§2 CONFLITS DE TRAVAIL
Les conflits existent toujours dans les entreprises. Ils sont
inévitables entre les patrons et les salariés pour autant que
d'une part l'appétit de chacun des deux camps est plus ou moins
insatiable, alors que les moyens de les satisfaire sont nécessairement
limités et d'autre part, il est fatal que certains commandent et
d'autres obéissent. Cette loi de la vie sociale soulève par
elle-même dans l'organisation complexe de toute société
industrielle, des oppositions d'intérêt que l'on peut rendre
tolérables, mais qu'il n'est jamais possible d'éliminer
totalement.92 Ces conflits peuvent être collectifs ou
individuels.
A. Litiges individuels de travail
1. Notions
Si l'on en croit MUKADI BONYI, l'exécution d'un
contrat de travail conclu entre l'employeur et le travailleur peut se
dérouler sans heurt depuis la date de la conclusion jusqu'au moment
où le travailleur prend sa retraite. Mais il n'est pas rare que cette
exécution soit émaillée d'incidents qui affectent la
carrière du travailleur. On assiste dans ce cas à la naissance
des litiges individuels de travail.93
Le litige individuel est un conflit survenant entre un
travailleur et son employeur à l'occasion de l'application de la
réglementation du travail. Au sens large, le litige individuel oppose un
ou plusieurs travailleurs à l'employeur au sujet du respect pour ce
dernier d'une disposition légale ou conventionnelle dont la violation
est sanctionnée par les tribunaux spécialisés en
matière du travail.
Il sied de noter que le fait générateur d'un
litige individuel n'est rien d'autre que la divergence des points de vue entre
l'employeur et le travailleur concernant les conditions du travail.
2. Règlement
L'article 298 du code du travail prescrit que les litiges
individuels ne sont pas recevables devant le Tribunal du Travail s'ils n'ont
été préalablement soumis à la procédure de
conciliation, à l'initiative de l'une des parties, devant l'Inspecteur
du Travail du ressort.
92 MUKADI BONYI, Droit du travail, CRDS,
Bruxelles, 2OO8, p. 603.
93 Idem, p. 633.
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Cette disposition montre que le règlement des litiges
individuels suppose tout d'abord le respect préalable d'une phase
administrative et ensuite, en cas d'échec de la première phase,
l'initiation d'une phase judiciaire.
a) La phase administrative ou la conciliation
préalable
Cette phase se déroule devant l'inspecteur du travail
suivant un certain nombre des modalités. Elle revêt deux
caractères : obligatoire et préalable.
Avant de saisir le Tribunal compétent, la partie qui
prend l'initiative doit saisir d'abord l'inspecteur du travail en lui adressant
une plainte conformément à la loi. L'inspecteur du travail
convoque la partie adverse pour procéder à l'échange de
vue sur l'objet du litige et pour vérifier si les parties sont
disposées à se concilier.94 Cette phase est
sanctionnée par un procès verbal (PV) de conciliation ou de
non-conciliation.
Lorsque les parties se mettent d'accord, il sera
dressé un PV de conciliation. Par contre, si elles ne se mettent pas
d'accord, l'inspecteur dresse un PV de non conciliation. Si l'une des parties
n'a pas répondu à la convocation de l'inspecteur du travail, il
est dressé un PV de carence valant PV de non conciliation. C'est ce PV
de non conciliation qui ouvre la voie à la phase judiciaire.
b) La phase judiciaire
En cas d'échec de la phase administrative, le litige
peut être soumis au Tribunal du Travail.95 Le Tribunal ne peut
être saisi que si la procédure de conciliation a été
sanctionnée par un PV de non conciliation et le cas
échéant, par un PV de carence.
B. Conflit collectif de travail
1. Notions
Est réputé conflit collectif du travail, tout
conflit survenu entre un ou plusieurs employeurs d'une part, et un certain
nombre de membres de leur personnel d'autre part, portant sur les conditions de
travail, lorsqu'il est de nature à compromettre la bonne marche de
l'entreprise ou la paix sociale.96
Le moins que l'on puisse dire est que les conflits collectifs
touchent aux intérêts d'un groupe des travailleurs au sujet des
conditions du travail, et que ce conflit est susceptible de provoquer de
l'imbroglio au sein de l'entreprise.
94 Article 300, Code du Travail.
95 Article 302, Code du Travail.
96 Article 303, Code du Travail.
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2. Règlement
Le conflit collectif du travail peut être
réglé soit par négociation entre parties, soit par
l'intervention d'un tiers ou d`une décision de justice. La loi
prévoit deux procédures de règlement de ce conflit,
à savoir la procédure conventionnelle et la procédure
légale.
a) La procédure
conventionnelle97
Elle comporte deux étapes : la conciliation et
l'arbitrage. ? La conciliation
A ce niveau les travailleurs représentés et
l'employeur se mettent autour d'une table pour tenter de trouver un terrain
d'entente. Cette procédure est menée par les parties
elles-mêmes sans le concours de l'inspecteur du travail.
A l'issue de la conciliation, soit un compromis a
été trouvé, soit un désaccord a eu lieu. Dans tous
les deux cas, un PV doit être dressé. S'il s'agit d'un accord, la
conciliation est réglée. Mais s'il s'agit d'un désaccord,
le conflit sera soumis à l'arbitrage, avec le PV de non conciliation.
? L'arbitrage
L'arbitre est choisi par accord entre parties ou selon les
modalités prévues dans la convention collective.98
L'arbitre désigné ne statue que sur ce qui est prévu
dans le PV de non conciliation. La sentence arbitrale doit être
motivée et s'impose aux parties. En cas d'échec à cette
étape, les parties sont obligées de recourir à la
procédure légale.
b) La procédure
légale99
Cette procédure comporte également deux
étapes : la conciliation devant l'inspecteur du travail ainsi que la
médiation.
? La conciliation devant l'inspecteur du
travail
Cette conciliation est menée à ce niveau par
l'inspecteur du travail, saisi par la partie diligente ou d'office dès
qu'il a connaissance de ces conflits. Comme toute conciliation, il y a deux
issues possibles : accord ou désaccord. En cas de non conciliation,
totale ou partielle, le conflit est obligatoirement soumis à la
procédure de médiation. A cet effet, l'inspecteur du travail doit
soumettre le dossier à qui de droit.
97 Articles 304 à 306, Code du Travail
98 La convention collective est un accord écrit
relatif aux conditions et aux relations de travail conclu entre un ou plusieurs
employeurs ou syndicats d'employeurs et un ou plusieurs syndicats des
travailleurs (Articles 272 à 296, Code du Travail).
99 Articles 307 à 315, Code du Travail.
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? La médiation
L'inspecteur du travail transmet dès lors le dossier
dans les 48 heures au Gouverneur de province lorsqu'un ou plusieurs
établissements situés dans une seule province sont
concernés, ou au Ministre du travail lorsque plusieurs
établissements d'une même entreprise ou plusieurs entreprises
situées dans plusieurs provinces sont concernés.
L'autorité saisie constitue une commission
spéciale de médiation, dont la composition doit être
bipartite et présidée par le président du Tribunal de paix
du ressort ou son délégué. Le président est
assisté par un assesseur employeur et un assesseur travailleur,
désignés par leurs organisations professionnelles, lesquels
doivent être étrangers à l'établissement
concerné.
A l'issue de la médiation, un PV est établi et
signé par les membres de la commission et les parties
représentées, et cela en cas d'accord. S'il s'agit de
désaccord, la commission formule des recommandations motivées,
lesquelles sont immédiatement communiquées aux parties. A leur
tour les parties ont sept jours francs pour réagir à ces
recommandations.
Si le désaccord persiste, les conflits seront
portés devant les tribunaux du travail.
Ce qui précède était une procédure
pacifique de règlement des conflits collectifs de travail. Il arrive
souvent que les conflits ne soient pas réglés à l'amiable,
et on recourt généralement à des solutions non pacifiques,
telles que la grève (cessation collective et concertée du travail
par le personnel de l'entreprise)100 et le lock-out (mesure de
fermeture temporaire de l'entreprise décidée par l'employeur
à l'occasion d'un conflit collectif de travail)101.
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