3.3.2 Corrélats physiologiques d'une prise de
décision intuitive
Peu d'études furent menées sur les composantes
psychophysiologiques de l'intuition, toutefois nous retrouvons de nombreuses
études psychophysiologiques sur la prise de décision. En nous
référant à l'hypothèse que l'apprentissage
implicite serait une composante du processus intuitif (Lieberman, 2000), les
travaux sur l'Iowa Gambling Task (IGT) montre l'importance des marqueurs
somatiques dans une prise de décision intuitive et plus
généralement dans le processus intuitif. Ce test de poker propose
aux participants de tirer des cartes une centaine de fois parmi quatre paquets
qui diffèrent dans leur distribution de gains et pertes. Deux paquets
sont à haut risque de pertes mais apportent avec une faible occurrence
un gain élevétandis que les deux autres paquets sont à bas
risque de perte, mais apporte un gain tout aussi faible. Ces deux derniers
paquets permettaient d'obtenir une somme conséquente sur le long terme,
tandis que les paquets à haut risque de perte entraînaient une
perte totale sur le long terme. Par conséquent, il était plus
stratégique de choisir les paquets à faible perte et faible gain.
La plupart des patients sains finissent par choisir les deux paquets
avantageux, tandis que les patients avec une lésion du lobe
préfrontal ventromédial persistent à piocher dans les
paquets désavantageux. L'apprentissage implicite des personnes
non-lésées seraient liéaux marqueurs somatiques (Bechara
et al, 1997) dans le but d'anticiper au mieux les récompenses et
punitions (Tomb et al, 2002). Cette réaction somatique se traduirait par
une augmentation de
54 3 L'intuition : Une suggestion non-consciente
la conductance cutanée (Crone, Somsen, Van Beek et Van
Der Molen, 2004; Jenkinson, Baker, Edelstyn et Ellis, 2008) et une diminution
du rythme cardiaque (Crone et al, 2004). Des hypothèses
complémentaires montreraient que les marqueurs somatiques sont le signe
d'un conflit interne entre deux décisions plus ou moins conscientes (De
Neys et al, 2010) ou encore qu'ils résultent d'un défaut
d'inhibition d'une réponse stéréotypée, alors
même que le cortex cingulaire antérieur serait activé. Or
ce dernier serait impliquédans la reconnaissance d'un conflit lors d'un
raisonnement, ce qui entraîne la sensation de ne pas avoir donnéla
bonne réponse, sans toutefois pouvoir en proposer une autre mieux
adaptée (De Neys, Vartanian et Goel, 2008).
Il faut pourtant relativiser ces conclusions
générales, en pointant que tous les individus ne sont pas
égaux dans leur capacitéà ressentir leur intuition et
à suivre la bonne décision. Crone et al (2004) observent une
réaction plus intense du système nerveux autonome chez les bons
décideurs, contrairement à Jenkinson et al (2008) qui n'observent
pas de différence significative entre les bons et les mauvais
décideurs. Une étude phénoménologique de
l'intuition montre que le processus d'intuition se traduirait par un corpus de
gestes mentaux et physiques préexistants à la venue de
l'intuition (Petitmangin, 2002), certaines personnes seraient alors plus
enclines à provoquer ces gestes et cette position mentale utiles
à l'intuition et à la prise de décision intuitive.
L'expérience menée par Katkins, Wiens et ·Ohman
(2001) appuie l'hypothèse selon laquelle les bons décideurs
auraient tendance à être plus sensibles à leurs
réactions physiologiques/viscérales, comparéaux mauvais
décideurs. Dans cette étude, les personnes capables de ressentir
leur rythme cardiaque étaient les plus aptes à anticiper un choc
électrique lors d'une tâche de prédiction. Bien entendu,
ces deux variables sont seulement corrélées et en aucun cas
causales. Il pourrait donc exister une autre variable contribuant à la
relation de ces deux évènements (humeur, condition physique,
anxiété..).
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