F) Borner le ratio dette sur PIB
Aussi Buiter et Kletzer tentent de dériver la
contrainte de solvabilité d'un cadre théorique qu'ils estiment
mieux approprié que les modèles théoriques standard qui
partent de la contrainte de financement du gouvernement. Ils imposent des
contraintes raisonnables et suffisantes aux taxes et aux transferts pour que
leurs contraintes de faisabilité impliquent la contrainte de
solvabilité intertemporelle standard. Ils avancent l'idée que
l'analogie souvent faite avec le cas en horizon fini est potentiellement source
d'erreurs. Il n'est pas évident de spécifier quelles sont les
restrictions raisonnables que l'on peut imposer aux stratégies
d'endettement d'un gouvernement à horizon de temps infini, faisant face
à une séquence infinie de générations
imbriquées avec des horizons de temps finis, dans une économie
sans date terminale [voir Shell (1971) et Wilson (1981)]. Ces auteurs montrent
par ailleurs qu'en présence de taxes distorsionnaires (ce qui
représente le cas le plus fréquent), leurs contraintes de
faisabilité sont plus restrictives que la conventionnelle contrainte de
solvabilité. Elles impliquent un ratio de la dette aux ressources
physiques borné. Dans ce cas la contrainte de solvabilité
intertemporelle est une condition nécessaire mais pas suffisante de la
faisabilité de leurs plans fiscaux. Crettez, Michel et Wigniolle (2000)
se posent aussi la question de savoir comment la capacité d'endettement
du gouvernement est limitée par sa capacité à taxer dans
le cadre d'un modèle à générations
imbriquées et arrivent à la même conclusion que les auteurs
précédents. Lorsque le gouvernement n'est pas restreint dans ses
choix d'impôts forfaitaires, aucune contrainte budgétaire
intertemporelle ne pèse sur lui. Lorsqu'il existe des contraintes sur
les impôts que l'Etat peut lever, Wigniolle, Crettez et Michel (2000)
montrent qu'un équilibre intertemporel existe pourvu qu'une contrainte
sur la dette soit vérifiée. Cette contrainte s'énonce
ainsi : à chaque date le volume de la dette ne doit dépasser ni
la valeur du PIB courant, ni la valeur actualisée du PIB de la
période suivante. Lorsque la limite de la valeur actualisée du
PIB est nulle, ces auteurs montrent que la condition dette-PIB implique la
réalisation de l'équilibre budgétaire intertemporel. De
plus, il est impossible de pratiquer un jeu de Ponzi.
Il ressort globalement de cette section que la notion
généralement retenue de contrainte de solvabilité
intertemporelle souffre de deux limites importantes. Pour assurer la
solvabilité du gouvernement, elle assure que celui-ci ne joue pas
à des jeux de Ponzi. O.' Connell et Zeldes (1988), Blanchard et Weil
(1992), Buiter et Kletzer (1992) et Crettez, Wigniolle et Michel (2000) ont
montré que dans certaines situations, notamment lorsque la population
est
TELIMSEIN KEM-MADJE ERICK Page 33
Soutenabilité des finances publiques dans les pays
exportateurs de pétrole de la zone Cemac : cas du
Tchad
croissante, lorsque l'on est dans un environnement
stochastique, ou lorsque la possibilité de recourir à des
impôts forfaitaires est restreinte, les jeux de Ponzi étaient non
seulement possibles, mais essentiels, car ils améliorent
l'équilibre concurrentiel au sens de Pareto. Par ailleurs la contrainte
de solvabilité n'impliquait dans certaines situations que de faibles
restrictions sur la politique budgétaire. Borner le ratio dette sur PIB
est une contrainte plus forte qui implique aussi le respect de la condition de
solvabilité. Dans notre étude de la soutenabilité des
finances publiques du Tchad nous retiendrons cette dernière comme
définition de la soutenabilité.
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