PREMIER PARTIE : UNE PROTECTION BIEN ASSUREE LORS DE LA
CONSTITUTION
9
La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
Chancel
L'opération de crédit hypothécaire est un
contrat synallagmatique29 car il fait naître des obligations
tant à l'égard du banquier qu'à celui du client. Ainsi, le
banquier, qui y consent, se doit de mettre les fonds à la disposition du
client et de ne demander le remboursement qu'à l'échéance
du prêt ou en cas de déchéance du terme. Le client, quant
à lui, se doit de fournir l'hypothèque et de se conformer
à toutes les formalités prévues par la convention de
crédit hypothécaire. En pratique, les stipulations des
conventions de crédit hypothécaire subordonnent
généralement la prestation du banquier à l'accomplissement
préalable des prestations auxquelles est tenu le client emprunteur.
Autrement dit, la mise à disposition du crédit est
différée jusqu'à l'accomplissement de toutes les
formalités convenues. Ce procédé permet au banquier,
d'analyser préalablement la situation de l'emprunteur et, d'obtenir une
sûreté fiable avant à la mise en place du crédit.
Au rang des formalités que doit respecter le client
figure principalement celles prévues expressément par le
législateur. Ces mesures légales garantissent la protection du
banquier (Chapitre I) puisqu'elles conditionnent la validité et
l'opposabilité de l'hypothèque. Parallèlement, le client
doit honorer les engagements purement contractuels convenus entre lui et le
banquier. Ces engagements que nous regroupons sous le vocable de mesures
conventionnelles de protection (Chapitre II) contribuent à renforcer de
la sécurité du banquier.
29 Sur les contrats synallagmatiques, voir
l'article 1102 du C. civ. Et, pour une vue générale sur la notion
lire, BENABENT (A), Droit civil les obligations, 9e
édition Montchrestien 2003. Notamment les P. 13 et P. 257.
10
La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
Chancel
CHAPITRE I : LES MESURES LEGALES DE PROTECTION
L'opération de crédit hypothécaire est
d'abord un contrat soumis globalement à la théorie
générale des obligations30. Autrement dit, sa
constitution exige à peine de nullité31 le respect des
conditions énumérées à l'article 1108 du
C.civ32. Il s'agit précisément du «
consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter,
l'existence d'un objet certain qui forme la matière de l'engagement et
d'une cause licite dans l'obligation »33. Mais,
l'opération de crédit hypothécaire, parce qu'elle est
constitutive d'une sûreté réelle immobilière, est
finalement un contrat particulier soumis à des conditions
spécifiques34.
Ces conditions, auxquelles veille le banquier lors de la
constitution des crédits hypothécaires, sont principalement
contenues dans les articles 126 à 131 de l'A.U.S. Etant dans l'ensemble
relatives au constituant de l'hypothèque, à la garantie
hypothécaire, à la créance cause d'hypothèque et
à la forme de la convention de crédit hypothécaire, ces
conditions obligatoires pour la validité et l'opposabilité de
l'hypothèque, peuvent être reparties en condition de fond (Section
I) et en condition de forme (Section II).
SECTION I: LES CONDITIONS DE FOND
Elles sont principalement prévues à l'article
127 de l'AUS qui dispose que « l'hypothèque conventionnelle ne
peut être consentie que par celui qui est titulaire du droit réel
immobilier régulièrement inscrit et capable d'en disposer. Elle
doit être consentie pour la garantie de créances
individualisées par leur cause et leur origine, représentant une
somme déterminée et portées à la connaissance des
tiers par l'inscription de l'acte.». Cet article vise trois
conditions particulières à savoir: l'obligation du constituant
d'être titulaire d'un droit réel immobilier et d'avoir la
capacité d'en disposer ainsi que l'obligation pour l'hypothèque
d'être consentie pour des créances individualisées. Ainsi,
pouvons-nous dire,
30 ANOUKAHA (F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI FOLI,
ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I), MOUSSA SAMB, op. cit. P. 176.
31 La nullité est une sanction de
l'inobservation des conditions de formation de contrat. Elle entraine une
disparition rétroactive du contrat. V. GUILLIEN (R) et Vincent (J),
(sous la direction de...) Lexique des termes juridique 13e
édition Dalloz 2001 P.424.
32 Il s'agit du Code civil
camerounais. Textes coordonnés par GATSI (J), P.U.L
édition 2010. P. 164
33 V. TERRE (F), SIMLER (P) et LEQUETTE (Y), Droit
civil les obligations, 2e édition Précis Dalloz,
Paris 2002
34 Cette mention vise notamment à relever
que l'impact du caractère réel influence les conditions
constitutives de l'hypothèque. Voir, dans le même sens, ANOUKAHA
(F), CISSE- NIANG (A), MESSANVI FOLI, ISSA-SAYEGH (J), YANKHOBA NDIAYE (I),
MOUSSA SAMB, op. cit. P. 176. Voir aussi, AYNES (L) et CROCQ (P), op. cit, P.
281
11
La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
Chancel
après analyse, que le législateur fixe les
conditions de fond en tenant compte du constituant de l'hypothèque
(Paragraphe I), et de la règle de spécialité de
l'hypothèque (Paragraphe II).
Paragraphe I: Les conditions relatives au constituant de
l'hypothèque
Il s'agit de l'obligation pour le constituant d'être
titulaire de droit réel immobilier (A) et d'avoir la capacité
d'en disposer (B).
A)- La qualité de titulaire de droit réel
immobilier
L'A.U.S exige que le constituant de l'hypothèque soit
titulaire de droit réel immobilier sur le bien à
hypothéquer. Les principaux droits réels sont les droits de
propriété et ses démembrements35. Concernant
les démembrements du droit de la propriété, le
législateur OHADA en cite quelques uns susceptibles de faire l'objet
d'hypothèque. Il s'agit précisément « de
l'usufruit, le droit de superficie, le bail emphytéotique ou le bail
à construction »36. Cette liste a été
complétée par la doctrine qui estime que le législateur
aurait omis d'y mentionner « la nue- propriété » qui,
conformément aux lois organisant le régime foncier, peut
également faire l'objet d'hypothèque37. Par ailleurs,
exiger du constituant d'être titulaire de droit réel immobilier
signifie que celui qui consent une hypothèque doit, être
propriétaire de l'immeuble hypothéqué, justifier d'un
droit susceptible d'hypothèque ou encore d'une procuration
émanant du propriétaire38.
Dans la pratique bancaire, en particulier, le contrôle
de la qualité de propriétaire d'immeuble ou de titulaire de droit
réel immobilier n'est pas difficile à réaliser. En effet,
les banquiers procèdent d'abord à la confrontation des
informations contenues sur les documents officiels du constituant (carte
d'identité ou passeport), avec celles contenues dans la copie du titre
foncier. Et, au besoin, avec les informations recueillies lors de l'ouverture
du compte bancaire39. Ensuite, ils requièrent, du
conservateur foncier, un certificat de propriété sur la base de
la copie du titre foncier fournie par le constituant. Ce processus explique que
la
35 ATIAS (C), Droit civil, Les biens 2e
édition Litec 1991. P. 41 et suivant
36 Art 122 al 4 A.U.S
37 ANOUKAHA (F), op cit. P. 25. ISSA- SAYEGH,
commentaire de l'acte uniforme portant sûreté, in OHADA
Traité et actes uniformes commentés et annotés. Juriscope
2008. P. 723.
38 SAKHO(A) et NDIAYE (I), Pratique des
garanties du crédit, 1ère édition Dakar
1998. P48. Pour la procuration voir l'art 128 al 2 A.U.S.
39 Sur les informations recueillies lors de
l'ouverture d'un compte bancaire, voir SOUOP (S), La réalisation des
crédits garanties : Mission impossible? Ohadata D- 08-11.
12
La protection du banquier dans les opérations de
crédit hypothécaire en zone CEMAC Par MAKOUBA MOUYAMA Julio
Chancel
constitution d'hypothèque par un
non-propriétaire soit un fait extrêmement rare40.
D'autant plus, qu'en principe, seuls les immeubles immatriculés peuvent
être hypothéqués41.
L'exigence de la qualité de propriétaire ou de
titulaire de droit réel immobilier induit certaines conséquences
que le banquier ne saurait ignorer. La première est la nullité
absolue de l'hypothèque des choses d'autrui. Cette nullité
insusceptible de régularisation est encourue alors même que le
constituant viendrait à acquérir ultérieurement la
propriété de l'immeuble hypothéqué42. La
seconde conséquence est que l'hypothèque est soumise aux
modalités qui affectent le droit de
propriété43. Ainsi, lorsque le droit de
propriété est conditionnel, l'hypothèque l'est
également.
Cependant, en ce qui concerne les immeubles indivis, une
distinction est faite selon que l'hypothèque est consentie par l'un des
co-indivisaires ou par tous les copropriétaires. Dans le premier cas, la
validité de l'hypothèque sera fonction du partage ou de la
licitation ultérieure. Si l'immeuble est attribué au constituant,
l'hypothèque conserve sa validité. Au cas contraire, elle est
rétroactivement annulée. Dans le second cas, l'hypothèque
conserve son effet quel que soit, ultérieurement, le résultat de
la licitation ou du partage44. Encore faudrait-il dans tous les cas
que le constituant ait la capacité d'aliéner le bien objet
d'hypothèque.
|