La francophonie et la médiation dans la crise ivoirienne de 2002 à 2010.( Télécharger le fichier original )par Sika Gautier ADOMON Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 2014 |
PARAGRAPHE II : DES MOYENS D'ACTION LIMITES EN FAVEUR DE LA MEDIATIONA) Les contraintes de ressources financières et humainesUne médiation nécessite beaucoup de ressources tant humaines que financières. Cette contrainte a été à maintes reprises soulevée lors des rencontres organisées par l'OIF. « La faiblesse des moyens financiers constitue un des obstacles de l'OIF quant à la réalisation de ses objectifs. Au regard des enjeux, le financement attribué à la coopération multilatérale francophone est insuffisant,(...), la mise en place au sein de l'organisation du dispositif en ressources humaines, administratives, financières et techniques, requises pour permettre la réalisation de ces nouvelles missions, ne se fera pas sans mal, l'institution n'étant pas préparée aux exigences induites dans ce domaine107(*) ». En effet, le financement de la coopération multilatérale francophone se fait au travers du fonds multilatéral unique (FMU) mis en place au Sommet de Dakar. Ce fonds « recueille directement les contributions et les ventile vers l'OIF et les opérateurs spécialisés108(*) ». L'insuffisance du fonds est l'une des critiques portées sur le financement de la Francophonie. A titre d'exemple, le budget annuel de la Francophonie en 2007 était de 79,3 millions d'euros109(*), dont 63,5%110(*) impartis à la mise en oeuvre des programmes de l'OIF. Les dépenses du programme « Démocratie et droits de l'homme » étaient de l'ordre de 24,3%111(*). De même, selon, le rapport sur la retraite de la médiation de la Francophonie organisée du 15 au 17 février 2007, « l'OIF dispose dans son programme budgétaire de quelque 1,6 million d'euros annuellement pour couvrir la programmation relative à la prévention des crises ainsi qu'au règlement des crises et des conflits. De façon plus détaillée, ce montant couvre les activités politiques et diplomatiques du Secrétaire général, le coût de la représentation sur le terrain de l'OIF en Côte d'Ivoire (0,5 million) ainsi que la stratégie francophone en matière de paix et de sécurité humaine112(*) ». Ici, c'est la modicité du budget alloué à la prévention des crises qui est mise en évidence, particulièrement les fonds liés à la médiation de la crise ivoirienne. Car une médiation nécessite l'envoi de plusieurs missions d'information, d'observation et d'évaluation. Celle de la Côte d'Ivoire n'a pas dérogé à cette règle et plusieurs capitales (Lomé, Accra, Paris Pretoria, Libreville Ouagadougou) ont accueilli des négociations longues et à répétition. La conséquence est que « les limites aux activités du Secrétaire général sont vite atteintes comme est rapidement atteinte la crédibilité de l'OIF lorsque ses partenaires, le cas échéant, réalisent la modicité de ses moyens. Comment être efficace dans l'accompagnement d'un processus, comment assurer une présence valable et un suivi sérieux sans un bureau sur place113(*). Outre les finances, les ressources humaines demeurent très restreinte au regard de l'ampleur et de la diversification des tâches couvrant l'ensemble des secteurs déclinés dans les déclarations de Bamako et de Saint Boniface. « Bien que la Délégation à la paix, à la démocratie et aux droits de l'Homme ait connu depuis 2003 un accroissement non négligeable de ses effectifs, les différentes tâches afférentes à la préparation et à la mise en oeuvre des missions de médiation ou de facilitation sont très exigeantes et lourdes.Elles sont dans la plupart des cas assumées par les mêmes personnes affectées aux autres actions relatives aux domaines de la paix, de la démocratie et des droits de l'Homme114(*) ». Cette situation influence à la fois la capacité de l'Organisation à accorder un suivi suffisamment attentif à tous les processus. En somme, les moyens ( financiers et humains) dont dispose l'Organisation pour mener à bien de façon globale les tâches dans le domaine de la paix, de la démocratie et des droits de l'Homme, constituent à l'évidence un des principaux points de distorsion entre les ambitions affichées et les réalités de mise en oeuvre. En effet, l'existence de ressources adéquates pour appuyer l'intervention augmente les chances de réussite et la fermeture de la Représentation du Bureau de l'OIF met en exergue la modicité des moyens de l'OIF pour conduire sa médiation et cela peut jouer sur sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires. Mais ce problème n'est-il pas la conséquence du désintérêt des Etats membres à l'action politique de la Francophonie ? En effet, bien qu'ayant adopté la transformation de la Francophonie en acteur dans la résolution des conflits, les moyens financiers ou les contributions ne sont pas venus renforcer l'ambition de l'Organisation. En outre, les Etats préfèrent se tourner vers les organisations régionales, sous régionales, voir même l'ONU, lors de l'apparition d'une crise bien souvent l'OIF est ignorée, d'où le manque d'appropriation des actions par les Etats membres. * 107 Ibid, Christine DESOUCHE p.290 * 108Trang PHAN et al, Francophonie et mondialisation, Tome 1 :Histoire et institutions : des origines à nos jours. Editions : Belin 2011, Paris p.232 * 109 Cf tableau 1 du budget de la Francophonie et de ses opérateurs (annexe) * 110 Op.cit,p.238 * 111idem * 112 Retraite sur la médiation de la francophonie : synthèse, conclusion et recommandations. Génève, 15-17 février 2007, www.francophonie.org, p 16 * 113idem * 114TASSE (Rodrigue) : Francophonie et médiation des crises politiques en Afrique francophone: le cas de Madagascar, Mémoire de Master II en Science politique option Relations Internationales. Institut des Relations Internationales du Cameroun et en cotutelle avec l'Université Jean Moulin de Lyon 3, 2012, p56 |
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