Les enjeux d'une évaluation préalable d'un projet culturel. Cas de l'appel à propositions du programme ACP cultures+ (Afrique, CaraàŻbes, Pacifique).( Télécharger le fichier original )par Eric LOEMBET Université Lille 3 - Charles de Gaule - Master 2 - Recherche 2015 |
QUATRIÈME PARTIE123 Apports visés, limites et difficultés de l'étude - Résultats124 1. Chapitre premier : Apports visés, limites et difficultés de l'étude1.1. Apports visésNous ne pouvons dire si le travail de recherche que nous avons mené retiendra l'attention des acteurs ou organismes travaillant dans l'évaluation des projets, plus précisément dans l'évaluation préalable des projets culturels. Dans cette étude, nous avons voulu montrer en quoi l'évaluation préalable oriente la réalisation du projet en imposant des normes et des objectifs à atteindre. D'après Jérôme Denis (2009), une évaluation suppose le respect de règles, qu'elles soient permanentes ou provisoires, une nécessité pour pouvoir mieux cibler la finalité d'une action ou la mise en pratique des contraintes préétablies dans un dispositif. Le principe d'une évaluation préalable en amont d'une action ou d'un projet culturel suscite de la compétence, du savoir-faire et de la maîtrise du travail à réaliser, ainsi que la capacité de se mettre à la place des évaluateurs en devenant d'une certaine façon l'évaluateur de son propre projet. En se positionnant comme évaluateur de son propre projet, le porteur de projet se projette sur les intentions de son action, sur les objectifs à atteindre tout en mesurant les résultats attendus, sachant que l'évaluation préalable implique un travail d'autoévaluation qui amène le porteur de projet à s'approprier les critères d'évaluation et à les appliquer à son idée. Ce qui doit être évalué dans l'appropriation des mécanismes de la conception en amont d'un projet, c'est la capacité à améliorer dans le temps nos propres résultats et impacts en faveur du développement durable, comme le soulignent les élèves administrateurs territoriaux Laurent Djezzar et Céline Gateau-Leblanc (2008). Un porteur de projet doit être capable et a mesure d'évaluer son travail durant l'évaluation préalable, question de revoir et d'améliorer les éléments qui doivent fonder son travail. Il s'agit d'un travail de négociation qui consiste à rester fidèle à son projet tout en respectant les contraintes imposées par les évaluateurs du programme. En soumissionnant sa proposition, le porteur de projet se dit confiant et rassurant de son évaluation préalable car on retrouve dans tous les appels à propositions accompagnant le dispositif, des règles et des normes qui encadrent le processus d'évaluation. Les porteurs de projet qui soumissionnent des 125 propositions sont obligés de se soumettre aux conditions établies et doivent suivre strictement les attentes des institutions à l'origine de l'appel. Mais le ressenti sur le durcissement des conditions d'attribution des marchés suivant le dispositif contrarie les soumissionnaires. Qu'à cela ne tienne, la détermination des porteurs de projet à soumettre des projets pour financement s'explique par le courage de pouvoir présenter des idées nouvelles et porteuses de valeurs pour les bénéficiaires finaux. Le désir de proposer des projets conséquents et innovateurs qui respecteraient les critères et les obligations du programme, dont les bénéficiaires finaux profiteront des effets de la mise en place, est une démarche qui confirme les intentions des porteurs de projets. Vouloir reculer ou se résigner à ne rien faire, c'est se soumettre à la loi de l'incompétence. Les porteurs de projet sont face à leur destin et contraints à la démonstration de leurs compétences dans la réalisation d'une proposition répondant aux normes établies. Les porteurs de projet sont des acteurs de terrain qui à la base ont des compétences et des qualités pour pouvoir conduire les projets culturels. Certain parmi eux ont suivis des formations spécifiquement culturelles dans le management et le montage des projets culturels. D'autres par contre, s'en tiennent uniquement à leurs bagages universitaires ou estudiantins. N'ayant pas eu accès à des informations concernant la formation que donne le programme ou le dispositif d'accompagnement pour aider les porteurs de projets dans le montage de leurs dossiers, il serait souhaitable pour le compte des institutions d'octroi de subvention d'organiser des sessions de formations en amont avant soumission de propositions pour le compte des porteurs de projet. Dans une étude-enquête réalisée par Marta Carrascosa et Victoria Werlé en 2010, pour le compte du Programme UE-ACP d'appui aux industries culturelles des pays ACP, les deux enquêtrices proposent : « Dans le secteur culturel il existe beaucoup de jeunes structures prometteuses, engagées et riches en idée. Il faudrait pouvoir leur donner l'opportunité de participer à nos projets en ouvrant le programme à ces organisations émergentes. Pour ce faire, un système de 126 parrainage pourrait être mis en place entre le porteur de projet et la jeune structure ». Une proposition qui devrait ouvrir les portes sur l'amélioration et les ajustements concernant le programme ACP Cultures+, afin de rendre accessible le programme à tous. Le cadre logique présenté dans la proposition d'un projet ou d'une action est une manne pour les porteurs de projet. À mieux lire et s'approprier le contenu du programme ACP Cultures+, le soumissionnaire qui a bien réalisé son évaluation préalable de terrain assumerait les normes d'éligibilité. Car le dispositif dans son ensemble accompagne les porteurs de projet dans la conception théorique d'un projet sans erreurs. Il suffit pour eux de se l'approprier et d'en faire bon usage. Nous ne pouvons oublier ou négliger le côté apprentissage et renforcement des compétences. Les porteurs de projet doivent se former et s'assurer d'avoir les compétences requises pour répondre aux appels à propositions sans toujours compter sur les cabinets conseils. La formation destinée aux porteurs de projet en amont de la conception des projets avant soumission à l'appel à propositions, devrait être au centre des intérêts des organismes d'octroi de subvention. De même pour les porteurs de projet, ils doivent également se professionnaliser dans le domaine en suivant des formations qualifiantes et diplomates dans le montage des projets culturels. La formation est un moyen d'accès aux apprentissages permettant de mieux comprendre les termes de référence et les spécifications techniques du programme ACP Cultures+. En analysant les questionnaires reçus, on perçoit des lacunes et des manquements de la part des porteurs de projet dans la conception de leurs projets et dans la compréhension des règles du dispositif. Par rapport à notre questionnement de départ pour cette étude, on s'étonne moins du rejet des propositions des soumissionnaires en analysant les réponses aux questionnaires. Certes, la compréhension du programme ACP Cultures+ demande de la compétence et un savoir au regard de son contenu. Il est important de signifier que tous les porteurs de projet n'ont pas le même capital culturel ou intellectuel, il y a ceux en dehors de leurs formations universitaires ou estudiantines, ont une formation spécifique 127 culturelle sur le montage des projets et le management culturels, il y a d'autres qui ont uniquement une formation universitaire ou estudiantine. Du point de vu bagage culturel ou intellectuel, tous ne sont pas logés à la même enseigne dans la compréhension et la prise en compte du programme ACP Cultures+. Cela n'empêche personne de pouvoir soumissionner les propositions, juste un peu du savoir-faire et de l'appropriation du PRAG (Pratical guide) dans la conception des projets. Ceci ne veut pas dire qu'ils sont incompétents, loin de là. Par ailleurs, le niveau d'évaluation de la proposition ou de la note de présentation de la part des institutions de subvention devrait être revu au regard de l'éligibilité des propositions des porteurs de projet des pays du Sud par rapport à ceux des pays du Nord qui ont plus d'expérience et de compétences professionnelles. Dans un entretien14 accordé par Mme Michèle Dominique Raymond, responsable du programme ACPCultures+ pour un site internet lors du festival de cinéma de Cannes, elle déclare ce qui suit : Nous avons pris en compte les remarques et difficultés rencontrées par les porteurs de projet pour répondre à nos appels à propositions. C'est pourquoi nous avons considérablement simplifié et allégé les lignes directrices de notre dernier appel, et notamment les critères d'éligibilité des actions soutenues. Nous avons conscience que le modèle des appels à propositions, qui sert de référence quel que soit le secteur considéré, n'est pas parfaitement adapté aux industries culturelles et encore moins au cinéma. Cependant, nous ne pouvons y déroger car si l'on souhaite que la culture soit considérée comme un secteur de l'aide au développement à part entière, alors ses opérateurs ne peuvent avoir de traitement de faveur, ni pendant la phase de dépôt de leurs projets ni au cours de leur évaluation. En outre, nombre de bénéficiaires reconnaissent que l'expérience acquise au cours du montage des projets puis dans le cadre 14 Entretien d'Olivier Barlet avec Mme Michèle Dominique Raymond, responsable du programme ACPCultures+. "LE CINÉMA A LE POTENTIEL DE CRÉER DES RESSOURCES ET DES EMPLOIS" - See more at: 128 de leur gestion, leur est bénéfique car elle renforce leurs compétences. J'aime à rappeler que la culture, si elle est le vecteur de nos expressions artistiques et de la diversité culturelle ACP, est également une industrie qui, plus que jamais, doit faire face aux contraintes économiques et maîtriser les cadres, règles et procédures existants pour assurer sa survie. Mais toutes ces considérations ne nous empêchent pas de réfléchir à l'appui que nous pourrions apporter aux opérateurs, en amont, pour les aider à finaliser leurs dossiers. Nous projetons à ce sujet d'organiser une table ronde entre bailleurs et opérateurs pour nourrir et partager ces réflexions Des explications et des éclaircissements dont les porteurs de projets devraient prendre note et s'en approprier, dans le cadre de l'évaluation préalable de leurs propositions et de sortir des doutes qui minent leurs esprits. Un discours qui résume en mieux la démarche que devrait emprunter les porteurs de projets dans la conception et l'évaluation préalable des propositions. De la prise en compte des remarques et difficultés rencontrées par les porteurs de projets, de l'assouplissement des conditions d'accession au programme pour tous, ainsi que d'une éventuelle réflexion que le programme souhaite mener concernant l'appui à apporter aux opérateurs, en amont, pour les aider à finaliser leurs dossiers, c'est une prise de conscience de la part du programme au regard des attentes des porteurs de projets et une aubaine pour les soumissionnaires dans l'exercice de leur travail. |
|