1.3.1.7. Théorème de l'effet
d'éviction
Au lieu de financer l'accroissement des dépenses
publiques par l'impôt, les pouvoirs publics peuvent opter pour une
politique d'emprunt national (S = G). Celle-ci a un impact sur le marché
financier qui nécessite d'être connu.
Si l'emprunt est organisé de manière à
toujours sauvegarder l'équilibre classique, trois effets peuvent
être observés :
· une hausse du taux d'intérêt ;
· un accroissement du montant total du capital financier
emprunté ;
· une baisse de l'investissement privé
consécutif au renchérissement du crédit.
L'effet de la baisse de l'investissement privé
résultant de la demande du secteur public est appelé effet
d'éviction. L'effet multiplicateur de G est par conséquent
réduit d'un montant correspondant à l'effet multiplicateur de
l'investissement privé évincé par l'emprunt public.
Le théorème s'énonce comme suit :
« Une variation des dépenses publiques, lorsqu'elle est
intégralement financée par l'emprunt, n'a d'effet multiplicateur
sur le revenu national d'équilibre que pour le montant de ces
dépenses diminué du montant de l'investissement privé
évincé ».
1.3.1.8.. La remise en question des effets multiplicateurs
L'efficacité de la politique budgétaire
dépend fondamentalement de la relance de l'activité
économique par les différentes manipulations budgétaires
que nous venions de passer en revue. Le multiplicateur ne joue
réellement que si la totalité voire la grosse partie des revenus
distribués est affectée à la consommation. Or, cela n'est
pas toujours le cas, l'épargne étant considérée
comme une fuite éventuelle.
Il suffit de se rappeler, par exemple, que dans
l'hypothèse d'une politique des transferts, toutes les sommes
perçues par divers bénéficiaires ne sont pas
nécessairement affectées à la consommation. S'agissant
notamment des pensionnés (civils et militaires), une fraction des
transferts reçus est épargnée au profit des enfants ou des
petits-enfants.
D'autre part, l'effet d'éviction décrit
ci-dessus témoigne, si besoin en était encore, de la limite de ce
mécanisme. En cas de plein-emploi, tout accroissement de dépenses
publiques ne pourrait qu'entraîner une réduction de l'offre du
secteur privé par transfert de facteurs de production vers le secteur
public ou une diminution de la demande de biens et services privés par
l'intermédiaire d'une hausse des prix. Il faut noter que l'effet
d'éviction n'est pas envisageable dans un contexte notamment de
chômage massif.
L'effet multiplicateur peut également être
amoindri par d'autres facteurs tels que : les impôts, les
dépenses en biens et services importés. On a remarqué en
effet qu'en Belgique, entre 1974 et 1981, ainsi qu'en France en 1981-82, les
politiques de soutien budgétaire de la demande auraient plus
creusé le déficit extérieur au lieu de stimuler
l'activité économique domestique.
Ces critiques ne doivent nullement être
interprétées comme remettant entièrement en cause les
politiques budgétaires d'inspiration keynésienne. Elles devraient
plutôt servir à attirer l'attention des pouvoirs publics sur le
caractère sélectif des politiques de relance au point de ne
privilégier que les dépenses publiques ayant un plus grand effet
multiplicateur sur l'activité économique et l'emploi.
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