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Problématiques de l'occupation et de la gestion de l'espace public dans les communes de Ouakam et de Mermoz sacré-cÅ“ur.

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par MOUSSA MAHAMAT MOUSSA DICKER
Ecole Supérieure dà¢â‚¬â„¢Economie Appliquée (ESEA_ex-ENEA / UCAD) - Ingénieur de Travaux en Aménagement et Gestion Urbaine 2016
  

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II.2. Des formes et usages de la voie publique

L'espace public n'est pas immuable. Il peut prendre différentes formes17 et peut être perçu de différentes manières selon les acteurs. C'est une suite logique dans laquelle l'intégration des deux dimensions de l'espace permet d'avoir une organisation spécifique des lieux. Alors, il suffit de se demander « que font les gens dans la rue ? Qui fait quoi ? Comment le font-ils ? Comment ce qu'ils font est-il relié à la configuration des lieux et plus généralement à leur matérialité ? » (J. CHENAL et al, 2009 p.7). Répondre à ces questions c'est aussi essayer de comprendre pourquoi le font-ils.

Sur un cadre réglementaire, l'espace public ou la voie publique est construite selon des normes précises (ou un régime juridique précis). Des fonctions particulières lui sont attribuées (principalement la circulation) mais dans cette configuration d'autres paramètres entrent en jeux et influencent l'usage de la voie : en plus des normes (surtout urbanistiques) il y a l'emplacement et les constructions qui la bordent (J. CHENAL, 2013 p.27). Les usages des acteurs viennent donc s'ajouter à ces différentes

17La forme ne se limite pas au physique ou matériel. Dans ce contexte la forme est proportionnelle aux usages variés de la voie publique.

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formes d'influences. Ce qui signifie que « ce n'est pas le seul régime juridique de la propriété du sol qui décide de la destination d'un terrain, mais les pratiques, les usages et les représentations qu'il assure» (Yona Jébrak et Barbara Julien, 2008 p.19).

Les dynamiques de l'espace public s'inscrivent dans un processus qui débute par la construction puis la transformation jusqu'à son utilisation (Ibid.18). « L'espace public est devenu un dérivé du mouvement » (Sennett, Richard, 1979). L'étape la plus importante est celle qui fait le lien entre la transformation et son utilisation puisqu'elle met en lien « celui qui réalise l'espace public et celui qui l'utilise ». Les usages déterminent ce que va advenir à l'espace public. Ainsi on peut déterminer cinq19 (05) formes d'espaces publics qui constituent en même temps des enjeux « distinctes et interdépendantes » (M. BASSAND et al, 1999) :

- Les espaces d'accessibilité : cela se réduit à la mobilité des biens et personnes (grâce aux différents moyens de transport) mais aussi aux moyens de transport des infrastructures et équipements urbains (services d'eau, d'électricité par exemple). Ce qui renvoie en définitive aux fonctions premières de la voie publique dans sa forme urbanistique ou architecturale ;

- Les espaces d'usage festif et/ou civil : cette forme d'usage est considérée comme une marque de citoyenneté, d'urbanité ou l'expression de la démocratie (J. HABERMAS 1962 ; Stéphane TONNELAT 201620, Ilaria CASILLO 2013). C'est là où les populations partagent leur différence et leur individualité (culturelle ou politique) ;

- Les espaces de marché : c'est l'espace le plus partagé en milieu urbain. Il représente certes un enjeu économique pour une ville (voire un pays surtout ceux du sud ou les conséquences des problèmes socioéconomiques se manifestent particulièrement sur cet espace) mais constitue un endroit de partage des pratiques sociales par excellence ;

18Yona Jébrak et Barbara Julien Les temps de l'espace public urbain : Construction, Transformation et utilisation 2008 ; 188p.

19Jérôme CHENAL, 2013 p27-29 ;

20Stéphane Tonnelat, « Espace public, urbanité et démocratie », La Vie des idées, 30 mars 2016

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- Les espaces de sociabilité : « la rue, la place [...] avaient servi pendant des siècles dans un cadre plus large que le cadre familial, d'espace de base pour une sociabilité populaire, spontanée ou organisée » (Alain LEMENOREL, 1997 p.73). Dans l'anonymat les individus se rencontrent au niveau de l'espace public socialisent souvent sous l'obligation morale d'un «bonjour» (particulièrement dans les sociétés africaines). Ces différentes interactions sous-entendent une affinité entre les acteurs qui aboutit à une acceptation de l'autre au niveau de l'espace public si l'on considère la sociabilité comme « les manières d'être ensemble de groupes sociaux différenciés, dans un contexte culturel donné » (Korosec-Serfaty, 1988) ;

- Les espaces d'identité : cette forme s'exerce dans un contexte de reconnaissance d'une société particulière ou d'une classe donnée. L'espace devient un moyen de revendications puisque son accès n'exclus particulièrement personne. L'espace est aussi un lieu de « construction de l'identité urbaine » qui est « l'image de soi qu'un acteur s'efforce de construire par rapport à autrui » (M. BASSAND et al.2001 p.247).

Ces différentes formes (qui représentent aussi d'enjeux) que peut prendre l'espace public décrivent la nature même de cet espace qui « est de mélanger les gens et les activités, de changer avec le temps, dans la journée, dans la semaine ou encore dans la longue durée»21. L'espace prend la forme de l'acteur qui l'utilise en fonction de ce qu'il fait. « Chacun peut faire l'expérience de la diversité des rues, à l'intérieur d'une même ville. [...] Les rues (et l'idée que l'on s'en fait) se différencient selon l'espace et le réseau de relations dans lesquels elles s'inscrivent, à différentes échelles »22. Les acteurs qui marquent cet espace peuvent être des acteurs politiques, économiques, des spécialistes de l'espace ou des usagers (BASSAND et al. 2001). Ces derniers jouent un rôle, chacun à un moment donné, dans la création, la transformation et l'usage de l'espace.

L'espace public contemporain est objet d'un débat animé, vu que le concept même d'espace public n'est utilisé que dans les années 1970. Avant même sa création (en tant que concept), des auteurs comme Camillo Sitte (1889) et Jane Jacobs (1961) évoquaient la mort de l'espace public. Ce « déclin » est un constat lié au changement

21Antoine Fleury, « La rue : un objet géographique ? », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 5 | 2004, mis en ligne le 01 avril 2006

22Ibid.

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de paradoxe puisque l'espace public était une question destinée à la bourgeoisie (Habermas, 1962) qui portait le débat formant « l'opinion publique »23 . Avec l'avènement des libertés (la fin des royaumes) et l'automobile, l'accès à l'espace public se bouleverse, change sa fonction d'antan et devient un espace de circulation. « Privé de sens, vécu comme coupure, l'espace public, perçu comme un vide entre les pleins du bâti, a souvent été rempli au gré des besoins de la vie moderne, en l'absence de réflexion globale. Il a ainsi perdu l'identité propre qui, au XIXe siècle et avant, le caractérisait, pour devenir une organisation complexe d'éléments hétéroclites dans laquelle les espaces s'interpénètrent et les fonctions se confondent. »24

Ce changement de contexte ne présage pas pour autant la mort de l'espace public mais démontre la transformation continuelle de ce dernier. Se positionnant contre l'idée du péril de l'espace public, François TOMAS25 atteste sur la métamorphose de ces lieux qui « subsistent et se renouvellent ». Les mutations liées à l'usage des espaces sont conditionnées par l'évolution de la ville elle-même et de ses défis. C'est ainsi que de nos jours, avec les défis de la croissance urbaine, les enjeux urbains sont d'ordre environnemental dont la verdure et la piétonisation (ou bien la réduction de l'automobile) conditionnent les politiques urbaines à l'instar des rue piétonnes de Paris, Barcelone ou encore Kigali.« Aujourd'hui, les nouvelles politiques cherchent à restituer ces espaces aux piétons et à la population »26. Les espaces publics sont donc au premier plan et cela sonne comme une nostalgie des espaces d'avant l'automobile.

De même, le rôle de la voie publique en tant que support de concentration des interactions sociales est « concurrencé » par la diffusion des médias et le développement des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC). Ces derniers créent un espace virtuel « espace public numérique » et y déplacent les interactions. « f...] L'espace est constitué de processus de

23La femme, les pauvres, les esclaves et les étrangers étant exclus du débat public.

24Communauté Urbaine de Lyon, Service Espace Public, Le vocabulaire des espaces publics Les références du Grand Lyon, Lyon, sans date 43 p.

25TOMAS François. L'espace public, un concept moribond ou en expansion? Géocarrefour, vol. 76, n°1, 2001. L'espace public. pp. 75-84.

26Dossier vue sur la ville : la requalification des espaces publics, enjeu de la ville durable. Université de Lausanne, n°19 décembre 2007.

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communication détachés des lieux, une dimension analytique... Dans le monde moderne, les mass-médias et les médias interactifs comme le net jouent un rôle très important dans la constitution de l'espace »27. La suppression des frontières ou limites physiques de l'espace par les NTIC est une réalité incontournable.

Néanmoins ces deux dimensions sont complémentaires. Même si l'essentiel du débat se déroule au niveau virtuel, cela finit par se manifester dans la rue à l'instar des revendications sociopolitiques au Moyen-Orient (printemps arabe), le soulèvement des noirs aux États Unis contre le crime racial, les revendications des travailleurs en France ou encore le balai national au Burkina. L'espace virtuel grâce à sa vitesse de transmission de l'information au-delà des frontières facilite et renforce certaines manifestations.

Aussi et enfin, l'espace public moderne est marqué par le défi sécuritaire. La fréquentation assez considérable de l'espace public par la population la rend finalement une cible stratégique. L'exemple des attentats dans les marchés au Nigeria, au Niger au Mali ou au Tchad depuis ces dernières années, les tueries dans les églises et parcs au États Unis, la tuerie de Nice en France, etc. en sont des références.

La voie publique en somme ne se limite pas uniquement à sa dimension architecturale et sa fonction comme support de circulation. En tant qu'espace public, elle peut prendre différentes formes et peut faire objet de différents usages. Ces derniers s'inscrivent dans le temps et à travers l'évolution de la ville et de ses enjeux, la rue étant déterminant dans « la fabrique de l'urbanité » et de la ville.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand