2.14. EXPOSITION DU PUBLIC AUX
RAYONNEMENTS ELECTROMAGNETIQUES EMIS PAR LES STATIONS DE BASE DES RESEAUX
DE TELEPHONIE MOBILE ET PAR LES TELEPHONES PORTABLES
L'une des solutions avancées pour la diminution des
niveaux d'exposition vis-à-vis des antennes-relais est d'éloigner
ces dernières des « zones de vie » (zones
résidentielles, habitations, etc.) et/ou de certains
établissements particuliers (crèches, écoles,
hôpitaux, etc.). Il s'agit par exemple d'installer les antennes à
grande distance des établissements particuliers, souvent fort nombreux
en ville.
Il est nécessaire de prendre en compte dans
l'étude de cette solution l'équilibre du bilan de liaison
antennes relais : équipements terminaux ; les niveaux de puissance du
signal reçu par le terminal (émission de l'antenne relais) et de
celui reçu par l'antenne relais (émission du portable) doivent
être suffisants pour que le message soit correctement
décodé et permette à la communication de s'établir.
L'éloignement de l'antenne relais de l'utilisateur se traduit par la
nécessité pour l'antenne relais, mais aussi pour le
téléphone portable de l'utilisateur, d'émettre avec une
puissance plus importante que dans la situation antérieure pour
établir une communication correcte. Cela conduit aux trois
conséquences suivantes :
261
V' les antennes relais émettront avec une
puissance plus importante, et les niveaux de champ atteints à
proximité immédiate de l'antenne au voisinage de l'axe
d'émission seront plus importants, et constitueront des points plus
« chauds » ;
V' les portables devront émettre à un
niveau de puissance en moyenne plus important, et, pour le cas des
téléphones GSM, plus souvent à leur niveau de puissance
maximale de fonctionnement (c'est le niveau qui correspond à la valeur
de DAS, débit d'absorption spécifique en local dans la
tête, affiché dans la documentation). Cela entraîne une
exposition plus importante de l'utilisateur au rayonnement de son propre
téléphone, c'est-à-dire, en cas d'utilisation du portable
à l'oreille, une exposition locale plus importante de la tête de
cet utilisateur ;
V' une augmentation du nombre de « trous »
de couverture ; en effet, à l'intérieur des bâtiments, ou
dans certaines rues des villes densément peuplées, les niveaux de
puissances reçus par le terminal seront trop faibles pour permettre
d'établir la communication.
Une autre solution avancée pour la diminution des
niveaux d'exposition vis-à-vis des antennes relais est, à
l'inverse, de diminuer leur puissance d'émission, afin de s'affranchir
au maximum de ce que l'on appelle les macros cellules, et de s'orienter vers un
réseau tout micro/pico cellules. Diminuer la puissance conduit à
diminuer la taille des cellules. De plus, si l'on diminue la puissance de ces
antennes, le niveau de champ au sol et à l'intérieur des
habitations peut devenir trop faible pour établir la communication.
262
Pour conserver la couverture, il est alors nécessaire
d'installer ces antennes en des points moins haut, en-dessous du niveau des
toits (micro-cellules), ce qui réduira encore plus, pour des raisons
liées à la propagation des ondes et à la taille des
cellules. Par conséquence, le nombre d'antennes à installer dans
un réseau composé uniquement de micro-cellules de faible
puissance ou de micro-cellules augmentera significativement.
De plus, les antennes des macros cellules sont
installées sur des points hauts (pylônes, toits d'immeuble, etc.),
ce qui permet d'éviter que le public ne soit soumis à une
exposition trop importante (zone proche de l'antenne dans l'axe du faisceau non
accessibles au public) alors que les antennes micro-cellules rapprochent les
« points chauds » du public. Pour comparaison, le champ dans le
faisceau d'une antenne de macro-cellule (typiquement 20W injecté
à l'antenne, gain de 16dBi) atteint3 V/m à 51,50 m de l'antenne,
tandis que pour une antenne de microcellule (typiquement 2W injecté
à l'antenne, gain de 16 dBi), le champ atteint 3 V/m à 16,30 m de
l'antenne.
Par ailleurs, le déploiement d'un réseau
cellulaire s'effectue d'abord par un « pavage » du territoire au
moyen de micro-cellules (de taille plutôt importante, mais ne permettant
d'écouler qu'une partie du trafic), puis par une densification du
réseau au moyen de microcellules pour les zones à densité
de population plus importante, où le taux de pénétration
du service de téléphonie mobile est important (et donc plus de
trafic à écouler).
263
L'opérateur laisse cependant en place les stations
macro-cellulaires, qui font office de fonction parapluie : elles permettent de
combler certains trous de couverture de la couche micro-cellulaire et, du fait
de leur taille plus importante, sont mieux adaptées aux terminaux se
déplaçant rapidement. S'affranchir des micro-cellules à
fonction parapluie aurait pour conséquences :
V' une augmentation du nombre d'hand over (changement
de cellule) avec des conséquences importantes, dans le cas du GSM, sur
l'exposition vis-à-vis du terminal,
V' augmentation de la probabilité de blocage
de la communication, voire de trous de couvertures.
Le risque est plus grand pour l'utilisateur de voir sa
communication coupée ou refusée ou son débit
diminué (c'est-à-dire sa communication plus longue pour l'envoi
ou la réception d'un fichier d'une taille donnée).Deux
technologies sont pour l'instant déployées pour les
réseaux mobiles : le GSM et l'UMTS. Leur conception et mode de
fonctionnement différents ont une influence sur les niveaux d'exposition
vis-à-vis du terminal, principalement du fait d'une gestion
différente du contrôle de puissance et du hand over (changement de
cellule). Le GSM utilise une technique de FDMA/TDMA. Chaque canal de
fréquence de 200 kHz est partagé par huit utilisateurs au
maximum. Les téléphones mobiles d'un même canal
bénéficient chacun d'un huitième du temps de transmission
et n'émettent donc que 1/8 du temps.
264
La puissance maximale d'émission du mobile est de
l'ordre de 2 Watts à 900 MHz (33 dBm) et de 1Watt à 1800 MHz (30
dBm). Au début d'un appel, le mobile émet à puissance
maximale, puis sa puissance décroît jusqu'à la valeur
indiquée par la station de base. L'adaptation de la puissance a lieu
tous les 17 centièmes de seconde, par pas de 2 dB sur 15 paliers, par
exemple de 33 dBm à 5 dBm dans le cas du GSM900.La Gestion du hand over:
lors d'un changement de cellule, le mobile reprend l'adaptation de sa puissance
depuis le début, c'est-à-dire que la puissance d'émission
est de nouveau maximale puis elle sera de nouveau adaptée en
décroissant. Plus un réseau sera densifié (micro et
pico-cellules), plus la probabilité de hand over est importante, et donc
plus la puissance moyenne d'émission durant une communication
téléphonique augmentera. Les études sur le contrôle
de puissance montrent que :
V' la répartition de la puissance d'émission est
plutôt homogène, avec une probabilité plus fréquente
pour la puissance maximale (initialisation des appels, hand over, mauvaise
couverture) et la puissance minimale (bonne couverture)
V' l'on a une médiane de 100/125 mW (20/21 dBm) pour la
répartition de puissance d'émission du mobile GSM et une moyenne
entre 0,4 et 0,8 W (26-29 dBm).
265
L'UMTS utilise une technique de FDMA/CDMA. Chaque canal de 5
MHz est utilisé par plusieurs utilisateurs. Les signaux utilisant le
même canal sont séparés au moyen d'un code. Le
téléphone émet alors en continu pendant la communication,
contrairement au GSM. Le CDMA est une forme de partage de la puissance entre
les utilisateurs : la capacité de transmission d'une cellule UMTS est
optimisée en s'assurant que le niveau de réception des terminaux
au niveau de la station de base est la plus basse possible, c'est-à-dire
que le réseau ajuste la puissance d'émission des mobiles au
minimum nécessaire.
Ceci explique que le contrôle de la puissance du
terminal soit beaucoup plus « fin » que dans le cas du GSM. La
puissance maximale d'émission du mobile UMTS est de 250 mW (24 dBm).
L'adaptation de la puissance a lieu toutes les 0,7 centièmes de seconde,
par pas de 1 dB. La gamme de puissance va de 24 dBm à -60 dBm (1 nW).
Cependant, le téléphone mobile peut être connecté
simultanément à plusieurs stations de base et n'a pas à se
« déconnecter / reconnecter » en changeant de cellule. Lorsque
le mobile arrive dans la zone de couverture d'une nouvelle station de base, le
réseau est capable de combiner les signaux reçus par les deux
stations de base (« soft hand over ») et la puissance du terminal ne
passe donc pas par un pic. Les études sur le contrôle de puissance
montrent :
106Afsset, 2009
266
y' Qu'il n'y a pas de pic de puissance pour le hand over. La
répartition de la puissance d'émission est quasiment une
gaussienne autour d'une valeur médiane de 0,01 mW (-20dBm).
y' La médiane pour la répartition de puissance
d'émission du mobile UMTS de 0,01 mW (-20dBm) et la moyenne de 1 mW (0
dBm) (bien plus faible que pour le GSM)
2.14.1. METHODES DE MESURE DE L'EXPOSITION
L'évaluation de l'exposition d'une personne aux
radiofréquences repose sur l'estimation de la quantité
d'énergie absorbée au final par l'organisme. Les méthodes
pour évaluer cette exposition diffèrent si l'on considère
des sources d'émission proches ou loin du corps. En effet, à
distance de la source, les ondes électromagnétiques sont bien
« formées » et des méthodes de modélisation ou
de mesures des intensités des champs électrique ou
magnétique peuvent être utilisées. En pratique, il suffit
de ne mesurer qu'une de ces grandeurs, généralement
l'intensité du champ électrique. À partir de cette mesure,
on peut déduire la densité de puissance, puis la quantité
d'énergie absorbée par le corps. En revanche, à
proximité d'une source, la situation est plus complexe et il faut alors
évaluer directement la quantité d'énergie absorbée,
en d'autres termes le Débit d'absorption spécifique
(DAS)106. La mesure directe est aujourd'hui la plus répandue,
mais des modèles numériques sont aussi en
développement.
107Afsset, 2009 108Afsset, 2005
267
Différentes approches peuvent être
envisagées : une mesure globale de l'exposition à l'aide d'une
sonde large bande (il s'agit cependant d'une mesure assez peu précise),
ou une mesure sélective en fréquence qui permet d'évaluer
le niveau d'exposition pour chaque type d'émetteur (mais le
matériel est très coûteux et plus complexe à
utiliser). Il existe aussi des équipements de mesure plus simples
d'utilisation, tels que des« exposimètres » portables, qui
permettent la mesure en temps réel et en continu du niveau d'exposition
par type d'émetteur107. L'utilisation d'appareils de mesures
portables permet une meilleure évaluation de l'exposition individuelle,
puisque ces appareils prennent en compte l'ensemble des micros environnements
fréquentés durant la période de mesure. Ces appareils sont
toutefois susceptibles de manquer de précision, du fait notamment
d'interactions entre l'appareil et le corps. De plus, il n'existe pas de
protocole standardisé, ce qui pose la question de la
comparabilité des résultats obtenus dans les différentes
études108.
S'agissant des téléphones mobiles, la mesure du
DAS (Débit d'absorption spécifique) est réalisée
suivant des protocoles normalisés à l'échelle
internationale qui tiennent compte de l'utilisation de l'appareil fonctionnant
au maximum de sa puissance. En pratique, le DAS est mesuré par une sonde
placée à l'intérieur d'un modèle de tête
humaine (ou fantôme), le téléphone mobile étant
placé au contact de la tête.
268
Ces mesures sont avant tout utilisées pour
vérifier la conformité des appareils à la
réglementation. Les modélisations permettent notamment de
prédire l'intensité du champ électrique ou
magnétique en un point donné en prenant en compte les
caractéristiques d'émission des antennes, ainsi que les obstacles
à la propagation des ondes (topographie, bâtiments...). Des
modèles complexes ont ainsi été développés
concernant les antennes-relais, mais ils nécessitent encore des
validations109. Par ailleurs, des modèles numériques
permettant de simuler la propagation des ondes électromagnétiques
dans les tissus humains sont également en cours de développement
pour estimer les DAS. Chaque année, environ 2 000 mesures sont
réalisées en France par des laboratoires accrédités
et selon un protocole établi par l'Agence nationale des
fréquences(ANFR). Ces mesures résultent, le plus souvent, de
demandes de collectivités locales ou de particuliers vivant à
proximité d'émetteurs (généralement de
téléphonie mobile)110.
La synthèse des résultats pour la période
2004-2007111 montre que les moyennes des niveaux de champ
relevés restent très faibles, de 0,01 à 0,65 V/m à
l'extérieur des bâtiments selon les sources d'émission. Ces
moyennes sont près de50 fois inférieures aux valeurs limites,
quel que soit l'émetteur considéré, et plus de 97 % des
mesures n'atteignent pas 10 % des valeurs limites.
109Viel et al. 2009
110Les résultats de ces mesures sont
accessibles sur le site Internet
www.cartoradio.fr.
111Agence nationale des fréquences, 2007
269
Cependant, les résultats de ces mesures sont
très liés aux sites de mesures choisis et ne permettent
d'évaluer les niveaux qu'au point de mesure et à un moment
donné. Ils n'ont donc pas vocation à être
représentatifs de l'exposition de la population.
Une étude évaluant l'exposition de 377 personnes
représentatives de la population générale à l'aide
de capteurs individuels112 a montré que la plupart des
niveaux mesurés étaient très faibles (inférieurs au
seuil de détection). Le niveau moyen total était de 0,201
V/m113. Toutefois, l'exposition était plus importante en
milieu urbain, durant la journée, chez les adultes et lors des
déplacements.
Les niveaux totaux mesurés à l'extérieur
des bâtiments étaient supérieurs à ceux
mesurés à l'intérieur. Les plus forts contributeurs
étaient les radios FM, puis les fours à micro-ondes, les
téléphones sans fil et les téléphones mobiles. Les
expositions aux fours à micro-ondes étaient néanmoins
susceptibles d'avoir eu lieu dans le cadre du milieu professionnel. Concernant
le Wi-Fi, les niveaux étaient distribués de manière
uniforme entre l'extérieur et l'intérieur, ceci étant
probablement lié au développement des accès au Wi-Fi dans
les lieux publics114.
112Viel et al., 2009
113Les valeurs limites diffèrent selon
les sources considérées. Par exemple, pour les antennes-relais,
elles vont de 41 à 61 V/m
114(Afsset, 2005).
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