Section II : Les effets de la responsabilité
civile :
Lorsque toutes les conditions sont réunies à
savoir, la faute, le dommage et le lien de causalité, la
responsabilité civile du commissaire aux comptes peut être mise en
oeuvre. 1
Afin de faire valoir ses droits, toute partie qui se sont
lésée par les agissements du commissaire aux comptes, et qui lui
ont causé un préjudice peut agir en justice et déclencher
une action civile pour obtenir réparation2 suivant les
conditions prévues par l'article 180 de la loi n° 17-95
3relative à la société anonyme.
C'est dans ce contexte qu'il convient de mettre le point sur
les contours de l'exercice de l'action à savoir les parties en plus des
règles de compétence, pour ensuite traiter de son extinction.
1 O. Azziman, Le contrat, Le Fennec, 1995 p 270
2A. Robert, Responsabilité des commissaires aux
comptes, « Dalloz Référence »,2008, p 96
3 Loi 17-95 relative à la
société anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124
du 14 rabii 1417 ( 30 aout 1996) telle qu'elle a été
modifiée et complétée par la loi n° 20-05
promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai
2008), (BO n° 5640 du jeudi 19 juin 2008)
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comptes
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§ I : l'exercice de l'action :
Avant de s'intéresser à la compétence, il
est auparavant nécessaire de savoir quelles sont les parties de cette
action.
A) Les parties à l'action :
L'action en réparation implique deux parties
substantielles : la victime en tant que demandeur, et l'auteur du dommage en
tant que défendeur.
Si le défendeur va être limité au
commissaire aux comptes, les demandeurs peuvent être
nombreux.1
Cependant conformément aux dispositions de l'article
180 de la loi n°17-95 relative à la société anonyme :
« le ou les commissaires aux comptes sont responsables tant à
l'égard de la société que des tiers des fautes et
négligences par eux commises dans l'exercice de leur mission. »
Il découle du présent article que le commissaire
aux comptes doit répondre des fautes et négligences qu'il a
commises à la société ou au tiers.
C'est dans ce contexte que les demandeurs en action civile
contre le ou les commissaires aux comptes ne peuvent être que la
société personne morale ou des tiers.2
En revanche les défendeurs sont évidemment le ou
les commissaires aux comptes. a) Le demandeur :
Conformément aux dispositions de l'article 180 de la
loi n° 17-95 3relative à la société
anonyme, la société contrôlée, et les tiers,
invoquent devant le tribunal compétent la faute du professionnel. Certes
si le commissaire aux comptes leur a causé un préjudice en
n'accomplissant pas toutes les diligences requises, dans l'exercice de sa
fonction, il supportera
1 J. Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995, p 158
2 O. Mustapha, Le Commissaire aux comptes au Maroc,
Sijelmassa, 2010, p 158
3 Loi 17-95 relative à la
société anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124
du 14 rabii 1417 ( 30 aout 1996) telle qu'elle a été
modifiée et complétée par la loi n° 20-05
promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai
2008), (BO n° 5640 du jeudi 19 juin 2008)
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en tout ou partie la charge de la réparation ; mais il
est auparavant nécessaire que les demandeurs soient reconnus comme des
ayants droits.1
- La société
Conformément aux dispositions de l'article 180 de la
loi n°17-95 relative à la société anonyme, le
commissaire aux comptes est responsable de ses fautes et négligences
à l'égard de la société.
Il en résulte que la société personne
morale, peut agir en justice contre le commissaire aux comptes qui est un
organe de contrôle obligatoire ayant pour mission de s'assurer de la
régularité et la sincérité des comptes sociaux, et
par conséquent tout manquement aux diligences et obligations auxquels il
est tenu, lui sera préjudiciable.2
La société personne morale ne peut agir en
justice que par le biais d'une personne physique, c'est dans ce sens, que c'est
le représentant légal qui agit au nom de la
société.
Le représentant légal diffère d'une
société à une autre selon son administration et ses
organes de gestion.
Il s'agit du directeur général de la
société anonyme à conseil d'administration et du
président du directoire, pour la société anonyme à
directoire et conseil de surveillance.
En revanche le représentant légal de la
société en nom collectif est le gérant.
Par ailleurs, l'une des questions qui reste ouverte est celle
de savoir si un actionnaire pourrait agir aux lieux et place des dirigeants de
droit pour pallier leur carence ou passer outre leur volonté de ne pas
agir.3
- Les actionnaires :
La réponse à la question qui consiste en ce que
l'actionnaire peut agir en justice ou pas contre le commissaire aux comptes, va
s'inscrire dans un cadre doctrinal et jurisprudentiel.
Sur le plan doctrinal, il en résulte qu'un actionnaire
peut agir en son nom propre, pour réclamer la réparation d'un
préjudice personnel, différent de celui de la
société, en d'autres termes non professionnel. 4
1 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive, Litec,1989, p 432
2 J. Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995, p 159
3 A. Robert, Responsabilité des commissaires
aux comptes, « Dalloz Référence »,2008, p 97
4 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive, Litec,1989, p 438
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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En revanche lorsqu'il s'agit d'une relation professionnelle,
le préjudice causé par le comportement fautif du commissaire aux
comptes, affecte l'ensemble de la société, ce qui exclut la
possibilité d'une action individuelle en
responsabilité.1
En plus l'exercice de l'action en responsabilité
civile, par un actionnaire, sera susceptible de porter atteinte aux principes
qui gouvernent la gestion de la société, notamment les
actionnaires majoritaires.2
Cependant par rapport à la jurisprudence, on citera un
jugement du tribunal de première instance, d'Agadir, qui a rejeté
l'action civile accessoire d'un actionnaire, qui a demandé à ce
qu'il soit indemnisé suite au préjudice qu'il a subi à
cause des fautes du commissaire aux comptes.
En effet le tribunal a limité les ayants droit en
réparation à la société et aux tiers.
Ainsi le tribunal a justifié sa décision en
indiquant 3: « conformément aux dispositions de
l'article 180 de la loi n° 17-95, relative à la
société anonyme, le législateur a bien
déterminé les parties qui ont droit, à demander à
ce qu'il soit indemnisées, pour le dommage causé par les fautes
ou négligences, du commissaire aux comptes.
Ainsi et en application des dispositions citées, il en
résulte que le conseil d'administration de la société
objet du contrôle, est le seul qualifié juridiquement, à
demander l'indemnis ation de la société pour les
préjudices qu'elle a subi suite aux comportements fautifs de son
commissaire aux comptes.
Il s'ensuit que l'actionnaire ne bénéficie
pas de la qualité directe et nécessaire pour se constituer partie
civile, et demander à se qu'il soit indemnisé
indépendamment de la société.
- Les tiers :
En évoquant les tiers, le législateur marocain
fait allusion surtout aux créanciers qui ont des intérêts
avec la société et dont les manquements du commissaire aux
comptes leur à
1 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive, Litec,1989, p 439
2 Y. Guyon, et G. Coquerau, Le commissariat aux
comptes : aspects juridiques et techniques, Librairies techniques, p 282
3 TPI Agadir, 10 mai 2006,cité par T. SBAA, La
responsabilité civile, pénale et disciplinaire du commissaire aux
comptes et le comportement à adopter en cas de sa mise en cause,
Mémoire en vue de l'obtention du diplôme d'expert comptable,
ISCAE, nov 2007, p 114
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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porter préjudice, a titre d'exemple lorsque la
certification d'un bilan inexact, a crée une apparence trompeuse qui les
a inciter à maintenir leur relation. 1
Il peut s'agir également des créanciers
impayés de la société, et les créanciers personnels
des associés ou des membres tenus des dettes de la personne
morale.2
b) Le défendeur :
Il s'agit évidemment du ou des commissaires aux
comptes, conformément aux dispositions de l'article 180 de la loi
n° 17-95 3relative à la société anonyme
qui dispose :
« Le ou les commissaires aux comptes sont
responsables tant à l'égard de la société que des
tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences
par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions.
Ils ne sont pas civilement responsables des infractions
commises par les administrateurs ou les membres du directoire ou du conseil de
surveillance sauf, si en ayant eu connaissance lors de l'exécution de
leur mission, ils ne les ont pas révélées dans leur
rapport à l'assemblée générale. »
L'identification des défendeurs à l'action
nécessite de distinguer selon que le commissaire aux compte exerce son
activité, en tant que personne physique ou personne
morale.4
- Le commissaire aux comptes personne physique :
Tout d'abord, il convient de préciser que le
commissaire aux comptes est poursuivi en matière civile, en tant
qu'expert comptable, étant donné que le commissariat aux comptes
s'inscrit parmi les missions de l'expert comptable conformément aux
dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1de la loi n° 15-89
5réglementant la profession d'expert comptable, qui
prévoit clairement que :
1 A. Sayag, le commissariat aux comptes : renforcement
ou dérive, Litec,1989, p 433
2 J.Monéger, T. Granier, op.cit., p 160
3 Loi 17-95 relative à la
société anonyme, promulguée par le dahir n° 196-124
du 14 rabii 1417 ( 30 aout 1996) telle qu'elle a été
modifiée et complétée par la loi n° 20-05
promulguée par le dahir n° 1-08-18 du 17 Joumada 1429 ( 23 mai
2008), (BO n° 5640 du jeudi 19 juin 2008)
4 A. Robert, Responsabilité des commissaires
aux comptes, « Dalloz Référence »,2008, p 98
5 loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993)
La responsabilité du commissaire aux
comptes
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« Est expert comptable celui qui fait profession
habituelle de réviser, d'apprécier et d'organiser les
comptabilités des entreprises et organismes auxquels il n'est pas
lié par un contrat de travail, il est seul habilité à
:
... - exercer la mission de commissaire aux comptes.
».
Ainsi, dans ce cas, le commissaire aux comptes doit être
assigné personnellement.
Mais, toutefois, une difficulté se présente,
lorsque le commissaire aux comptes est une personne morale.
- Le commissaire aux comptes personne morale
La loi 15-89 1autorise les experts comptables, et
par conséquent les commissaires aux comptes, à se constituer sous
forme de société de personnes ou par actions conformément
aux dispositions des articles 7 et 8 de cette loi.
Ainsi l'article 7 dispose :
« Les experts comptables peuvent constituer des
sociétés de personnes pour l'exercice de leur profession à
la condition que tous les associés soient membres de l'Ordre des experts
comptables. »
En plus de l'article 8 de la loi 15-89 énonce :
« Les experts comptables sont admis également
à constituer pour l'exercice de leur profession, des
sociétés par actions et des sociétés à
responsabilité limitée sous les conditions suivantes...
».
Mais toutefois une difficulté se présente et
consiste en ce que la constitution d'une société de personnes,
par le commissaire aux comptes, lui confère la qualité de
commerçant, alors que l'article 16 de la loi 15-89 est bien clair en la
profession d'expert comptable, est incompatible avec tout acte de
commerce.2
Par ailleurs, il convient de signaler, que le commissaire aux
comptes exerçant sa profession sous une forme sociétaire, engage
non seulement sa responsabilité personnelle, mais également celle
de la société.3
1 loi 15-89 réglementant la profession d'expert
comptable, et instituant un ordre des experts comptables,promulguée par
le dahir n° 1-92-139 du 14 Rejeb 1413,(8 janvier 1993), ( Bulletin
officiel n° 4188 du 11 chaabane 1413/( 3 février 1993)
2 O. Mustapha, Le Commissaire aux comptes au Maroc, Sijelmassa,
2010, p 75
3 J. Monéger et T. Granier, Le Commissaire aux
comptes, Dalloz, 1995, p 159
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