2.3. Les
conséquences de violations de coutumes luba
Les violations des coutumes chez les baluba ont des
conséquences graves selon le degré de parenté et de l'acte
posé. Disons que ces conséquences sont liées soit à
la violation directe des normes culturelles ou coutumières, soit
à la soustraction ou l'usurpation des celles-ci en brisant l'alliance
avec les ancêtres et en se frayant son propre chemin.
Parlant de la transgression des coutumes, Fortunat Mukendi
(2003) dit, par exemple, ceci à propos de
mariage : « la transgression portant sur des
échanges des tributs en matières de dot ou le non respect de la
filière normale dans les offrandes de dot est lourd de
conséquences (mukiya) dans toute famille Luba-Kasaï où la
ramification est fonction des mariages d'émanation masculine ou
patrilinéaire. Dans certains cas, ajoute-t-il, on est
arrivé à la stérilité des femmes dont la dot n'a
pas suivi le circuit normal. Dans d'autres cas, c'est la mort tout simplement
qui emporte le fautif, surtout si sa contravention était
perpétrée délibérément par esprit de
cupidité. Les autres cas de malheurs tels que les maladies, le
chômage ou la faillite chronique des entreprises tirent leur origine,
très souvent, de l'indiscipline en matière d'affectation de
dot.»
Les conséquences de violations de coutumes chez les
baluba sont caractérisées par la sanction sociale appelée
Tshibawu. Le tshibawu qui est le prix à payer par le
délinquent ou le fautif doit être diagnostiqué afin que
l'on pense à la réparation ou à la thérapie
appropriée. Signalons que les signes cliniques de ces
conséquences sont parfois très difficiles à
dénicher et il faut recourir aux personnes ayant un pouvoir
spécial pour arriver à découvrir que telle maladie ou
telle situation observée est due à un précédent
coutumier ou qu'il existe une violation de coutume quelque part.
Les gales sur la peau, la succession de mort dans une famille,
la maladie d'origine inconnue sur le plan médical, l'épilepsie,
la complication d'un accouchement, l'adversité dans les affaires,
l'infécondité, l'impuissance sexuelle, certaines névroses
ou psychoses, les malformations congénitales chez les nourrissons, etc.,
sont autant des pathologies qui peuvent être d'origine coutumière
et partant des conséquences de violations de coutumes.
Une même violation de coutumes peut se manifester
à travers différentes maladies ou conséquences selon
l'équation individuelle de chacun et leur résolution peut aussi
être une pratique unique pour différents type de
problème.
Dans les milieux traditionnels luba, il y a des personnes
initiées pour détecter les pathologies, les
événements anormaux et les comportements liés aux
violations des coutumes et moeurs. On compte dans cet ordre, les chefs des
villages, les devins, les mediums, les guérisseurs traditionnels et les
vieux sages. Mais les victimes comme les fautifs peuvent aussi réaliser
après avoir rencontré beaucoup de problèmes ou souffrances
que quelque chose serait à la base de leurs difficultés. C'est
à ce moment là que l'on recourt soit au conseil familial, soit
à la consultation des spécialistes ci-haut cités.
Le diagnostic devrait tenir compte de la conception de la
santé chez les Baluba. Comme tous les Bantous, les baluba
répondent à la définition de la sante comme
« l'harmonie entre le bien-être physique, mental, social,
familial, moral, religieux et même culturel » (Ondura,
1974).
Le diagnostic chez les baluba vient intervenir, parfois et
même dans la plupart des cas quand on déplore déjà
les morts. Au lieu de diagnostic, c'est plutôt le dépistage pour
retracer l'origine de la catastrophe ou de litiges qui ravagent la famille.
Mais l'avantage de ce diagnostic, c'est d'arrêter l'opprobre et
protéger la progéniture contre la malédiction.
Les vieux sages, les chamans ou les devins sont rodés
dans cette matière et se rabattent toujours sur la sagesse ancestrale
qui est coulée sous forme d'anecdotes comme, par exemple :
« lueni kalutu lununka kaluyi lulenga » ce qui
peut se traduire par « la menthe ne peut sentir si elle n'est pas
touché » ou encore « tua nyoko katutu tulua
bebe = l'insulte ...de ta mère ne vient jamais sans
raison ». Ces expressions sont l'équivalent de « il
n'y a pas de fumée sans feu ». Mais, il y a une autre
expression qui lie la cause à effet « wadia kala
wafua kala ou diudiadia tshula kendiudi umena mpusu »
qui signifie « tu manges aujourd'hui et tu meurs longtemps plus tard
ou ce n'est pas le jour que tu manges le crapaud que tu pousses la
galle ».
Fort de cette expérience, les anciens peuvent faire une
sorte de psychodynamique pour lier les faits et trouver le noeud du
problème afin d'amorcer la thérapie appropriée.
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