Après l'origine et le cadre réglementaire
relatif à l'activité de réassurance sur le marché
CIMA, nous mettrons en évidence maintenant les liens entre l'assurance
et la réassurance.
D Rôle et planification de la réassurance
a. Rôle de la
réassurance
L'activité de l'assureur, à travers sa
recherche permanente de rendement, ne doit pas toutefois accroître un
niveau de risque, au point de condamner son futur. Pour ce faire, l'assureur
cherche à réduire le risque de sa ruine qui est la
probabilité qu'il réalise au cours d'un exercice, une perte
supérieure au montant de ses fonds propres. Il devra décider
suivant les différents choix :
· augmenter les fonds propres, bien que les actionnaires
ne peuvent pas ou ne veulent pas indéfiniment injecter des capitaux dans
la société ;
· augmenter la tarification, bien qu'il ne puisse le
faire dans des proportions importantes au risque de voir les assurés
faire jouer la concurrence ;
· augmenter la production à travers le nombre de
contrat, malgré le fait que la présence de la concurrence et la
non extensibilité à l'infini du marché ne laissent pas une
grande marge de manoeuvre ;
· diminuer la sinistralité, ce qui
nécessite une bonne maîtrise du portefeuille et la
sélection de risques, au moment où les actionnaires demandent
constamment plus de profits.
Une autre solution s'offre à l'assureur, c'est la
réassurance. Elle permet de réduire le risque de ruine
porté par l'assureur. En général, ses fonds propres se
révèlent insuffisants pour faire face à ses engagements.
L'unique moyen de baisser sa probabilité de ruine à travers
l'ajustement de son coefficient de sécurité, à court terme
et à fonds propres constant sans modifier son portefeuille, est d'agir
sur la structure de risque par le biais de la réassurance. La
réassurance implique donc un transfert de risque mais aussi de
bénéfice (ou de perte).
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D'un point de vue théorique, l'assureur procède
à un arbitrage, entre l'espérance de bénéfice et la
probabilité d'une perte (ou d'un bénéficie
inférieur à un seuil) qui permet d'établir un programme de
réassurance (choix des traités et de leurs
caractéristiques). L'assureur se réassure théoriquement
d'autant moins que le chargement de sécurité du réassureur
est élevé et d'autant plus que ses actionnaires exigent un
rendement des fonds propres plus élevés.
Le réassureur qui utilise à la fois la
mutualisation et la dispersion de risque permet essentiellement de :
· limiter le risque de l'assureur en apportant une
protection supplémentaire ;
· réaliser l'équilibre du portefeuille de
l'assureur conservé par l'assureur ;
· augmenter ses capacités de souscription ;
· stabiliser le résultat de l'assureur et faciliter
la croissance de l'assureur.
Avec l'apparition de nouveaux risques et le besoin croissant
de sécurité, la réassurance met en oeuvre des techniques
de plus en plus complexes. Elle peut se définir comme «
l'assurance des assureurs » mais aussi comme «
l'ingénierie du risque », tant les mécanismes et
les méthodes se sont perfectionnés en convergeant avec la finance
de marché par le biais des Transferts Alternatif des Risques (ART), les
méthodes de pricing et de hedging, la titrisation des risques.
b. Planification de la
réassurance
L'objectif que doit viser toute entreprise d'assurance est
l'expansion de ses affaires, pour laquelle l'accroissement de sa
capacité de souscription brute est absolument indispensable.
L'entreprise peut réaliser cet accroissement au moyen de son plan de
réassurance, c'est-à-dire en souscrivant une quantité de
nouvelles affaires et en cédant une partie de ces affaires aux
réassureurs, contre l'encaissement de frais sous forme de commissions,
afin que son expansion rapide ne pèse pas trop lourd sur ses comptes
annuels. C'est notamment le cas pour les assurances dans le cadre d'un forage
d'exploration pétrolière, le transport aérien de passagers
et de marchandises ou encore pour la construction de gros oeuvres.
De fait, la compagnie d'assurance doit au moment où
elle planifie sa politique de réassurance, viser deux objectifs
essentiels : la protection adéquate et l'économie. De plus, la
réglementation doit aussi entrer en ligne de compte lors de la
planification de la réassurance.
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Les besoins réels de réassurance de chaque
compagnie, du point de vue quantitatif et qualitatif, peuvent être
déterminés grâce à une analyse approfondie du
portefeuille. En effet, l'évaluation de la capacité de
conservation globale de la compagnie, la fixation du plein de conservation pour
chaque risque, le choix de la forme de réassurance la plus
appropriée, les clauses de contrôle de la tarification et du
règlement des sinistres, les conditions d'annulation et de
renouvellement ainsi que les clauses d'arbitrages sont autant de questions
importantes qui s'immiscent dans la stratégie décisionnelle et
opérationnelle de la réassurance.
L'un des problèmes techniques que pose la
planification de la réassurance est la fixation à un juste niveau
de plein de conservation pour chacun des risques. En effet, si ces pleins sont
fixés à des niveaux trop bas, une partie de la capacité de
conservation de la compagnie restera inutilisée et la compagnie aura
recours sans nécessité à la réassurance ; s'ils
sont trop élevés, il se produira forcément des
fluctuations dépassant les marges de tolérance admise.
Or, beaucoup de compagnies ne fixent pas leurs plein de
conservation à un niveau optimal. Elles évaluent le
problème à l'excès en évaluant le plafond que
pourrait atteindre leur plein de conservation à un certain pourcentage
de leur capital et de leur réserve libre. A mesure que ces compagnies
s'agrandissent, elles élèvent ce plafond en appliquant le
même pourcentage au montant accru de leur actif net.
Pourtant il s'agit bien d'un problème d'optimisation
à plusieurs variables, consistant à déterminer la
couverture de risque la mieux adaptée au profil de portefeuille et
à moindre coût (couverture optimale, rétention maximale,
coût minimal). L'assureur doit chercher à minimiser le coût
de la réassurance tout en maîtrisant au mieux la volatilité
de la charge des sinistres (fréquence, coût). Une planification
judicieuse de la réassurance exige donc une grande quantité de
renseignements et de statistiques ainsi qu'une grande compétence
technique.
Malgré les avantages dont bénéficie un
assureur en ayant recours à la réassurance, celle-ci peut
l'exposer, à divers degrés, à différents risques
inhérents à son utilisation. La gestion inadéquate de la
réassurance peut menacer la solidité financière de
l'assureur. L'interrelation de ces risques peut la rendre complexe. La mise en
vigueur ou le maintien d'une entente de réassurance pourrait engendrer
plusieurs risques, notamment :
· Le risque d'assurance résiduel : il peut
provenir d'écarts entre les besoins de réassurance et la
couverture véritable prévue à l'entente, pouvant se solder
par un montant de risque retenu plus élevé ;
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· Le risque de cumul : il s'agit de l'ensemble
des risques pouvant être touchés par un même
événement dommageable ou l'ensemble des participations souscrites
sur un même risque ;
· Le risque de contrepartie : il peut
résulter de l'incapacité ou du refus potentiel du
réassureur, ou d'une partie prenante dans le cadre d'un transfert de
risque alternatif, de respecter ses obligations envers l'assureur cédant
;
· Le risque opérationnel : il peut
être la conséquence d'arrangements contractuels inadéquats,
d'une capacité insuffisante au niveau technologique ou administratif
pour la prise en charge et le recouvrement des sommes dues de la part des
réassureurs;
· Le risque juridique : il peut se manifester
lorsque les conditions de l'entente ne représentent pas
précisément l'intention de l'assureur ou lorsque l'entente ne
peut pas être légalement exécutée ;
21 Apport des institutions de réassurance
Les institutions de réassurance, privées ou
publiques, sont créées en vue d'augmenter le plein de
conservation national ou sous-régional et de réduire les sorties
de devises occasionnées par la réassurance. Ce service local ou
sous-régional permet de limiter la nécessité de rechercher
des couvertures à l'étranger : le but visé est que la
recherche de couverture à l'étranger ne se fasse qu'une fois le
plein de conservation national ou sous régional atteint.
De plus, les réassureurs peuvent jouer un rôle
centralisateur pour le rassemblement de données et
l'établissement de statistiques concernant un marché ou une
sous-région. Il s'agit de mettre à la disposition des compagnies
locales des renseignements importants concernant les risques, les tarifs, les
sinistres, le marché national d'assurance, l'international, des
données que les compagnies d'assurance directe agissant
isolément, n'ont pas la possibilité d'acquérir.
De cette manière, la compagnie de réassurance
peut agir comme intermédiaire, conseillère et partenaire pour les
compagnies d'assurances désirant développer de nouvelles niches
d'assurance ou qui se développent à l'international.
Le fait qu'une institution de réassurance locale
dispose d'un portefeuille important de risques d'un marché permet
à cette dernière de se prévaloir d'une compétence
technique et d'un pouvoir de négociation bien supérieur à
ceux des compagnies locales prises isolément.
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Les institutions de réassurance, par essence, sont des
organismes d'investissements et de financement. Du fait de l'importance des
capitaux à leur disposition, elles réalisent des investissements
dans les produits et titres financiers, ainsi que dans des participations
attrayantes, au bénéfice de l'économie locale et
sous-régionale.
Nous pouvons relever également que la présence
d'institutions de réassurance génèrent une
coopération régionale et sous-régionale plus dynamique qui
se manifeste par des emplois, des formations, des séminaires, des
études réalisées, un regard différent sur les
potentialités assurantielles et économiques d'un pays, d'une
région ou une sous-région.
D Défis de la réassurance africaine
Le défi majeur auquel fait face le marché de
réassurance africain est la concurrence des filiales des
réassureurs internationaux provenant des marchés matures,
désireux de diversifier leur portefeuille d'affaires et
d'accroître leur rentabilité. Les réassureurs africains se
retrouvent confrontés à la concurrence des majors de la
réassurance mondiale qui ouvrent des filiales ou des bureaux en Afrique
et y développent des affaires à partir de leur siège
social.
Du fait des nombreux besoins en réassurance, les
capacités offertes par les réassureurs africains se
révèlent insuffisantes. Certains d'entre eux de taille modeste
interviennent principalement sur le plan national, n'arrivant donc pas à
se positionner pour les besoins en réassurance au plan
sous-régional ou continental. Les fonds propres des
sociétés existantes sont peu élevés pour faire face
aux engagements des risques miniers, énergétiques. Les
réassureurs africains doivent désormais miser sur de nouvelles
stratégies d'expansion au-delà du marché local et
régional. Le but est de renforcer les fonds propres et d'atteindre la
taille critique nécessaire à la souscription des grands risques
et des risques de pointe sur son territoire national ainsi que sur tout le
continent africain.
Outre les faibles capacités des acteurs de la
réassurance, les divers besoins à travers la demande d'assistance
technique et la gestion de risques ne trouvent pas toujours d'échos
favorables auprès des solutions locales. Rare sont les
sociétés africaines qui apéritent les programmes de
cessions des grands assureurs ou tarifient convenablement des risques de
pointe. Toutes ces carences constituent un obstacle à l'essor de la
réassurance continentale et à l'arrêt des
délocalisations des assurances des grands risques, des risques de pointe
des grands groupes internationaux.
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Les sociétés de réassurance ne doivent
pas seulement se contenter de récolter des primes et honorer leurs
engagements. Elles doivent être des relais de l'innovation assurantielle
de manière à élargir les possibilités
d'assurabilité des compagnies d'assurance, de manière à
couvrir ceux que le champ traditionnel de l'assurance laisse de
côté. Il importe de développer une expertise et un
management qui soient reconnus comme appartenant à des standards
internationaux et utiles aux porteurs de risque au premier plan, à
savoir les entreprises d'assurance locales.
Les réassureurs africains souffrent du problème
de la discrimination dans leurs rapports avec les entreprises dans les
économies avancées. Très peu de réassureurs
africains sont évalués favorablement par les agences
internationales de notation en raison des profils de risque
élevés du pays. Les compagnies africaines de réassurance
se voient ainsi refuser la possibilité de participer à certains
risques. Les réassureurs internationaux sélectionnent les bonnes
sociétés d'assurance pour traiter et ne souscrivent que de bons
risques et bien notés, généralement en devises
étrangères, au détriment des réassureurs
africains.
Il appartient donc aux réassureurs africains de
coopérer davantage et d'exploiter les synergies qui existent. Un travail
d'équipe entre les sociétés de réassurance est
essentiel. Si la coopération entre les pays africains s'intensifie, cela
va apporter plus de possibilités d'investissement pour les industries
d'assurance locales. Le partage du savoir-faire et des compétences ainsi
que le partage des meilleures pratiques sont essentiels pour la croissance des
réassureurs africains.
De fait, les sociétés qui exercent dans les
pays africains plus développés doivent investir dans d'autres
marchés africains en commençant par les pays voisins qui ont des
profils de risque similaires. Les entreprises de réassurance africaine
doivent convaincre les investisseurs internationaux et garantir une performance
continue, un rendement meilleur. Car, en réalité, tant qu'il n'y
aura pas un système de réassurance assez fort avec des
réassureurs africains compétitifs sur la scène
internationale, l'assurance africaine ne pourra réellement pas
émerger et opérer sa mue, enjeu essentiel de la révolution
économique continentale et renfort de l'afro-optimiste.
Après ces considérations
générales, nous allons nous appesantir sur la réassurance
en zone CIMA et sur les réassureurs africains.
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