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L'aide légale aux détenus. Avant, pendant, après leur condamnation.

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par Margot Maillard
Liège - Master en droit 2016
  

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2.1.2.2 Intervention du CPAS

2.1.2.2.1 Le droit à l'intégration sociale

Le droit à l'intégration sociale sous la forme d'un emploi ou d'un revenu d'intégration (ci-après RI) est un droit pour tous141. Les allocations de sécurité sociale étant suspendues totalement ou partiellement lors de la détention, les détenus n'ayant pas de famille, n'ayant pas accès au travail pénitentiaire142, peuvent rapidement se retrouver dans une situation difficile. Quel est le statut du RI à leur égard ?

2.1.2.2.1.1 Principe généraux de l'intégration sociale143

Le demandeur doit remplir plusieurs conditions afin de bénéficier du droit à l'intégration sociale à savoir :

- avoir sa résidence principale en Belgique144 ;

- avoir soit la nationalité belge soit être un étranger inscrit au registre de population soit être un réfugié reconnu ou un apatride soit bénéficier d'un droit de séjour de plus de trois mois145 ;

138 T. trav. Namur, 26 novembre 2004, R.G., n°6738/2000 ; C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

139 Voy infra.

140 Règle de continuité : En ce qui concerne les détenus admis successivement et sans interruption dans plusieurs établissements pénitentiaires, si l'on applique la règle de principe concernant les détenus, le CPAS compétent lors de l'incarcération demeure compétent même en cas de transfert du détenu vers une autre prison et ce, de manière à ce qu'il ne doive pas réaliser une deuxième demande d'aide sociale. Cependant, une enquête sociale sera tout de même réalisée afin de déterminer si le détenu est toujours dans un état de besoin dans le nouvel établissement pénitentiaire. Par contre, si c'est la règle d'exception qui s'applique, le CPAS compétent sera celui du nouveau lieu de détention. Lorsqu'il y a une interruption entre le séjour dans deux établissements pénitentiaires différents, le CPAS compétent pour accorder l'aide sociale sera celui de la commune où la personne qui a besoin d`assistance est habituellement présente au moment de son admission, qui suit l'interruption, dans le second établissement précité ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex)-détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 366-369.

141 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 2, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

142 Ou pas de revenu suffisant issu de ce travail pour faire face aux diverses dépenses ou pas de possibilité d'exercer ce type de travail en raison d'un handicap ou d'une interdiction.

143 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 3, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610 pour plus de précisions.

144 Résider habituellement et en permanence sur le territoire belge.

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- être majeur ou mineur émancipé par le mariage'46 ;

- ne pas disposer de ressources suffisantes, ni pouvoir y prétendre ni être en mesure de se les procurer soit par des efforts personnels soit par d'autres moyens'47 ;

- être disposé à travailler'48 ;

- faire valoir ses droits aux aliments ainsi que ses droits aux allocations sociales dont il peut bénéficier en vertu du droit belge ou étranger.

En ce qui concerne les bénéficiaires de moins de 25 ans, ceux-ci ont droit à l'intégration sociale par un emploi adapté à leurs capacités et à leur situation personnelle'49.

Le revenu d'intégration est un montant forfaitaire que l'on fixe par rapport à la situation personnelle et familiale du bénéficiaire'50. De plus, il existe une aide spécifique octroyée'5' par le CPAS pour les personnes redevables d'une pension alimentaire'52.

2.1.2.2.1.2 Maintien du droit à l'intégration sociale mais suspension du paiement du revenu d'intégration

En ce qui concerne détenu, le droit à l'intégration sociale n'est pas supprimé mais le paiement de celui-ci est suspendu. Ceci est justifié, à tort selon moi, par le fait que les détenus intra et extra muros153 seraient entièrement à charge du SPF Justice'54.

Cette suspension vaut pendant toute la période de détention pour les personnes détenues en exécution d'une décision judiciaire et qui sont inscrites au rôle de l'établissement pénitentiaire.

2.1.2.2.1.2.1 Quid des différentes modalités d'exécution de la peine ?

Certaines peines s'exécutent en tout ou en partie à l'extérieur de la prison. L'objectif étant de diminuer les coûts et de favoriser la réinsertion sociale.

En ce qui concerne l'interruption de peine, il s'agit d'une véritable interruption et non d'une modalité d'exécution de la peine ce qui a pour conséquence que la peine du détenu ne

145 En tant que citoyen de l'Union européenne ou en tant que membre de sa famille qui l'accompagne ou le rejoint (voy L. du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement, et l'éloignement des étrangers, M.B., 31 décembre 1980, p.14584)

146 Les mineur(e)s qui ont un ou plusieurs enfants à charge ainsi que les mineures enceintes peuvent aussi prétendre au droit à l'intégration sociale.

147 Cela sera établi via une enquête sociale effectuée par le CPAS compétent. Toutes les ressources seront prises en considération ; L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 19, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

148 À moins que des raisons de santé ou d'équité ne l'en empêchent.

149 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 6-11, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

150 Personne cohabitante, isolée ou avec famille à charge.

151 Ne s'agissant pas formellement d'une majoration du RI.

152 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.

153 Situation de semi-liberté, semi-détention ou sous surveillance électronique.

154 Voy supra.

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s'écoule pas et qu'il n'est plus inscrit au rôle de la prison. Ainsi, il récupérera totalement son droit au paiement du RI durant cette interruption.

2.1.2.2.1.2.1.1 Le statut des personnes en semi-liberté ou semi-détention ainsi que celle bénéficiant d'un bracelet électronique

Quant aux personnes en semi-liberté ou en semi-détention ainsi que celles bénéficiant d'un bracelet électronique'55, elles ne peuvent pas non plus obtenir le paiement du revenu d'intégration car, selon la circulaire ministérielle du 6 septembre 2002, elles sont toujours inscrites au rôle de la prison. Ceci est critiquable car premièrement, la loi sur le revenu d'intégration suspend seulement ce paiement pour les personnes détenues en prison'56 et deuxièmement, les difficultés rencontrées par les détenus extra muros à la suite à la suspension du revenu d'intégration ne sont plus à démontrer'57.

Toutefois, un détenu bénéficiant d'une modalité d'exécution de la peine en dehors de la prison (extra muros) pourra solliciter que son droit à l'intégration sociale se concrétise par une offre d'emploi. Cependant, si cela n'est pas possible, le droit à l'intégration sociale ne pourra donner lieu au paiement d'un revenu d'intégration.

Il faudrait alors prévoir la possibilité de maintenir une quote-part forfaitaire du RI au bénéfice du détenu afin que celui-ci ne se retrouve pas dans une situation de totale précarité lorsqu'il purgera sa peine extra-muros'58. Cette solution éviterait un recours nécessaire vers les CPAS afin de pouvoir survivre en dehors de la prison.

2.1.2.2.1.2.1.2 Libération conditionnelle et provisoire

En revanche, et même si la circulaire du 6 septembre 2002 prévoit bizarrement le contraire'59, si le détenu est en libéré provisoirement ou sous conditions'60, le paiement du revenu d'intégration est rétablit'6'. Cela se justifie par le fait que la personne en libération provisoire ou conditionnelle ne remplit plus les conditions de suspension du paiement du revenu d'intégration car elle n'est plus inscrite au rôle de la prison. De plus, la simple utilisation du vocable « libération » rendrait la suspension du paiement du revenu d'intégration mal aisé.

155 Le dispositif extra muros est considéré comme une modalité d'exécution de la peine et non comme une peine autonome. Non-incarcérée dans les fait, cette personne est considérée comme subissant sa peine privative de liberté en dehors.

156 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 23§3, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

157 Cependant, les personnes sous surveillance électronique retrouvent leurs droits quant aux revenus de remplacement ou allocations, encoure mais faut-il qu'ils en aient.

158 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.

159 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 375.

160 Ne sont plus considérés comme subissant une peine privative de liberté.

161 L. du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale, art. 39, M.B., 31 juillet 2002, p. 33610.

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2.1.2.2.1.2.2 Impact sur la Famille

Le détenu ayant une famille voit aussi le paiement de son RI suspendu. Le fait d'avoir une famille à sa charge ne fait donc pas exception. La seule solution est que son partenaire (conjoint) fasse valoir à son tour ses droits au RI162. La détention d'un chef de famille a pour conséquence qu'il faudra à nouveau faire les démarches relatives au RI. Ces démarches seront d'autant plus difficiles à réaliser et à vivre lorsqu'un proche se trouve en prison.

L'aide spécifique octroyée par le CPAS à la personne détenue redevable d'une pension alimentaire est maintenue. Seul le paiement du revenu d'intégration est suspendu163.

Toutefois, l'une des conditions d'octroi de cette aide est le paiement intégral de la pension alimentaire par le débiteur164. Il est dès lors fort probable que le débiteur en détention ne puisse satisfaire cette condition165. Il faudrait donc que pour les détenus, cette aide spécifique soit plutôt conditionnée à une contribution selon ses capacités financières et non au paiement intégral de la pension alimentaire166.

2.1.2.2.1.3 Incidence du nouveau statut juridique externe des personnes condamnées et internées sur la suspension du paiement du revenu d'intégration

La loi du 17 mai 2006 relative au statut externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté a notamment pour objectif une meilleure prise en compte des peines alternatives extra muros.

2.1.2.2.1.3.1 Focus sur les détenus sous surveillance électronique

Pour rappel, ces personnes ne peuvent bénéficier du paiement du revenu d'intégration car elles sont considérées comme exerçant un peine privative de liberté bien qu'à l'extérieur de la prison. Il a été nécessaire de prévoir une solution pour ces personnes afin d`éviter toute discrimination sociale. Les personnes indigentes ne devraient pas se voir refuser la surveillance électronique au motif qu'elles n'ont pas les moyens financiers d'assurer les divers coûts que cela engendre.

162 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 376.

163 VERSAILLES, P., « Aide sociale/Droit à l'intégration sociale », in sécurité sociale: commentaires - partie III, Livre I, titre III et IV, coll. Guide social permanent, R1620 ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 377.

164 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.

165 Pour des raisons déjà invoquées: Pénurie de travail pénitentiaire ou faible revenu généré par celui-ci, suspension des allocations de sécurité sociale etc.

166 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 405.

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Ainsi, le 16 octobre 2002, le conseil des ministres à décider de leur octroyer une aide spécifique par le SPF Justice sous la forme d'une allocation journalière complète appelée « allocation d'entretien167».

A cette époque, pour le détenu isolé, cette indemnité s'élevait à 522 euros par mois. Il faut toutefois relever que ce montant était inférieur au RI de l'époque (625 euros) et qui était considéré comme le seuil minimum pour vivre conformément à la dignité humaine. Il était dès lors impossible pour le détenu de faire face à ses frais fixes tels que la connexion téléphonique et le loyer168. Par conséquent, on reconnaît indirectement que le détenu indigent sous surveillance électronique ne vit pas dans des conditions conformes à la dignité humaine. Ceci impliquerait un recours nécessaire auprès des CPAS afin d'obtenir un complément.

Cette situation risquait de créer un endettement quasi certain du détenu sous surveillance électronique et n'était, par conséquent, pas favorable à sa réinsertion dans la société169. De plus, cela allait entrainer une augmentation des sollicitations par les détenus auprès des CPAS afin d'obtenir une aide sociale financière en complément, ce qui n'était pas prévu et donc pas budgétisé170. Encore une fois, ce sont les CPAS qui doivent assumer les carences de l'Etat belge en ce qui concerne la politique de gestion des prisons et des peines alternatives.

A la suite de nombreuses critiques, c'est seulement en 2007 que le SPF Justice a augmenté cette allocation d'entretien de manière à fournir aux détenus les moyens suffisants pour mener une vie conforme à la dignité humaine et à ne pas créer de discrimination entre les détenus extra-muros et les citoyens libres percevant le RI171. Toutefois, cette allocation reste insuffisante en raison des frais spécifiques relatif à la surveillance électronique.

Le système mis en place et la faible allocation accordée permettent, encore une fois, de démontrer que les personnes détenues ne sont pas prises en compte dans notre société et que la réinsertion sociale n'y est pas une question primordiale.

2.1.2.2.1.3.2 Quid des autres modalités d'exécution de la peine ?

La loi relative au statut juridique externe des détenus a permis une meilleure prise en considération de la situation du détenu sous surveillance électronique mais qu'en est-il des autres modalités d'exécution de la peine ? Cette question n'a été abordée que

167 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.

168 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 379.

169 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 381.

170 Une vie conforme à la dignité humaine pour chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en ligne.

171 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 382.

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superficiellement par les parlementaires ; ceux-ci ne s'intéressant qu'à la situation des personnes sous surveillance électronique.

Heureusement, certains juges, soucieux des conditions de vie des personnes bénéficiant d'une modalité d'exécution de la peine autre que la surveillance électronique'72, ont condamné, à plusieurs reprises, les CPAS à leur verser une aide sociale équivalente au RI tout en confirmant la suspension du RI pour les personnes bénéficiant d'un régime de semi-liberté. Ce type de décision, contra-legem, met en lumière les difficultés rencontrées par ces personnes qui ne sont pas prises en charge par le SPF Justice parce qu'ils ne sont plus inscrit au rôle de la prison.

La solution la plus simple serait de lever la suspension du paiement du RI pour le détenu sous surveillance électronique, en semi-détention ou en semi-liberté. Dans cette hypothèse, il est nécessaire de prévoir un transfert entre le budget du SPF Justice et celui du CPAS afin que ce dernier ne subisse pas encore le poids des erreurs politiques commises au niveau fédéral.

En attendant, à défaut de droit au revenu d'intégration (ou à son paiement durant la détention) ou à toute autre allocation équivalente, le détenu pourra toujours essayer de demander une aide sociale.

2.1.2.2.2 Aide sociale au sens strict 2.1.2.2.2.1 Principes généraux

Conformément à l'article 1er de la loi relative aux CPAS, le droit à l'aide sociale est ouvert à toute personne, quel que soit sa situation. L'objectif est de permettre à tout être humain de vivre conformément à la dignité humaine'73.

Concernant les personnes détenues, bien que des textes légaux prévoient expressément la suspension du paiement du revenu d'intégration en cas de détention'74, la loi sur les CPAS ne prévoit aucune suspension concernant le droit à l'aide sociale car celui constitue le dernier filet protecteur de la vie conforme à la dignité humaine.

2.1.2.2.2.2 Etat de besoin du détenu

La prise en charge du détenu par la prison ou l'attribution d'une allocation d'entretien par le SPF Justice ne crée pas une présomption d'absence d'état de besoin du détenu.

En effet, le détenu est logé, nourri et blanchi par l'administration pénitentiaire mais il existe d'autres dépenses nécessaires qui ne sont pas prises en compte par les prisons. De plus, il

172 Semi-détention ou semi-liberté.

173 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

174 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action social, art. 68 quinquies, 5 août 1976, p. 9876.

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n'est plus à démontrer que les prisons ne remplissent pas leur obligation en ce qui concerne la fourniture de biens de première nécessité et d'hygiène175.

Afin d'améliorer ses conditions de vie en détention, le détenu a la possibilité de s'offrir certains services dits de « cantine »176. Par exemple, une carte de GSM pour communiquer avec l'extérieur, une radio ou une télévision, des jeux de sociétés ainsi que des produits d'hygiène.

Les produits d'hygiène sont, en principe177, pris en charge par les établissements pénitentiaires avec la possibilité pour les détenus de se procurer d'autres produits à la cantine. Cependant, dans bien des cas, le « kit hygiène » ainsi que d'autres produits ne leur sont pas fournis178. Dès lors, les détenus devront acheter eux-mêmes ces biens de première nécessité à la cantine de la prison.

Au sein de certaines prisons, il existe une caisse d'aide aux détenus financée par les bénéfices de la cantine179. Elle a notamment pour objectif de soutenir les plus nécessiteux dans l'achat de biens que ce soit pour améliorer leur quotidien ou simplement avoir accès aux produits élémentaires qu'ils ne reçoivent pas en raison d'une carence des établissements pénitentiaires.

Cependant, bien que certaines règles soient établies par circulaire180, les critères pour être considéré comme indigent ou nécessiteux varient très fortement en fonction des prisons. De plus, les montants octroyés sont loin d'être exceptionnels.

En outre, il est important de souligner que l'aide issue de la caisse d'aide aux détenus doit, en principe, être remboursée par le détenu lorsqu'il pourra prétendre à un revenu. Dans les faits, récupération sur cette base est toutefois très peu probable181.

Afin d'augmenter leur chance de récupérer les sommes avancées aux détenus nécessiteux, certaines prisons conditionnent l'octroi de cette aide à l'introduction d'une demande d'aide sociale au CPAS compétent ainsi qu'à un engagement de remboursement de la caisse dans l'hypothèse où le détenu obtiendrait l'aide sociale182. Si le détenu venait à bénéficier d'une aide sociale de la part du CPAS, les prisons récupéreraient alors les avances précédemment octroyées.

175 C.E.D.H., 25 novembre 2014, aff. Vasilescu c. Belgique, n°64681/12.

176 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; NEVE, M., Le guide du prisonnier, Bruxelles, Labor, 2002, p. 95 ; L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 47, M.B., 1er février 2005, p. 2815.

177 Cir. min. n°1507 du 29 octobre 1986.

178 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

179 Circ. 1620/VIII du 23 décembre 1993.

180 Q.E. n°5-2131 de M. BERT ANCIAUX du 20/04/2011 ; Q.R., Sénat, 2010-2011, 18.10.2011, en ligne.

181 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; Pénurie de travail depuis de nombreuses années.

182 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

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L'Etat Belge et la jurisprudence183 voient cette pratique comme une dérive malsaine et rejettent ce système mis en place par certaines prisons. En conséquence, l'aide octroyée par le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire, afin de couvrir les besoins vitaux du détenu qui ne sont pas couverts par l'avance mensuelle que la caisse de solidarité octroie au détenu184.

2.1.2.2.2.3 Demande auprès du CPAS

La jurisprudence, trop restrictive, considère à tort selon moi que le service185 accordé par le SPF Justice doit suffire pour vivre conformément à la dignité humaine186. Or, certains biens et services minimums ne sont pas fournis ou assurés.

La jurisprudence rappelle que les missions des CPAS et du SPF Justice ne sont pas les mêmes car le SPF Justice a l'obligation d'assurer des conditions de détentions conformes à la dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH187. De ce point de vue, la jurisprudence estime que le SPF Justice remplit sa mission même si il n'assure pas tous les besoins d'un détenu.

En effet, parmi les conditions de détentions conformes à la dignité humaine au sens de l'article 3 de la CEDH figure le droit de cantiner dans certaines limites. Ainsi, les prisons ont l'obligation de fournir les produits d'hygiène188 nécessaires sans que les détenus n'aient à se les procurer eux-mêmes. Pour le reste, c'est à eux de se débrouiller.

Les CPAS, eux, ont pour mission d'offrir aux demandeurs d'aide la possibilité de vivre dans des conditions conformes à la dignité humaine. Ceci peut se traduire par l'octroi de moyens financiers en plus de l'aide octroyée par la caisse de solidarité des détenus189.

Depuis de nombreuses années, les demandes d'aide sociale auprès des CPAS sont en constante augmentation. Ceci se justifie même si une caisse d'aide aux détenus existe au sein de la prison car l'argent de poche reçu de cette caisse ne permet pas au détenu d'acheter beaucoup de chose à la cantine surtout s'il doit lui-même financier ses produits d'hygiène.

Lorsqu'une demande est introduite auprès du CPAS, il est procédé à une enquête sociale pour voir si le montant alloué par le service social190 de la prison est suffisant ou non pour vivre

183 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

184 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

185 Ou l'allocation d'entretien dans le cadre de la détention sous surveillance électronique.

186 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 390 ; L. de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 5§1, M.B., 1er février 2005, p. 2815.

187 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217.

188 L. du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, art. 42, M.B., 1er février 2005, p. 2815.

189 C. trav. Liège sect. Liège, (5e ch.), 2 décembre 2009 ; Pour rappel, il n'existe pas de caisse de solidarité dans toutes les prisons.

190 Ou caisse des détenus ou caisse de solidarité.

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conformément à la dignité humaine. Si ce n'est pas le cas, le juge condamnera le CPAS à prendre en charge le complément nécessaire191.

Pour déterminer ce montant, il faudra garder à l'esprit que la vie en prison est une vie très différente de ce que l'on peut retrouver à l'extérieur. Ainsi, les besoins des détenus peuvent être suffisamment rencontrés par un dispositif collectif plutôt que privatif comme l'accès à la télévision par exemple192. Toutefois, il a été jugé, à juste titre selon moi, que l'accès privatif à une télévision pour une personne en chaise roulante était valable car il s'agissait du seul passe temps cette personne dans l'univers carcéral193.

En outre, dans toutes les circonstances rencontrées, il convient de prendre en considération le temps à vivre en prison car les besoins d'un détenu en détention préventive sont moindres que ceux d'un détenu de longue durée. En effet, pour ce dernier l'établissement pénitentiaire devient un véritable lieu de vie sans oublier que durant sa détention, la personne en détention préventive doit assumer certains frais194 en dehors de la prison.

Enfin, en cas de sorties autorisées, les besoins rencontrés par le détenu sont plus importants de sorte que l'aide accordée sous forme d'argent de poche doit être majorée195.

L'aide pourra consister en une prise en charge d'honoraires de médecin ou de psychologue, de remboursement de prothèse, de lunettes, de frais de formations, de remboursement de l'aide aux victimes, de produits de première nécessité, d'achat de journaux, de cartes de téléphone, etc. Bien souvent cela se concrétisera par une aide sous forme d'argent de poche allant de 50 à 100 euros par mois.

2.1.2.2.2.4 Critiques

Sur le principe, cette situation revient à faire peser sur les CPAS le choix du législateur de suspendre les allocations de sécurité sociale et de ne pas fournir aux détenus des biens de première nécessité.

A partir du moment où il existe des détenus qui n'ont pas les moyens de s'offrir des services pourtant dû par la prison, on ne peut pas imposer aux CPAS d'en payer le prix car les

191 C. trav. Liège sect. Namur, (13e ch.), 17 septembre 2013, R.G., n°2012/AN/217 ; On reconnaît le caractère subsidiaire de l'aide sociale octroyée par le CPAS par rapport à la caisse de solidarité.

192 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 394-397.

193 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 397.

194 Maintien du logement, des abonnements de télévision, paiement de diverses assurances etc.

195 Trib. Trav. Mons, 7e ch., 12 mai 2005 ; VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 392.

41

dépenses non-réalisées196 par l'Etat fédéral ont un impact trop lourd sur leur budget et leur charge de travail197.

Un moyen d'éviter ce recours en constante augmentation auprès des CPAS serait simplement de ne plus suspendre les allocations de sécurité sociale198. Ainsi, le nombre de détenus faisant appel au CPAS afin d'obtenir une aide sociale leur permettant de vivre conformément à la dignité humaine diminuerait et cela rendrait la vie des CPAS plus facile sur le plan organisationnel et financier.

2.1.2.2.2.5 Caractère subsidiaire de l'aide sociale

L'aide sociale est une aide subsidiaire qui ne sera accordée au demandeur que s'il démontre qu'il n'est pas en mesure de se procurer d'autres ressources soit par son travail ou ses biens, soit en faisant valoir ses droits aux aliments ou aux autres prestations de sécurité sociale.

Le Cabinet VANDE LANOTTE s'était étonné des demandes d'aide sociale provenant des personnes détenues « dans la mesure où, pour pouvoir bénéficier de ce régime résiduaire, le détenu devrait prouver son état de besoin ; or, pouvant travailler en prison, l'état de besoin ne devrait en principe pas exister ».

Il suffit d'allumer la télévision ou la radio pour comprendre que ce type de raisonnement est totalement à côté de la réalité. En effet, il existe une pénurie de travail en prison et ce depuis de nombreuses années. La jurisprudence prévoit néanmoins que ce n'est que si un travail pénitentiaire est proposé et qu'il est refusé par le détenu que l'aide sociale sera refusée199.

De plus, préalablement à une demande d'aide sociale auprès du CPAS, le détenu devra faire valoir ses droits auprès de ses différents débiteurs d'aliments200.

La fédération Wallonne201 des CPAS précise que « le détenu doit, avant de s'adresser au CPAS, introduire une demande auprès de la caisse des détenus ». Mais encore faut-il qu'une telle caisse existe au sein de l'établissement pénitentiaire.

Je m'interroge : est-il légitime de considérer que le CPAS n'interviendra que de façon subsidiaire par rapport à la caisse des détenus ?

En 1995, la Cour du travail de Mons l'avait admis mais est revenue sur sa position lors d'un arrêt rendu en 2005 où elle a estimé que la caisse d'entraide de la prison doit être assimilée à

196 La suspension des allocations de sécurité sociale et les faibles prestations des prisons.

197 Une vie conforme à la dignité humaine pour chacun - Mémorandum fédéral des CPAS, 2014, en ligne.

198 Ou de les diminuer de manière à ne pas créer de discrimination entre les détenus et les personnes libres.

199 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 398.

200 L. organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'action social, M.B., 5 août 1976, p. 9876.

201 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 399.

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de la charité privée ce qui n'avait pas pour conséquence d'exonérer le CPAS de dispenser une telle aide202.

Heureusement et afin de soulager les CPAS, une circulaire ministérielle de 2011 précise clairement qu'« afin d'éviter que les détenus s'adressent au CPAS pour de tels besoins, il convient de les aider par l'entremise de la caisse d'entraide de la prison203».

Par conséquent, la caisse d'aide aux détenus doit intervenir prioritairement en ce qui concerne prise en charge des détenus indigents. Ainsi, dans l'hypothèse d'une demande d'aide sociale, le CPAS n'interviendra qu'à titre complémentaire uniquement.

2.1.2.2.2.6 Incidences du nouveau statut juridique externe des personnes condamnées sur le paiement de l'aide sociale

Pour rappel, les détenus extramuros n'ont pas droit au paiement du revenu d'intégration lorsqu'ils bénéficient d'une mesure de détention ou de liberté limitée et de surveillance électronique car ceux-ci demeurent inscrits au rôle de la prison et sont, à cette occasion, pris en charge par le SPF Justice.

Quid de l'aide sociale ? Si l'on s'accorde à croire que le SPF Justice fournit aux détenus tout ce dont ils ont besoin, ils ne devraient pas, en théorie, avoir à effectuer une demande d'aide sociale auprès du CPAS. Mais qu'en est-il réellement ?

L'allocation d'entretien octroyée aux détenus indigents sous surveillance électronique ne peut être considérée comme suffisante par rapport aux frais engendrés par ce type de dispositif. Après avoir payé la connexion internet, le logement, etc., il ne reste pas grand chose pour vivre lorsque l'on reçoit une somme équivalente au RI.

En ce qui concerne le détenu en régime de semi-liberté, celui-ci a la possibilité de quitter tous les jours la prison pour le temps nécessaire à son activité. Il y retourne chaque jour après son activité. Selon les représentants de l'époque204, tous les besoins du détenu sont alors assurés par le SPF Justice mais l'on oublie souvent que les détenus en semi-liberté doivent se nourrir et se déplacer lorsqu'ils sortent de la prison.

202 CH. VANDERLINDEN, « Travail pénitentaire et sécurité sociale du détenu », Rev. Dr. Pén. Crim., 2003, p. 682.

203 Circ. min. 30.8.2011 (n°1812) du Min. Just. relative à l'intervention de la caisse d'entraide de la prison en faveur des détenus indigents.

204 VAN DER PLANCKE, V., VAN LIMBERGHEN, G., La sécurité sociale des (ex-)détenus et de leurs proches, La Charte, Bruxelles, 2008, p. 403 ; Réponse du Vice-premier ministre et du ministre du Budget, de l'Intégration sociale et de l'Economie sociale du 24 janvier 2003 à la question n°119 de M. DAAN SCHALCK du 11mars 2002 (N.), Bull. Q. R., Ch. repr., sess. Ord. 2002-2003, n°153, p. 19557 - 19559.

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Concernant la semi-détention, celle-ci ne sera accordée que si le condamné exerce une activité professionnelle205. Cette activité professionnelle lui devrait lui permettre de subvenir à ses besoins en dehors de la prison.

Enfin, depuis la loi sur le nouveau statut juridique externe des détenus, le congé pénitentiaire est devenu une modalité d'exécution de la peine alors qu'il était une mesure d'interruption de peine. Par conséquent, les CPAS exigeront de la part du SPF Justice qu'il intervienne directement dans les frais occasionnés par le détenu si une demande d'aide sociale financière est formulée206 car ceux-ci exercent toujours leur peine.

Toutefois, dans la pratique, une aide sociale sera octroyée par le CPAS si elle s'avère indispensable à la prise en charge des dépenses non-couvertes par le SPF Justice. Après avoir effectué une enquête sociale qui établira l'existence et l'importance des besoins du détenu, le CPAS accordera une aide pouvant prendre diverses formes207 en fonction de ses besoins.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille