécessité.
A partir du moment où il existe des détenus qui
n'ont pas les moyens de s'offrir des services pourtant dû par la prison,
on ne peut pas imposer aux CPAS d'en payer le prix car les
191 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.),
17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; On reconnaît le
caractère subsidiaire de l'aide sociale octroyée par le CPAS par
rapport à la caisse de solidarité.
192 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 394-397.
193 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 397.
194 Maintien du logement, des abonnements de
télévision, paiement de diverses assurances etc.
195 Trib. Trav. Mons, 7e ch., 12 mai 2005 ; VAN DER
PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des
(ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p.
392.
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dépenses non-réalisées196 par
l'Etat fédéral ont un impact trop lourd sur leur budget et leur
charge de travail197.
Un moyen d'éviter ce recours en constante augmentation
auprès des CPAS serait simplement de ne plus suspendre les allocations
de sécurité sociale198. Ainsi, le nombre de
détenus faisant appel au CPAS afin d'obtenir une aide sociale leur
permettant de vivre conformément à la dignité humaine
diminuerait et cela rendrait la vie des CPAS plus facile sur le plan
organisationnel et financier.
2.1.2.2.2.5 Caractère subsidiaire de l'aide
sociale
L'aide sociale est une aide subsidiaire qui ne sera
accordée au demandeur que s'il démontre qu'il n'est pas en mesure
de se procurer d'autres ressources soit par son travail ou ses biens, soit en
faisant valoir ses droits aux aliments ou aux autres prestations de
sécurité sociale.
Le Cabinet VANDE LANOTTE s'était étonné
des demandes d'aide sociale provenant des personnes détenues «
dans la mesure où, pour pouvoir bénéficier de ce
régime résiduaire, le détenu devrait prouver son
état de besoin ; or, pouvant travailler en prison, l'état de
besoin ne devrait en principe pas exister ».
Il suffit d'allumer la télévision ou la radio
pour comprendre que ce type de raisonnement est totalement à
côté de la réalité. En effet, il existe une
pénurie de travail en prison et ce depuis de nombreuses années.
La jurisprudence prévoit néanmoins que ce n'est que si un travail
pénitentiaire est proposé et qu'il est refusé par le
détenu que l'aide sociale sera refusée199.
De plus, préalablement à une demande d'aide
sociale auprès du CPAS, le détenu devra faire valoir ses droits
auprès de ses différents débiteurs
d'aliments200.
La fédération Wallonne201 des CPAS
précise que « le détenu doit, avant de s'adresser au
CPAS, introduire une demande auprès de la caisse des détenus
». Mais encore faut-il qu'une telle caisse existe au sein de
l'établissement pénitentiaire.
Je m'interroge : est-il légitime de considérer
que le CPAS n'interviendra que de façon subsidiaire par rapport à
la caisse des détenus ?
En 1995, la Cour du travail de Mons l'avait admis mais est
revenue sur sa position lors d'un arrêt rendu en 2005 où elle a
estimé que la caisse d'entraide de la prison doit être
assimilée à
196 La suspension des allocations de sécurité
sociale et les faibles prestations des prisons.
197 Une vie conforme à la dignité humaine pour
chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en
ligne.
198 Ou de les diminuer de manière à ne pas
créer de discrimination entre les détenus et les personnes
libres.
199 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 398.
200 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action
social, M.B., 5 août 1976, p. 9876.
201 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 399.
42
de la charité privée ce qui n'avait pas pour
conséquence d'exonérer le CPAS de dispenser une telle
aide202.
Heureusement et afin de soulager les CPAS, une circulaire
ministérielle de 2011 précise clairement qu'« afin
d'éviter que les détenus s'adressent au CPAS pour de tels
besoins, il convient de les aider par l'entremise de la caisse d'entraide de la
prison203».
Par conséquent, la caisse d'aide aux détenus
doit intervenir prioritairement en ce qui concerne prise en charge des
détenus indigents. Ainsi, dans l'hypothèse d'une demande d'aide
sociale, le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire
uniquement.
2.1.2.2.2.6 Incidences du nouveau statut juridique
externe des personnes condamnées sur le paiement de l'aide
sociale
Pour rappel, les détenus extramuros n'ont pas
droit au paiement du revenu d'intégration lorsqu'ils
bénéficient d'une mesure de détention ou de liberté
limitée et de surveillance électronique car ceux-ci demeurent
inscrits au rôle de la prison et sont, à cette occasion, pris en
charge par le SPF Justice.
Quid de l'aide sociale ? Si l'on s'accorde à
croire que le SPF Justice fournit aux détenus tout ce dont ils ont
besoin, ils ne devraient pas, en théorie, avoir à effectuer une
demande d'aide sociale auprès du CPAS. Mais qu'en est-il
réellement ?
L'allocation d'entretien octroyée aux détenus
indigents sous surveillance électronique ne peut être
considérée comme suffisante par rapport aux frais
engendrés par ce type de dispositif. Après avoir payé la
connexion internet, le logement, etc., il ne reste pas grand chose pour vivre
lorsque l'on reçoit une somme équivalente au RI.
En ce qui concerne le détenu en régime de
semi-liberté, celui-ci a la possibilité de quitter tous les jours
la prison pour le temps nécessaire à son activité. Il y
retourne chaque jour après son activité. Selon les
représentants de l'époque204, tous les besoins du
détenu sont alors assurés par le SPF Justice mais l'on oublie
souvent que les détenus en semi-liberté doivent se nourrir et se
déplacer lorsqu'ils sortent de la prison.
202 CH. VANDERLINDEN, « Travail pénitentaire et
sécurité sociale du détenu », Rev. Dr.
Pén. Crim., 2003, p. 682.
203 Circ. min. 30.8.2011 (n°1812) du Min. Just. relative
à l'intervention de la caisse d'entraide de la prison en faveur des
détenus indigents.
204 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La
sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs
proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 403 ; Réponse du
Vice-premier ministre et du ministre du Budget, de l'Intégration sociale
et de l'Economie sociale du 24 janvier 2003 à la question n°119 de
M. DAAN SCHALCK du 11mars 2002 (N.), Bull. Q. R., Ch. repr., sess.
Ord. 2002-2003, n°153, p. 19557 - 19559.
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Concernant la semi-détention, celle-ci ne sera
accordée que si le condamné exerce une activité
professionnelle205. Cette activité professionnelle lui
devrait lui permettre de subvenir à ses besoins en dehors de la
prison.
Enfin, depuis la loi sur le nouveau statut juridique externe
des détenus, le congé pénitentiaire est devenu une
modalité d'exécution de la peine alors qu'il était une
mesure d'interruption de peine. Par conséquent, les CPAS exigeront de la
part du SPF Justice qu'il intervienne directement dans les frais
occasionnés par le détenu si une demande d'aide sociale
financière est formulée206 car ceux-ci exercent
toujours leur peine.
Toutefois, dans la pratique, une aide sociale sera
octroyée par le CPAS si elle s'avère indispensable à la
prise en charge des dépenses non-couvertes par le SPF Justice.
Après avoir effectué une enquête sociale qui
établira l'existence et l'importance des besoins du détenu, le
CPAS accordera une aide pouvant prendre diverses formes207 en
fonction de ses besoins.
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