Le sens de la numération décimale à travers le groupement par 10.( Télécharger le fichier original )par Victoria Settbon Paris Est Creteil - Master Metiers de là¢â‚¬â„¢enseignement de là¢â‚¬â„¢éducation et de la formation 2015 |
Etayage du questionnementAfin d'affiner mon questionnement et dans le but qu'il devienne une problématique testable grâce à une expérimentation, j'ai pris comme supports théoriques certains articles abordant le thème de la numération à l'école élémentaire, et plus particulièrement le domaine du groupement. Je garde comme question naïve « Existe-t-il une méthode favorable à une bonne compréhension de la numération ? » (p.4) et la transforme en « Est-ce que l'approche par les groupements favorise les apprentissages de la numération ? Comment donner du sens à cet apprentissage et en particulier aux conventions liées à l'écriture des nombres ? » Je centre ma recherche sur cette question naïve car il me semble intéressant d'étudier les différentes méthodes ou techniques utilisées en termes de groupements qui aideront les élèves à mieux appréhender le système de numération décimale. Ci-dessous, j'expliciterai les différentes méthodes et techniques de groupements utilisées dans les différents textes que j'ai pu lire. I. Le groupement par écrit, le groupement par oralDans les différents articles que j'ai pu lire, la technique de groupement seulement évoquée est celle du groupement par écrit. En effet, certaines études ont été menées pour voir comment réussir à amener les élèves aux groupements, dans le but qu'ils acquièrent une bonne compréhension de la numération. C'est grâce à ces différents articles que j'ai pu remarquer l'importance de l'écriture dans la compréhension de la numération. Selon Bednarz et Janvier (1984) et leur article lié aux difficultés que suscite la numération dans son apprentissage, on peut relever au cycle 1 une grande insistance mise sur le passage de l'écriture symbolique du nombre « chiffre, position » à la symbolisation « unités, dizaines, centaines,... ». Pour les élèves, un nombre est une suite de chiffres ; ils ne donnent aucun sens aux mots dizaines, centaines etc. et ne s'intéressent qu'à la place de l'écriture (non à son sens). Aussi, ces deux auteurs soulignent le fait que toute représentation d'un nombre apparait selon un alignement reprenant l'ordre de l'écriture conventionnelle du nombre : l'enfant fait une association directe entre un nombre et une position. Exemple : Ici, on remarque bien que l'alignement et la position des dessins dans le premier cas va inciter l'élève à écrire le nombre 231, sans pour autant comprendre qu'un carré est une centaine, un rectangle est une dizaine et un bâtonnet est une unité. Tandis que dans le deuxième cas de figure, si les élèves ne donnent pas de sens aux dessins représentés, ils auront beaucoup de difficultés à trouver le nombre correspondant, puisqu'ils sont placés dans le plan de façon inhabituelle. Les auteurs montrent ainsi l'aide que les différents manuels ou même les enseignants offrent aux élèves dans l'écriture des nombres, sans prêter attention au sens. Elles relèvent aussi que les élèves ont une conception de la complexité du nombre uniquement basée sur la taille : plus un nombre est grand, plus il est compliqué, difficulté qui posera surtout problème lors de l'introduction des nombres décimaux. Dans ce texte, les auteurs relèvent de nombreuses difficultés liées à l'apprentissage de la numération que nous verrons par la suite. Ce qu'elles recommandent aux enseignants est de moins s'axer sur l'écriture ou sur les règles qu'ils transmettent aux élèves de façon assez mécanique et de mettre d'avantage l'accent sur le sens que l'enfant doit accorder à l'écriture. En effet, les enseignants pensent peut être que la signification véritable de la position d'un chiffre dans un nombre est une notion qui coule de source aux yeux des élèves, c'est pour cela que lorsque l'enfant rencontre une difficulté, il n'a aucun recours autre que celui de l'écriture pour l'aider puisqu'il n'aura pas donner de sens à la numération elle-même. On peut noter des limites à cet article puisqu'il date d'une trentaine d'années et il existe de nouvelles études beaucoup plus actuelles, auxquelles s'intéresser. Aussi, l'étude a été faite au Canada ; bien que les programmes en numération soient très proches des programmes français, les pays comportent des différences, dont le fait qu'il n'y ait pas d'école maternelle au Canada et qu'en France, l'apprentissage de la numération se fasse dès cette dernière. Cela pose donc la question des effets de ces choix, qu'on pourrait éventuellement analyser en comparant les deux pays. Un article plus récent d'Aigoin et Guebourg (2004) va nous permettre de réaliser à quel point l'écriture est importante dans la notion de groupement, surtout lorsqu'il s'agit d'un moyen de communication entre deux groupes. Dans cet article, les auteurs font un rapport de l'écart qui peut exister entre les élèves ayant une bonne compréhension du système de numération et ceux ayant des lacunes concernant celui-ci. En effet, à partir d'une expérimentation faite en classe de CP, les élèves sont placés face à une situation problème (situation dans laquelle l'élève est confronté à trouver des solutions à un problème de façon autonome, dans le but d'acquérir de nouvelles connaissances), dans laquelle ils doivent dénombrer un nombre x de gommettes et le transmettre à un autre élève de façon écrite (expérience du « bon de commande »). Les deux groupes A et B étant confrontés sont respectivement les groupes qui ont : - Une bonne compréhension de la numération (comptine numérique jusqu'à 100 (voire au-delà), association de l'écriture chiffrée au mot-nombre, comparaison des nombres, classement dans l'ordre croissant ou décroissant, élaboration d'une file numérique etc.) - Une compréhension moins évidente de la numération (les élèves ont connaissance de la chaine numérique jusqu'à 30 et au-delà) Nous avons besoin de connaître l'expérimentation mise en place par les auteurs afin de comprendre l'importance du groupement écrit. Cinq équipes sont mises en places. Chaque équipe comprend un élève du groupe A et plusieurs élèves du groupe B. La première expérience consiste à ce que les élèves du groupe A dénombrent la quantité d'objets qui leur est donnée (sur une feuille A3), puis la transmettent par l'intermédiaire d'un bon de commande aux élèves du groupe B. Les élèves du groupe B doivent déchiffrer le bon de commande et donner l'exact nombre de gommettes aux élèves du groupe A afin qu'ils puissent les coller sur chaque objet de la collection. Les élèves n'ont pas le droit de communiquer entre les groupes autrement que par le bon de commande, ce qui crée une situation d'incompréhension entre les deux groupes à laquelle il va falloir remédier. Le choix de cette situation a été fait afin que les élèves des deux groupes créent une procédure de communication, en abandonnant l'écriture chiffrée (qui pouvait également être faussée du fait que certains élèves du groupe A ne savaient pas transposer la quantité à l'écriture chiffrée), en abandonnant l'oral, et en privilégiant le groupement. La variable didactique qui influe énormément ici est le nombre d'objets dans la collection qui est supérieur à 30, c'est-à-dire supérieur à ce que les élèves du groupe B connaissent, ce qui rend la tâche beaucoup plus fastidieuse pour eux. En effectuant cette expérience, les auteurs ont pu se rendre compte que dans une situation où elles confrontaient des élèves ayant une bonne connaissance du système décimal (groupe A) à des élèves n'en ayant qu'une connaissance minime (groupe B), les élèves de ce dernier groupe ressentaient une frustration. Assurément, lorsque les élèves comprennent qu'il y a un décalage entre ce qu'ils savent et ce que les autres savent, ils se trouvent surpris de ne pas pouvoir réaliser correctement la tâche, en comparaison avec leurs camarades, surtout dans la petite classe qu'est le cours préparatoire. C'est en cela qu'une bonne compréhension, dès le départ, du système de numération décimal, permettrait de diminuer l'hétérogénéité entre les élèves et le décalage de niveaux entre ces derniers. Il serait idéal que les élèves aient le même niveau de connaissance et que les apprentissages soient faits de la même façon dans les classes, mais il ne s'agit que d'une idéologie à laquelle il faut se confronter. Chaque élève a son propre mode d'apprentissage et certains élèves avancent plus vite que d'autres. Mais c'est également cela qui engendre les lacunes des uns pendant que les autres avancent. Mais comment peut-on faire pour que les élèves puissent se comprendre d'une façon simple et conventionnelle sans en connaître trop de la numération ? Dans cet article, l'expérience a pour objectif de créer une stratégie de dénombrement identifiable par tous sans avoir recours à l'écriture chiffrée (puisque non décodable par tous les élèves) et d'abandonner le dénombrement terme à terme. C'est à partir de là que commence la base de la compréhension du système de numération français. On passe ici d'une situation de dénombrement à une situation de communication écrite, dans le but d'avoir le nombre de gommettes correspondant au nombre d'éléments de la collection. Le fait que les élèves des groupes n'aient pas pu communiquer entre eux a été un tremplin dans leur réflexion. Il est vrai que, pour se comprendre, les élèves ont du élaborer une stratégie n'utilisant ni l'écriture chiffrée, ni la communication orale. Cet article nous renseigne sur l'apprentissage d'une écriture chiffrée du dénombrement qui amènera ensuite à la compréhension de la numération grâce aux groupements. Mais il serait intéressant d'effectuer le même genre d'expérience en utilisant les mots-nombres. On pourrait alors se concentrer sur l'aspect oral du nombre et tenter de voir si cela peut aider les élèves à comprendre notre système décimal positionnel. Pour cela, les élèves n'auraient pas à transmettre un bon de commande mais devraient directement demander à voix haute le nombre de gommettes dont ils ont besoin. Cela amènerait à la compréhension du sens de la numération grâce à l'oralisation (exemple : si l'élève demande 52 gommettes, le mot « cinquante » pourrait faire sens si l'élève comprend qu'il s'agit de cinq dizaines et le mot « deux » de deux unités, mais il s'agit d'une notion compliquée surtout en classe de CP). Grâce à la lecture d'un troisième article de Hilli et Ruellan-Le-Coat (2009), dans lequel les auteurs provoquent le dénombrement, le bon de commande est également mis en avant. Il s'agit pour les élèves de dénombrer une quantité de bougeoirs se trouvant sur un gâteau fictif (assiette en carton), afin de passer commande du nombre de bougies correspondant à Freddy la grenouille. Freddy est représentée par une marionnette mais elle est sourde et ne sait lire que les chiffres de 1 à 9. C'est la contrainte de l'expérimentation qui va faire que les élèves n'auront pas d'autre choix que de réaliser des groupements car le nombre de bougeoirs sera supérieur à 9. Bien que la plupart des élèves n'y arrivent pas du premier coup, l'obstacle de la surdité de la grenouille joue un rôle très important puisqu'il bloque la demande orale des élèves. En effet, si les élèves dénombrent, par exemple, vingt-huit éléments dans la collection, la grenouille lira 2 - 8 (« deux - huit ») et comprendra donc dix éléments. Cet obstacle force les élèves à chercher la stratégie de groupement, sans aucune aide de l'enseignant (contrairement à l'article d'Aigoin et Guebourg (2004) où l'enseignant faisait émerger l'idée de groupement lors d'une mise en commun avec les élèves), et à élaborer une situation de communication leur permettant d'obtenir le nombre de bougies correspondant parfaitement au nombre de bougeoirs. Lors de cette activité, la stratégie gagnante était en fait d'additionner des paquets (inférieurs à 9) afin d'avoir le nombre requis de bougies (exemple : pour 18 bougies, les élèves devaient écrire 9, 9 sur leur bon de commande / pour 16 bougies, les élèves pouvaient écrire 9, 7 ou alors 8, 6 etc.). Tous les élèves ont trouvé la stratégie gagnante, certains au bout de huit essais. Dans ce même article, on relève l'activité « Le grand Ziglotron » qui est une activité se déroulant sur cinq séances et qui a pour objectif de reconnaître la valeur positionnelle des chiffres dans l'écriture des nombres en lien avec le groupement par dix. Lors de la première séance, les élèves doivent demander oralement le nombre de boutons qu'il leur faut. L'enseignant précise bien qu'il existe des plaques de dix boutons et que les élèves doivent demander le nombre exact de plaques de dix boutons et de boutons isolés qu'il faut à leur Ziglotron. La deuxième séance consiste en un travail similaire, sauf que les élèves ne demandent plus oralement leurs commandes mais doivent l'écrire sur le bon de commande ci-dessous : Les autres séances seront explicitées dans la suite de cette note de recherche. Après lecture de ces trois articles, on peut évidemment se rendre compte que les méthodes utilisées par les différents auteurs font souvent appel à la communication (en effet la façon dont on dit ou écrit les nombres est un code, une convention qui ne devient nécessaire que lorsqu'on cherche à exprimer une quantité pour quelqu'un d'autre que soi, et cette communication repose surtout ici sur l'écriture en utilisant comme contrainte l'interdiction de la communication orale. Grâce à cela, j'aimerais pouvoir observer dans une classe si l'articulation entre l'oral et l'écrit permettrait aux élèves de mieux comprendre le sens de la numération décimale. Voyons maintenant la place de la manipulation et du matériel dans l'exécution de ces mêmes expérimentations. |
|