Les stratégies politico-économiques du football professionnel dépassent-elles celles des terrains ?( Télécharger le fichier original )par Victor PORCHER Université Pantheon Assas Paris II - Master 2 Commerce et Management International 2016 |
1.2 Les investissements dans le football : le nouvel « or noir » du Qatar.Contrairement à de nombreux acteurs de la péninsule arabique, le Qatar ne peut jouir d'une puissance par son territoire, qui n'est que de 11 437km2 ainsi que d'une population totale avoisinant 1,5 millions d'habitants58. L'envergure de ce pays, pas plus grand que la région Ile-de-France, s `explique en raison de ses ressources pétrolières qui lui assurent des profits conséquents. Ceci justifie en grande partie le niveau élevé du revenu national brut (RNB) avec 92 200 dollars59 par an et par habitant. Il s'agit Bien entendu du niveau le plus élevé au monde. C'est d'ailleurs cette richesse qui incite le Qatar à investir autant dans le sport et plus particulièrement dans le football. Pour exister et se différencier de ses voisins Iraniens et Saoudiens, le Qatar mise sur la diplomatie sportive et joue aujourd'hui un rôle très important dans le sport. Troisième réserve de gaz au monde mais sans réel poids dans le domaine militaire, le Qatar use de la stratégie dite du « soft power60 » afin de rendre le territoire plus attractif et d'étaler sa puissance financière à travers le monde. De par sa position géographique (proche de l'Irak et de l'Iran et voisin transfrontalier de l'Arabie Saoudite), le Qatar se doit d'être actif et compétitif, tant la région de la péninsule arabique est minée par de nombreux conflits politiques, militaires, ethniques et religieux. Nouvel investisseur dans le domaine du football, l'objectif premier de ce pays encore méconnu du grand public est de promouvoir à travers le sport, l'image du Qatar. Comme le soulève Nabil Ennasri, doctorant et auteur de l'ouvrage « l'énigme du Qatar », une feuille de route constitue le fer de lance de la famille royale : « le Qatar National Vision 2030 »61, le programme vise à développer le pays pour y donner de la crédibilité. Afin d'être placé sous 58 http://www.statistiques-mondiales.com/qatar.htm 59 http://fr.actualitix.com/pays/qat/qatar-revenu-national-brut-par-habitant.php Aout 2016 60 http://www.diploweb.com/Qatar-2008-2014-du-soft-au-smart.html 61 ENNASRI NABIL, « Le Qatar et le football : un investissement stratégique en 5 axes », le Nouvel Observateur, 22/12/2012 67 les feux des projecteurs et d'exister en tant que « puissance mondiale », le Qatar use parfaitement bien la stratégie du « Sport power »62 pour diffuser sa culture et ses idées, via sa grande influence dans les médias sportifs. Selon le spécialiste, le football serait gage de stabilité dans nos sociétés. A titre d'exemple, un jour férié est dédié chaque année au Qatar à la pratique d'un exercice physique. Le sport est considéré comme moteur de croissance et d'attractivité. Très dépendant de ses ressources pétrolières, le pays cherche impérativement à trouver de nouvelles ressources. Cette nouvelle démarche vise à réduire la surexploitation d'hydrocarbure, disponible en quantité limitée. Les dirigeants commencent à comprendre que l'avenir se fera sans hydrocarbure. Pour amorcer cette prochaine pénurie signifiant une baisse des ressources financières, un plan stratégique a été mis en place pour diversifier les recettes du pays. - développer « l'économie de la connaissance ». - développer le tourisme. - développer l'industrie du sport. Pour développer l'industrie du sport, le pays peut compter sur le Qatar Sports Investment : crée en 2005, QSI a pour vocation de répandre l'influence du Qatar aux quatre coins du monde. Les investissements astronomiques dans le football professionnel sont à l'image du pays où prédomine la démesure financière. En s'emparant en 2011 du club du Paris-Saint-Germain (football et handball) et du sponsoring du FC Barcelone, le Qatar est entré dans une nouvelle ère. D'après l'étude menée par l'agence Repucom (aujourd'hui acquis par Nielsen), le montant des investissements dans les clubs de football professionnel européen s'élevait à 1,5 milliards d'euros depuis 2007. Depuis, le constat est sans appel. En 2014, les plus gros investisseurs dans les cinq championnats majeurs européens provenaient des Emirats Arabes Unis et du Qatar. Hormis le club du PSG et du FC Barcelone, les Emirats Arabes Unis se sont aussi installés dans le pays où le football est une institution : l'Angleterre. Manchester City ayant été acquis en 2008 par Abu Dhabi Holding pour 330 millions de dollars. 62 BOUAZZA NADERA, « Le Qatar a besoin de s'afficher pour exister », l'Express, 16/05/2013 68 En Espagne : le club espagnol de Malaga est détenu quant à lui en totalité par le richissime qatari Cheick Abdullah Ben Nasser Al Thani depuis 2010. On constate donc que les ambitions du Qatar sont aussi convoitées par d'autres grandes puissances de la région. En définitive, cette stratégie du sport power pourrait s'étendre dans le futur sur beaucoup plus de nations, tant on connaît les puissances financières du Koweït, de l'Arabie Saoudite ou du Bahreïn. Il est ainsi légitime de s'inquiéter quant à l'avenir du football sur le vieux contient. En effet, ce nouvel élan signifie bien évidemment un redynamise du football européen mais à quel prix ? On peut se demander si ces stratégies venues du golfe arabique et de l'Asie du sud ne sont-elles pas préjudiciables pour notre football « Made in Europe » ? Les traditions de notre football doivent-elle être transgressées par des investissements de pays qui ne connaissent rien au football ? Beaucoup de questions qui sous-entendent plusieurs inquiétudes quant à la perte d'identité de notre football européen. De plus, le doute est permis quant aux réelles volontés des dirigeants qatariens à investir dans le football. Comme l'atteste Vincent Chaudel, directeur de la communication et du marketing de l'agence Kurt Salmon « le phénomène nouveau, en France comme en Europe, avec la reprise du PSG, c'est la dimension étatique. Le sport est une vitrine à dimension domestique et internationale »63. Comment le Qatar s'est-il affirmé en quelques années comme un acteur incontournable du football européen ? Une partie de la réponse se trouve dans le média de diffusion d'évènements sportifs qatari : Al-Jazeera. Véritable révolution technologique et symbole de la globalisation, la chaîne arabe a restructurée le paysage médiatique de la région. Ce nouvel élan permet à la péninsule de jouer un rôle clef dans les nouvelles technologies d'information et de communication (NTIC). Ce facteur de développement nous pousse à réaliser une étude approfondie sur le sujet. |
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