CHAPITRE III ANALYSE EMPIRIQUE
Les résultats sur la soutenabilité des finances
publiques, exposés dans le chapitre II, se fondent
généralement sur des constructions théoriques ou sur des
constats et vécus dans différents pays. Ainsi l'objectif de ce
chapitre est de les confronter aux réalités locales, à
travers deux sections. A la section I , nous ferons une analyse descriptive de
la soutenabilité des finances publiques au Tchad et dans la section II
nous présenterons l'analyse économétrique.
3.1. ANALYSE DESCRIPTIVE DE LA SOUTENABILITE DES
FINANCES
PUBLIQUES AU TCHAD
Dans les pays de la zone franc comme le Tchad, le
problème de l'équilibre de la balance des paiements est tout
à fait secondaire en raison de la garantie monétaire du
trésor français qui assure une disponibilité presque
illimitée des devises. La question du déficit budgétaire
et de son financement par l'emprunt reste en effet l'élément
essentiel d'appréciation de la soutenabilité des finances
publiques. Ainsi nous analyserons de la viabilité des finances publiques
au Tchad sur la période 2000-2010, en nous basant sur les
critères élaborés par le FMI et la Banque mondiale dans le
cadre de l'initiative PPTE qui conditionnent l'accès ou non d'un pays
comme le Tchad aux mécanismes d'allègement de sa dette
extérieure. Et également à l'une des critères de
surveillance multilatérale de la CEMAC qui obligent le Tchad au respect
des critères de convergence.
3.1.1. Analyse de la politique budgétaire
Au Tchad, comme dans la plupart des pays africains,
l'exécution du budget est soumise à de lourdes procédures.
Par ailleurs, l'inefficacité du contrôle de la conformité
aux lois fiscales et l'absence d'un système d'information
financière performant, empêchent la production de rapports
réguliers et exacts permettant d'établir avec certitude et dans
les délais, le niveau annuel du déficit public. Ainsi, pour
apprécié le caractère insoutenable du déficit
public nous utiliserons l'évolution du solde budgétaire de base.
Ce solde est obtenu à partir du Tableau des opérations
financières de l'Etat (TOFE) élaboré mensuellement.
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Tchad
Tableau 3 : Evolution du solde budgétaire
de base et part des dépenses publiques dans le FIB nominal de 2000
à 2010 (%FIB).
Années
|
Solde
budgétaire de base =0
|
Dépense totale/PIB
|
2000
|
-2,9
|
20,3
|
2001
|
-2,2
|
17,4
|
2002
|
-3,2
|
20,8
|
2003
|
-1,7
|
20,8
|
2004
|
2,1
|
23,8
|
2005
|
1,1
|
13,1
|
2006
|
3,9
|
16,5
|
2007
|
3,7
|
20,6
|
2008
|
4,9
|
23,2
|
2009
|
-7,9
|
27,4
|
2010
|
-2,8
|
34,3
|
Source : Auteur a partir des données du FMI,
consultation au titre de l'article IV, 2006, 2010, et 2013
L'analyse du tableau 4 montre que le solde budgétaire
de base a une évolution en dent de scie : Elle est négatif sur la
période pré exploitation (2000 -2003) cela est du a un faible
niveau des recettes budgétaires a cette période ; ensuite elle
est positive de (2004 -2008) correspondant au meilleur niveau de production
avec le prix du baril assez élevé ; avant d'être encore
négative (2009-2010). Ce qui nous permet de dire que le solde primaire
ne permet pas de faire face à tout au moment à la charge des
intérêts de la dette. Néanmoins, ce critère
d'équilibre annuel de court terme ne nous permet pas de savoir si la
politique budgétaire est sur une trajectoire soutenable en permanence
car il ne prend pas en compte les vulnérabilités et chocs
susceptibles de remettre en cause cet équilibre. En effet, la
primauté des résultats comptables de court terme sur les
objectifs économiques à moyen terme fait souvent perdre de vue
que la réalisation d'un excédent budgétaire peut
très bien s'accommoder d'un déficit structurel,
c'est-à-dire le déficit budgétaire corrigé
d'éléments ponctuels et temporaires ou des variations cycliques.
Dans le cas du Tchad, une bonne approximation du déficit structurel est
donnée par le solde primaire hors pétrole dont
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Tchad
l'évolution rapportée au PIB hors pétrole
donne une meilleure idée du caractère soutenable ou non des
comptes de l'Etat à moyen terme.
Tableau 4 : Evolution du déficit structurel
entre 2000 et 2010
Années
|
Solde
primaire
HP/PIBHP (%PIB hors pétrole)
|
2000
|
-1,9
|
2001
|
-1,4
|
2002
|
-2,3
|
2003
|
-3,2
|
2004
|
-3,9
|
2005
|
-5,1
|
2006
|
-15
|
2007
|
-22
|
2008
|
-28,1
|
2009
|
-17,1
|
2010
|
-20,1
|
Source : Auteur a partir des données du FMI,
consultation au titre de l'article IV, 2006, 2010, et 2013
Le tableau 5 nous illustre l'évolution du
déficit primaire hors pétrole qui, dans le cas du Tchad exclut
les revenus d'origine pétrolière, est trop tributaires de la
conjoncture internationale et du rythme des découvertes de champs. Il
n'arrive pas a s'établit au niveau de sa trajectoire d'équilibre
de 5% 8et reste sur toute la période négative.
Les recettes non pétrolières du Tchad en
pourcentage du PIB hors pétrole sont nettement inférieures
à celles des autres pays africains exportateurs de pétrole
d'où la nécessité de d'accélérer les
reformes pour renforcé la croissance hors secteur pétrolier, tout
en réduisant le déficit primaire hors pétrole.
8 Critère utilise par les Economistes au
Département Afrique du FMI, notamment dans les travaux de Daniel LEIGH
et Jan- Peters OLTERS "Gabon preparing fiscal policies for the post-oil
era», IMF Servey, juin 2006
Soutenabilité des finances publiques dans les pays
exportateurs de pétrole de la zone Cemac : cas du
Tchad
Par ailleurs, pour que la trajectoire de la politique
budgétaire soit soutenable il faut que la progression des
dépenses publiques soit inférieure en volume à la
croissance du PIB réel, à niveau des recettes donné.
Graphique 1 : Evolution comparée de la
croissance des dépenses publiques et du FIB
45,0
40,0
35,0
30,0
25,0
20,0
15,0
10,0
-5,0
0,0
5,0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010
Taux de croissance (PIB réel) Dépenses totales
Source : Auteur a partir des données du FMI,
consultation au titre de l'article IV, 2006, 2010, et 2013
Or dans le cas du Tchad le graphique figure que les
dépenses publiques croient durablement plus vite que la richesse
nationale. En moyenne, les dépenses ont progressé d'environ 11,3%
de plus que le PIB sur la période d'étude.
Cette progression plus rapide des dépenses par rapport
au PIB accentue leur rigidité à la baisse, Cela est dû pour
le Tchad par l'expression d'une volonté politique forte sur un nombre
sans cesse important des priorités gouvernementales. Ce qui conduit
à une sanctuarisation d'une part importante des dépenses
publiques. La définition des priorités gouvernementales
s'accompagne en effet dans la plupart des cas d'une programmation
financière pluriannuelle, source de dépenses nouvelles qui, par
effets de cliquet rend incompressible une part de plus en plus importante des
dépenses totales et réduit sensiblement les dépenses
discrétionnaires sur lesquelles le Gouvernement peut agir
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