B- La fusion rapide comme acte anormal de gestion dans
l'acquisition par la holding
Cela n'est concevable que si l'on se place du
côté de la société cible puisque du
côté du holding, cet acte est avantageux. Du côté de
la cible, il faut bien reconnaître qu'objectivement l'acte est souvent
déséquilibré. Cela étant, peut-on considérer
que la décision de fusionner peut être qualifiée d'acte de
gestion ? À l'évidence, une telle décision n'appartient
pas à la sphère des décisions de gestion puisqu'elle est
prise par l'assemblée des actionnaires qui décide souverainement
et discrétionnairement du sort de la société comme dans le
cas d'une dissolution suivie d'une liquidation166.
En outre, elle conduit à la disparition de la
structure167. Il semble donc difficile de l'apprécier par
rapport à son intérêt. On peut tout de même
répondre à l'objection en considérant que le
caractère normal de l'acte doit s'apprécier au regard des
intérêts de l'entreprise168 transmise par la technique
de la fusion. Dans cette perspective, les conditions de la fusion pourraient
alors être critiquées du coté de la société
absorbée. Cela d'autant plus que l'imprécision du terme gestion
pourrait permettre à l'administration de faire entrer la décision
de fusion dans le périmètre des actes intéressant la
gestion de l'entreprise169. Il n'en reste pas moins que cette
acquisition s'appuie sur un projet d'entreprise viable, la décision ne
nous semble pas anormale, même si l'on accepte de l'analyser au regard de
l'intérêt de la cible. Le fait, qu'objectivement, la
décision pourrait, à court terme, fragiliser l'entreprise en
diminuant son
164
CHRISTINE ,Gestion fiscal des entreprises, op.cit,
P26
165CHOYAKH (F), Le principe de la liberté
de gestion du contribuable et la théorie de l'acte anormal de
gestion, Tunis, RCF, n°62, 2003, P43
166L. Issaurat, E. Kornprobst, Ph. Raimbourg, Prise de
contrôle avec effet de levier (LBO), in Ph. Raimbourg et M. Boizard,
Ingénierie financière, fiscale et
juridique, Dalloz action, 2006-2007, chap. 73, spé n°
73.174
167Rappr. A. De Waal, Brèves réflexions
sur la fusion rapide, Dr. fisc. 1996, no 4, p. 129 et 130
168 v. M. Cozian, Les grands principes de la fiscalité des
entreprises, 4e éd., Litec, p. 91 et s. ; P. Serlooten, Droit
fiscal des affaires, Dalloz, n° 30 ;
169C. GERSCHEL, Le risque fiscal de la « fusion
rapide » entre la société holding et la
société cible après une opération de LBO, JCP,
éd. E, 1996. I. 602, spéc.
n° 22
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Acquisition par la holding de reprise : un mode de
financement des opérations de restructuration Gassim Diallo
actif net ne modifie pas l'analyse dans la mesure où la
fusion peut concourir à la réalisation de l'objet
économique en vue duquel l'entreprise a été
créée170.
Au demeurant, la jurisprudence semble considérer qu'une
telle fusion ne constitue pas un acte anormal de gestion. Ainsi, dans une
affaire où la société absorbante ayant emprunté les
sommes nécessaires à l'acquisition de la cible, l'avait
absorbée deux mois après l'acquisition des titres, les juges
ont considéré logiquement que cette opération
n'était pas, pour l'absorbante, constitutive d'un acte anormal de
gestion171.
L'administration considère de son côté que
« cette opération peut avoir pour but exclusif d'imputer
fiscalement les frais d'acquisition sur les bénéfices de la
société acquise ... puis fusionnée une opération
déséquilibrée, sans contrepartie suffisante pour elle. Ces
opérations peuvent être remises en cause, selon le cas,
conformément à la procédure de répression des abus
de droit ou sur le fondement de l'acte anormal de gestion. La qualification
fiscale de l'opération doit résulter de la prise en
considération d'un faisceau d'indices cumulatifs ou alternatifs, parmi
lesquels, le délai séparant l'acquisition de la fusion, le niveau
de capitalisation de la société holding de reprise, l'importance
des dettes d'acquisition subsistant au moment de la fusion par rapport au
financement initial, l'exercice ou non par la société
acquérante avant la fusion d'une activité autre que la
détention des titres de la société acquise ».
Les indices visés par l'administration sont donc, pour
elle, déterminants de l'équilibre de
l'opération172. Les parties à l'opération
d'acquisition ont donc tout intérêt à les respecter, si du
moins, leur projet d'entreprise le leur permet. A défaut, il existe un
risque que l'administration considère l'opération par trop
déséquilibrée, en particulier si le délai entre
l'acquisition et la fusion est très court.
Pourtant, il nous semble tout à fait possible de
démontrer que l'intérêt de l'entreprise n'a pas
été violé, même si la holding est pure et que le
délai entre l'acquisition et la fusion est court, dès lors que
l'opération s'appuie sur un vrai projet d'entreprise, et notamment sur
une équipe dirigeante pouvant démontrer le caractère
viable et réalisable de son projet.
170C. GERSCHEL, Le risque fiscal de la «
fusion rapide » entre la société holding et la
société cible après une opération de LBO, JCP,
éd. E, 1996. I. 602, spéc. n° 22
171CAA Lyon, 26 mai 1992, Sté Régie
immobilière de Villeurbanne, JCP, éd. E, 1993. II. 386, note A.
Delfosse, Bull. Joly 1992. 1242, M. Chadefaux, La régularité
fiscale d'une opération de LBO suivie de l'absorption rapide de la cible
par la société holding, Dr. fisc. 1993, no 8, p. 377 ;
réformant TA Lyon, 15 nov. 1989, Bull. Joly 1990. 975, note P. Derouin.
Au demeurant, du coté du holding, l'opération lui permet
d'appréhender directement les passifs et actifs de la cible sans
conduire à un appauvrissement quelconque puisque, à tout le
moins, il existe une corrélation entre la valeur de sa participation
dans la cible et celle des éléments qui lui sont dévolus.
En outre, la holding étant le plus souvent en situation
déficitaire celle-ci pourra en partie affecter les biens transmis au
service de la dette, ce qui lui est bénéfique et ne peut donc
être critiqué sur le fondement de l'acte anormal de gestion.
172V. égal. pour le Comité de
répression des abus de droit, Lamy optimisation fiscale, n°
709-32
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