1.3 Du désert qatari au coeur de Paris : l'ascension
d'Al-Jazeera en France.
La force d'un pays est la capacité de ce dernier
à s'adapter aux multiples enjeux de la mondialisation. Comprendre les
mécanismes toujours plus complexes de la mondialisation est
63 PALIERSE CHISTOPHE, « Pourquoi le Qatar mise tant sur le
PSG », les Echos, 25/11/2011
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l'assurance d'une pérennité économique.
C'est dans les années 90 que ce bouleversement sème un vent de
véritable révolution technologique et médiatique dans la
zone du Moyen-Orient puisqu'apparaissent les chaînes par satellite.
Concurrence ardue (on dénombre près de deux cents chaînes
de télévision dans la région), c'est en 1996 que voit le
jour la chaîne qatarie, aujourd'hui acteur incontestable dans le secteur
de l'audiovisuel, Al-Jazeera64. La création de cette
chaîne de télévision que l'on pourrait traduire par «
île » ou « presqu'île », chamboule alors le jeu de
la concurrence dans la région du Golfe, tiraillée par un jeu de
rivalité avec l'ennemi de toujours : l'Arabie Saoudite.
La création de la chaîne fait figure de
révolution du droit d'accès à l'information, le « CNN
arabe » comme on peut le retrouver dans beaucoup d'écrits a su
adopter une stratégie, ô combien gagnante, en s'attaquant au
marché du sport. Renommée depuis 2014 BeinSport afin de mieux
appréhender le marché français, la chaîne qatarie
remporte aujourd'hui un franc succès puisqu'elle détient les
rediffusions des principaux évènements sportifs dont le
football.
Les résultats sont à l'image des ambitions
qataries. Après seulement trois ans d'activités, la chaîne
s'est imposée en France et jouit aujourd'hui d'une reconnaissance
nationale. BeinSport enregistre actuellement près de 2,5 millions
d'abonnés65. L'objectif est donc atteint : conforter la
présence du pays en Europe.
Les ambitions de la chaîne venue tout droit du
désert, dont les locaux sont aujourd'hui à Paris, sont fortes et
adaptées afin de tirer toujours plus de profit. Comme le soutient
l'article du monde66, BeinSport peut se vanter de diffuser quasiment
tous les sports (Près d'un vingtaine de disciplines, du football, au
tennis en passant par la NBA).
BeinSport connaît alors un tournant en acquérant
l'intégralité des rediffusions des matchs de la Coupe du Monde
2014 au Brésil. Le rachat des droits de retransmission de la
chaîne arabe à TF1 pour cinquante millions d'euros fut une aubaine
pour la chaîne, qui s'est en outre retrouvée seule en course dans
cette procédure d'acquisition puisque son concurrent numéro un,
Canal +, s'est soudainement retiré de la bataille.
64 Chaîne de télévision arabe diffusant des
rencontres sportives.
65 FIFE FRANCK, « Cinq chiffres pour comprendre le
rapprochement entre BeinSport et Canal + » , europe1, 2016
66 KESSOUS MUSTAPHA, « BeIN Sports, droit au but »,
Le Monde, 2015
70
Inévitablement, BeinSport a su profiter de cet avantage
pour se faire connaître en France puisque beaucoup de
téléspectateurs se sont vus obligés de souscrire à
la chaîne pour regarder l'intégralité des matchs de cette
compétition qui n'a lieu qu'une fois tous les quatre ans.
L'offensive stratégique de la chaîne étant
à échelle internationale, le lancement en août 2012 de
BeinSport en Amérique, en Asie (Juillet 2013), en Australie (octobre
2014) ou encore plus récemment en Espagne (2015), mettent en
lumière les investissements colossaux engagés par les qataris
ayant vocation à se traduire en un réel rayonnement
planétaire.
Pour conclure, il est évident de dire que les
stratégies du Qatar s'avèrent payantes puisque le pays est de
plus en plus présent dans nos média. Les rachats successifs des
clubs à travers l'Europe et la diffusion de la chaîne qatarie
Al-Jazeera (BeinSport) sont à la hauteur des espérances du pays.
De surcroît, l'attribution de la Coupe du Monde 2022 (certes houleuse)
mais officiellement légale, confirme les ambitions du Qatar de devenir
une super puissance dans le monde du football. Néanmoins, le pays ne
fait pas l'unanimité. Rongé par les guerres et les nombreuses
tensions ethniques et religieuses dans la région du Golfe arabique, le
pays pétrolier cherche à trouver de nouvelles ressources
post-hydrocarbures, sous peine d'un recul de compétitivité
engendrant probablement des conséquences dévastatrice pour le
pays, tant on connaît les différends avec son voisin l'Arabie
Saoudite. Pour y parvenir, le Qatar jouit d'un avantage en technologie
contrairement au retard archaïque saoudien, l'ennemi de toujours
malgré l'adhérence commune au wahhabisme. Il y a donc fort
à parier que la création de cette chaîne ne fait que
raviver les tensions entre les deux pays. Pour autant, le Qatar peut se vanter
d'avoir usé de la stratégie du soft power, pour affaiblir
l'Arabie Saoudite. Aujourd'hui Al-Jazeera rencontre un franc succès sur
la scène internationale. Malgré des chiffres difficiles à
vérifier en raison de l'opacité et de la discrétion des
autorités qataries à divulguer les statistiques, on estime
environ 35 à 50 millions de téléspectateurs par jour. Il
est donc clair que la chaîne arabe, issue des stratégies de
l'émir cheikh Hamad, est le moyen le plus efficace dont dispose le Qatar
pour propager son influence dans la région et dans le monde entier.
Contrairement, aux autres puissances de la région, le Qatar ne peut
mettre a profit une stratégie basée sur le «
Hard power », notamment en raison d'une présence
militaire faible. Ceci explique en partie la raison pour laquelle Al-Jazeera
est la représentation d'un « soft power »
(par extension un « sport power
»), qui fonctionne.
Ceci nous amène à étudier un second cas.
Il s'agit des nouvelles ambitions gargantuesques du pays qui ne cesse de parler
de lui par son modèle économique : La Chine. Empire aux mille
et
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une richesse, la Chine déclare depuis peu sa flamme au
football. La stratégie engagée par le gouvernement chinois est
simple : Faire de la Chine une nation du football d'ici 2050.
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