Partie III - Entre rêve et désarroi, quel
est l'avenir du football africain ?
3.1 Le bilan du football africain.
« On dit parfois que le football est un sport
né en Europe dont l'Amérique du Sud a fait un art et l'Afrique
une religion »79
Cette phrase pleine de sens tire sa source de l'article
d'Ufolep, dédié à l'histoire du football Africain et de
son évolution. Sport inventé par les britanniques et
exporté au cours du 18ème siècles en Afrique,
le football reflétait en premier lieu un désir d'affiliation
à un mode de vie à l'européenne puis donna lieu à
de nombreuses ségrégations raciales entre colonisateurs et
colonisés. C'est en partie la raison pour laquelle, le football est
devenu un moyen d'affirmation d'identité nationale.
Aujourd'hui, le football occupe une place importante dans le
coeur des Africains puisqu'il représente un symbole fort pour la lutte
en faveur l'indépendance. Comme l'observait Paul Dietschy80,
auteur du livre - le Football et l'Afrique - « les histoires
de la décolonisation négligent le fait que le sport ait pu
être un instrument de diffusion de la conscience nationale. Or c'est un
lieu où un combat symbolique peut être livré, alors
même que la domination coloniale empêche toute autre forme de lutte
dans le reste de la société ».
Actuellement constituée de 54 Etats souverains et d'une
superficie totale de 30 415 873 km2, l'Afrique est incontestablement
une terre du football. En dépit d'une ferveur sans
précédent pour ce sport, qui a marqué l'histoire du
continent Africain, le continent souffre d'un retard dans presque tous les
domaines, excepté celui de la production de matière
première. Malheureusement, le football africain n'échappe
guère à cette règle.
Le continent est en mal d'investissement et manque cruellement
de ressources. Ces carences en infrastructures et en équipements
empêchent le football africain d'évoluer durablement. Ce fait que
l'on ne peut nier explique en partie l'exil de nombreux jeunes africains vers
l'Europe où l'enseignement du football est de meilleure
qualité
79 GRAVILLON Isabelle, « Le football, une histoire africaine
», En jeu une autre idée du sport, n° 437, Juin 2010,
p. 10
80 Historien français, spécialisé dans le
domaine du football.
79
Malgré un amour infaillible envers le football, le
sport de haut niveau nécessite des capacités de financement que
le continent peine à trouver, hormis quelques efforts financiers de la
part de certains Etats (nous pouvons citer par exemple l'Afrique du Sud). En
tout état de cause, les clubs ne peuvent subvenir à leurs besoins
tant les « recettes de billetterie » sont faibles voire inexistantes
pour certains pays.
En tout et pour tout, les ventes de billet constituent au
maximum 25% des recettes des « grands clubs » du continent. Cette
insuffisance financière combinée à un manque
évident de management implique de nombreuses conséquences
désastreuses. Parmi les plus importantes, on note :
- Une insécurité globale dans lors des
rencontres sportives 81 . L'exemple le plus marquant est sans doute
la mésaventure vécue par la sélection nationale du Togo
lors de la préparation à la Coupe d'Afrique des Nations lorsque
le bus fut pris d'assaut par des assaillants à main armée.
L'insécurité pourrait en partie s'expliquer par le manque
d'investissement dans les modes de transports. D'après la revue de
l'Union française des oeuvres laïques d'éducation sportive
(Ufolep)82, le continent Africain est celui qui enregistre le plus
d'incidents aux stades et aux abords dû à des rencontres de
football. Entre 1991 et 2001 plus des 3/4 des incidents se sont
déroulés en Afrique. En 2007 en Zambie, une rencontre a fait
près de douze morts. On dénombre treize morts en 2008 au Congo et
dix-neuf morts en 2009 en Côte d'ivoire. La première cause de ces
évènements tragiques provient du fait que la plupart des stades
sont non conformes aux règles de sécurité, mal entretenus,
un service d'ordre inadapté ou en sous-effectif face à l'ampleur
des certains évènements. Dans un constat général,
les stades africains n'ont pas été construits et pensés
pour des matchs de football. Ils se rapprochent plutôt des stades
omnisports. A titre d'exemple, le stade du Cameroun, construit pour la
dernière CAN en 1972, n'est aujourd'hui plus du tout adapté pour
accueillir des rencontres footballistiques.
81 LOROT PASCAL et DAGUZAN JEAN-FRANCOIS,
« Football, puissance, influence »,
Géoéconomie, vol n°54, été 2010, P. 27
82 GRAVILLON ISABELLE, « Le football, une
histoire africaine », Union française des oeuvres laïques
d'éducation sportive, vol n° 437 P. 11- 12.
80
Les autres conséquences importantes sont les suivantes
:
- Le fléau de la corruption83 (voir chapitre
3, partie III). La corruption est monnaie courante dans la plupart des pays du
continent : matchs truqués, volatilisation de subventions, fausses
factures, trafic de jeunes joueurs de football sont les pratiques que l'on
retrouve très souvent dans la plupart des pays africains,
empêchant le continent d'y développer un football sain. De
surcroît, nombreux sont les dirigeants des Etats d'Afrique qui semblent
réfractaires à tout effort dans ce domaine, minimisant pour
quelques-uns d'entre eux, certains évènements tragiques qui se
déroulent au sein de ces stades. En dépit d'actions visant
à inverser la tendance, beaucoup de délégations africaines
ferment les yeux sur des pratiques on ne peut plus calamiteuses.
- Le non-professionnalisme des équipes nationales et
des clubs. En effet, « la tutelle politique » au sein des
équipes est un fléau incessant dans le football africain. Le
football est devenu « une arme de contrôle sociale et de
mobilisation nationales ». Pour preuve, nombreuses sont les
fédérations africaines où les dirigeants sont issus du
pouvoir politique. Le football est donc devenu un moyen d'instrumentaliser un
régime autoritaire. On se souvient bien évidemment du sort de la
sélection nationale ivoirienne en 2000, lors d'une mauvaise prestation
des joueurs, condamnés par le sulfureux président Robert Guei,
à effectuer un séjour de quatre jours dans une caserne militaire.
Cette peine disproportionnée, n'était que la sanction des
contre-performances de l'équipe.
- Enfin, on dénote en Afrique très peu d'agents
sportifs. Ceci trouve son explication dans la « quasi » non existence
de cadres juridiques solides. De surcroît, les championnats africains ne
permettent pas aux joueurs de se doter d'une protection, ce qui
décourage bien évidemment les investisseurs et impacte sur le
long terme la santé financière des clubs.
Ces conséquences aussi déplorables soient-elles,
impliquent un phénomène récent et récurrent qui met
en péril le football en Afrique. Il s'agit du « muscle drain
», autrement dit l'exode des nouveaux talents africains.
83 LOROT PASCAL et DAGUZAN JEAN-FRANCOIS,
« Football, puissance, influence »,
Géoéconomie, vol n°54, été 2010, P.
27
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