CONCLUSION
La disparition de la société commerciale est une
réalité certaine et parfois inévitable. Sans nul doute,
cet avènement a toujours un effet, positif ou négatif, sur les
travailleurs de la société et sur leurs contrats de travail.
Pendant cette période généralement de
crise pour les travailleurs, ces derniers s'interrogent souvent sur le sort de
leurs contrats de travail et sur leurs créances de salaire, parce qu'ils
ne sont pas toujours certain de pouvoir faire valoir leurs droits, étant
donné par ailleurs que les licenciements s'avèrent
indispensables. Cependant, il est évident qu'ils sont reconnus comme
créanciers privilégiés de la société, et
bénéficient par conséquent d'une protection légale
spéciale.
Au cours de nos développements, nous avons
démontré que l'AUSCGIE et l'AUPC réglementent le
problème de disparition des sociétés et tout ce qu'elle
implique, tout en prévoyant les règles à suivre selon
qu'il s'agit de la dissolution, de la liquidation ou de la procédure
collective de liquidation des biens. Aussi, ils donnent des solutions
considérables quant au traitement des créances de salaire.
S'agissant de la dissolution, bien qu'elle entraîne la
mise en liquidation de la société, elle maintient cependant sa
personnalité morale pour les besoins de la liquidation. Les travailleurs
peuvent être licenciés pour motif économique si besoin est
; les associés de leur côté perdent le droit de
représenter la société, au profit du liquidateur,
nommé par eux-mêmes ou par le tribunal. C'est le liquidateur qui
est de payer les créanciers ; raison pour laquelle les travailleurs
pourront avoir une action sur lui pour le paiement de leur créance de
salaire.
Quant à la liquidation, cette dernière
éteint définitivement la personnalité morale de la
société. Le liquidateur reste l'acteur principal dans cette
étape et est chargé d'un bon nombre de devoirs parmi lesquels la
réalisation de l'actif de la société et le
désintéressement des créanciers. Une fois la liquidation
clôturée, et s'il existe encore des réclamations, les
travailleurs ne peuvent plus s'adresser à la société car
celle-ci n'existe plus. Ils auront dès lors une action directe contre
les associés. En outre, on ne peut parler de contrat de travail en cours
à cette étape.
Dans la procédure collective de liquidation des biens,
laquelle est conditionnée par une cessation des paiements
avérée et insurmontable, le jugement ordonnant cette liquidation
prévoit des normes à suivre pour mieux
désintéresser les créanciers. Pour ce faire, il groupe les
créanciers en état d'union et nomme des organes pouvant mener
à bien cette procédure, les associés ayant perdu le droit
d'engager la société la société. Ces organes sont
le syndic, le juge-commissaire et éventuellement les contrôleurs.
Le syndic est
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chargé de réaliser l'actif, d'apurer le passif
et de désintéresser les créanciers suivant l'ordre des
paiements établi par la loi. Les travailleurs ont, dans cette
procédure, un grand rôle à jouer, notamment en tant que
contrôleurs. Ils bénéficient aussi du privilège
général des salaires, mais n'échappent pas au licenciement
pour motif économique initié par le syndic.
Les règles légales données semblent
parfaites pour trouver des solutions aux problèmes survenant dans cette
matière. Cependant, dans la pratique, l'insatisfaction de l'une ou de
l'autre partie est toujours au rendezvous. Il en résulte que la cause
demeure le non-respect des prescriptions légales. D'où
l'augmentation des litiges en la matière devant les cours et
tribunaux.
Qu'à cela ne tienne, le moins que l'on puisse dire est
que les travailleurs nécessitent une protection particulière
lorsque la société est en voie de disparition, étant
donné qu'ils constituent la partie économiquement faible. C'est
pourquoi, en vue d'une amélioration future de la marche des
procédures menant à la disparition de la société
sus évoquées et d'une protection efficace des
intérêts des travailleurs ainsi que ceux de la
société en disparition, nous faisons des suggestions et des
recommandations suivantes :
1. Pour la protection des droits des travailleurs congolais,
la législation congolaise en matière du travail devra
prévoir un système de garantie de salaire en cas des
procédures collectives par des organismes efficaces à l'instar de
l'AGS en France.250
2. Etant donnée la difficulté trouvée
dans la conciliation de la notion de super privilège251 avec
le droit congolais qui, non seulement ne la distingue pas du privilège,
mais aussi ne la prévoit même pas ; il est d'une importance
capitale pour le législateur OHADA d'une part d'envisager une
interprétation en la matière, et pour le législateur
congolais d'autre part d'envisager une adaptation en vue d'une application
aisée.
3. Dans la procédure de liquidation des biens, le
droit OHADA devrait prévoir la représentation de la
société en liquidation par un autre organe à
côté du syndic en vue d'éviter un conflit de fonctions dans
le chef du syndic. En effet, c'est seul le syndic qui est chargé de
représenter en même temps la masse des créanciers, le
débiteur (la société), et le tribunal. On ne voit pas
comment les
250 La loi française n°73-1194 du 27
décembre 1973 instaure un système de règlement des
créances résultant du contrat de travail en cas de
procédure collective de l'employeur. Ce régime «
d'assurance » est géré par l'association pour la
gestion du régime de garantie des créances des salariés,
appelée « AGS » (Assurance Garantie des salaires). Cet
organisme prend en charge certaines créances que l'employeur n'est pas
en mesure de régler sur les premiers fonds disponibles de l'entreprise,
après ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, de
liquidation des biens ou sous certaines conditions d'une procédure de
sauvegarde. C'est un organisme patronal fondé sur la solidarité
interprofessionnelle des employeurs et financé par leurs cotisations.
Elle garantit le paiement des sommes dues aux salariés dans les
meilleurs délais, conformément aux conditions fixées par
le code du travail français.
251 Le droit OHADA lui-même n'a ni défini cette
notion ni prévue les modalités de sa mise en pratique.
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droits propres de la société en disparition
pourraient être mis en oeuvre et comment ses intérêts
pourraient être protégés (par exemple une action en recours
contre la décision du syndic ou du juge-commissaire). Il est donc
inconcevable que le syndic soutienne lui-même deux actions
contradictoires ou deux intérêts opposés.
4. Le droit du Travail congolais doit être revu, enrichi
et adapté à la vision du droit OHADA, notamment dans les
matières ayant trait aux procédures collectives d'apurement du
passif, car ces matières impliquent le sort et le rôle des
travailleurs face à leur débiteur en difficulté ou face
à une société menacée de disparition et ne sont
presque pas abordées par le législateur congolais en
matière du travail.
Il nous est impérieux de signaler enfin que nous
n'avons pas la prétention d'affirmer que notre étude est
complète et exhaustive. Nous osons croire qu'elle a certainement ouvert
d'autres champs de recherche qui nous compléterons.
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