7.2.3 Théorie épisodique
La théorie de l'indice composite (»compound cue
theory») proposée par Ratcliff et McKoon (1988), se fonde sur
l'hypothèse que les informations stockées en mémoire
à long terme(MLT) sont sous forme d'images mnésiques contenant la
représentation et les informations associatives et contextuelles
associées. Ces dernières sont dépendantes de l'encodage en
mémoire à court terme (MCT). Ainsi, les informations de la MLT
dépendent essentiellement de la durée passée en MCT, de la
liaison à ce moment à d'autres items. La
récupération de l'information en MLT dépend d'indices qui
peuvent être des mots, des sons, des images et qui ont une force
d'associativitéavec l'information contenue en MLT, plus ou moins forte.
Plus l'indice serait fortement associéà l'image mnésique
contenue en MLT et plus la récupération serait effective. Ce
modèle se base sur le concept de familiarité(Gillund et Shiffrin,
1984) qui propose que l'indice génèrerait une activation globale
au sein de la MLT qui déterminerait la probabilitéde la
reconnaissance de l'image mnésique cible. La familiaritése
définit comme la force de liaison entre l'indice et l'image
mnésique en MLT multipliée par la force de liaison entre le
contexte et cette même image mnésique (Gillund et Shiffrin, 1984).
Plus deux concepts sont connectés et plus sera grande la valeur de
familiaritéentre eux. Dans le cas de l'amorçage, plus la valeur
d'amorçage sera grande entre l'amorce (objet perçu) et la cible
(image mnésique), plus le temps de décision sur la cible sera
court. Dans notre cas, l'indice était constituéde l'amorce
»café» et de la cible (lieux »cafés» dans
l'environnement virtuel). Ces deux représentations seraient
associées dans la MLT. Chacun de ces deux items activeraient les traces
mnésiques qui lui sont propres dans la MLT, ce qui donnerait une valeur
globale d'activation ( un champs d'activation). Or comme ces deux items sont
proches sémantiquement, selon la théorie de l'indice composite,
les champs d'activation pourraient se recouper, ce qui provoquerait une valeur
d'activation importante (Ratcliff et McKoon, 1988) et faciliterait la prise de
décision envers cette cible.
88 7 Amorçage, traces mnésiques et intuition
7.2.4 Liens entre l'amorçage et l'intuition
Les modèles présentés ci-dessus, la
diffusion de l'activation, la mémoire en réseau, et la
théorie épisodique, permettraient d'expliquer en partie
l'intuition dont a fait preuve les participants du groupe amorcé.
Reprenons les faits de l'expérience. Les participants de ce groupe ont
perçu consciemment ou préconsciemment les indices de
»cafés» présents dans la salle - en effet
l'amorçage n'était pas subliminal - sans toutefois savoir qu'ils
avaient un lien avec le problème qui allait être posé. Lors
de l'immersion virtuelle, les participants amorcés ont nomméplus
de lieux en lien avec le café, et certains d'entre eux ont
devinéque la solution était »café», sans faire
de liens avec les indices. D'autre part, à la fin de l'expérience
les participants nous dirent qu'ils n'avaient pas vraiment fait attention aux
indices présents. Au regard de ces faits et des modèles
précédemment présentés, nous supposons que des
informations perçus, même non-consciemment ou
»pré-consciemment», c'est à dire sans une attention
consciente, sont capables d'avoir une influence sur une prise de
décision ultérieure. D'après ces modèles, il se
pourrait que la perception dans l'environnement virtuel des cafés
s'associent à celle des amorces de l'environnement naturel et influence
la prise de décision pour ce lieu plutôt que d'autres lieux.
Toutefois, étant donnéque les participants étaient tous
parisiens et étudiants, nous pourrions imaginer que certains des lieux
de la vidéo seraient de prime abord plus attractifs pour eux, annulant
ainsi l'effet des amorces. Toutefois, la consigne devait provoquer chez les
participants une mise en lien entre le contexte de l'expérimentation, et
l'environnement virtuel. Or dans le cas d'une familiaritéentre ces deux
objet, le participant pourrait se baser sur une intuition, alors que dans le
cas d'une absence de familiarité, le participant ne pourrait se baser
que sur une inférence »logique» ou être dans
l'incapacitéde répondre. C'est d'ailleurs ce qu'on observerait
chez trois des participants non-amorcés qui ne nommèrent aucun
lieu. Nous supposons que cette absence de réponses dénoterait
d'une absence de liens dans l'expérimentation pour ces participants.
Toutefois, chez d'autres participants non-amorcés, il y eu des
réponses basées sur les éléments visuels et sur une
tentative d'inférer ce que les expérimentateurs auraient choisi.
Ainsi, certains nous dirent avoir choisis les lieux aux couleurs les plus
voyantes. Ainsi, même en l'absence d'indices, et d'intuition, les
individus tenteraient de créer du sens dans le but de répondre
correctement à une situation donnée.
Nous entrevoyons les limites des théories de
l'amorçage dans le cas de l'intuition. En effet, aucune de ces
théories n'expliquent vraiment pourquoi les participants se sentent
attirés par les lieux amorcés. Le fait même que ces lieux
soient déjàpré-activés ne peut être une
solution. Il aurait fallu une théorie de l'esprit basée sur des
principes d'économie énergétique pour rendre compte de ce
phénomène. A' notre connaissance, il n'existe pas de
modèle complet rendant compte du fait que la pré-activation d'une
représentation ou d'un réseau de neurones, a le dessein de tendre
vers l'équilibre énergétique, et que cette
pré-activation tend à s'annuler dans la résolution du
problème présenté. C'est à dire, qu'àpartir
du moment oùil y a pr'e-activation, il y a besoin de trouver une
représentation ou un pattern annulateur afin de retourner à un
état d'homéostasie propre au système. Tant que la
pr'e-activation durerait, l'état de tension psychique du sujet serait
supérieure à sa ligne de base, et créerait un
besoin/désir de trouver l'objet.
Dans le cas de notre expérience, l'amorçage
aurait activécertains schémas chez les participants en lien avec
le champ sémantique du café, des terrasses de café, et de
Paris(voir Figure 7.1 par exemple). Selon les modèles
précédemment
7.2 Modèles explicatifs de l'amorçage 89
cités, la rencontre avec un environnement
liéà ces pré-activations devrait provoquer une
réaction. Dans le but de mesurer cette/ces réaction(s), nous
avons choisi sur la base des expériences de Bechara et ses
collaborateurs (1997), de nous intéresser aux réactions
physiologiques des participants amorcés et des non-amorcés afin
de détecter une possible différence.
8
Environnement, Système nerveux autonome et Prise de
décision
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