CHAPITRE VI :
POINT DE VUE DE
L'AUTEUR
Pour ne pas se cantonner dans une vision trop optimiste des
choses, il importe de noter que la titrisation ne présente pas que des
opportunités. Du fait de la complexité de ses mécanismes,
elle peut être une bombe amorcée, ou mieux un poison, pour
l'économie congolaise, car le manque d'une régulation forte et
sérieuse de ses opérations peut paralyser
désespérément l'économie du pays par des crises,
comme l'atteste la récente crise financière internationale de
subprimes. Si les Etas aussi bien organisés, aussi bien
développés en viennent à être victimes de
catastrophes provoquées par cette technique, elle peut de ce fait
être pire pour nos pays sous équipés où les
autorités sont facilement corruptibles et guidés par la recherche
effrénée des gains personnels.
Les émissions obligataires récentes de grands
groupes africains témoignent certes de l'intérêt des
investisseurs pour des entreprises offrant une stratégie industrielle
cohérente et pleinement identifiée, mais elle démontre
surtout qu'un accès régulier aux marchés financiers est
une des conditions sine qua non de leurs performances économiques
à long terme. Qu'en sera-t-il pour le secteur minier ? A l'image de ce
que fit la République Démocratique du Congo, le Zimbabwe a obtenu
de la Chine un financement de 2 milliards de dollars en août 2014,
gagé sur les revenus miniers futurs, notamment les diamants, pour
l'extension de ses centrales électriques et le développement
d'une mine. Proche d'une titrisation « on-balance sheet », cette
opération atteste certes que l'intérêt pour ce mode de
financement demeure intact, mais également des exigences
financières accrues des créanciers internationaux lorsque le
contexte économique et politique est difficile. Il n'est ainsi pas
certain que la titrisation hors-bilan s'affirme, sous sa forme actuelle, comme
un des modes importants de financement des capacités de production dans
le secteur minier. Outre les questions liées à la
stabilité politique et à la protection juridique des
investisseurs, plusieurs éléments fondamentaux doivent être
pris en compte pour qu'une telle technique puisse s'appliquer. L'effet de
taille est le premier d'entre eux. Compte-tenu de l'ampleur des capitaux requis
pour mettre en oeuvre une mine ou une usine de transformation, il est
dès lors probable que d'autres sources de financement doivent être
trouvées. Il importe également que les actifs titrisés
soient assez liquides et qu'ils bénéficient idéalement
d'un marché financier permettant non seulement de les valoriser en temps
continu, mais également de mettre en oeuvre des solutions de hedging
assurant une meilleure stabilité des flux de revenus pour
l'investisseur. La relative prévisibilité des facteurs d'offre et
de demande est un élément tout aussi crucial pour l'investisseur.
Les matières premières minérales n'ont pas toutes ces
caractéristiques et il n'est de ce point de vue pas surprenant que le
recours à la titrisation soit bien plus fréquent dans le secteur
pétrolier que pour d'autres commodités. La finance n'est
cependant pas un monde figé, bien au contraire, et il n'est pas
impossible que d'autres modes de financement titrisés voient le jour,
à l'image des Covered Bonds, pour assurer le besoin de financement des
industries minières, si celui-ci venait à se renforcer. La
qualité et la stabilité de l'environnement légal et
réglementaire des activités de financement et d'investissement
sont en cela essentielles pour que ces industries, mais également toutes
les entreprises ou secteurs de croissance d'un pays, puissent trouver les
moyens financiers de se développer.
Enfin, nous recommandons en conséquence que les
autorités politiques, monétaires organisent et
réglementent la mise en oeuvre de la titrisation des prêts et
créances bancaires. La promotion rigoureuse de la titrisation
améliorera le dynamisme et l'efficience des banques et des
marchés financiers quant à leur contribution à l'essor
économique de la RDC. La titrisation permettra aux banques de franchir
le cap des crédits à court terme et de s'engager davantage sur
les crédits à moyen et long terme résolvant ainsi le
paradoxe de la surliquidité de nos banques et le problème du
manque à croître del'économie congolaise. Même si
tous les prêts bancaires peuvent être titrisés, nous
recommandons de privilégier la titrisation des financements
accordés à tout projet économique ou investissement
productif dont les premières réalisations confirmeront tout au
moins les prévisions et la rentabilité que peut attendre le
système bancaire congolais et le développement économique
dans son ensemble.
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