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Prise de décision intuitive dans un environnement virtuel.

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par Mickael ESKINAZI
Université Catholique de Paris - Psychologie 2016
  

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3.3 La prise de décision non-consciente

3.3.1 Les marqueurs somatiques

C'est à partir d'observations sur ses patients cérébro-lésés que Damasio (1995) en vient à élaborer son hypothèse des marqueurs somatiques. Il constate que des patients lésés de la région préfrontale sont incapables d'éprouver des émotions et de prendre des décisions avantageuses. Il y aurait donc un lien étroit entre le raisonnement et l'émotion, le somatique. A partir de tous ces éléments, Damasio suppose que le mécanisme du raisonnement reçoit des signaux du corps (viscéraux ou non) des centres émotionnels, qui viendraient étayer le jugement, le raisonnement, et lui permettrait d'aboutir :

~ Imaginez qu'avant d'avoir appliquéla moindre analyse de »coût/bénéfice» aux différents cas de figure, et avant que vous ayez entaméle processus de raisonnement devant vous mener à la solution du problème, quelque chose d'important se produit : lorsque vous visualisez dans votre esprit, même fugitivement, la conséquence néfaste d'une réponse que vous pourriez choisir, vous ressentez une sensation déplaisante au niveau du ventre. [...] Il (le marqueur somatique) oblige à faire attention au résultat néfaste que peut entraîner une action donnée, et fonctionne comme un signal d'alarme automatique [...] (Damasio, 1995, L'erreur de Descartes, pp. 224-225).

Les émotions chez Damasio, sont à entendre dans un sens plus large que les simples émotions primaires (joie, tristesse, colère, peur...), ces émotions dépendraient, reflèteraient, les signaux que certaines partie du corps produisent lors d'un stimulus, lors d'une représentation imaginaire d'une situation possible, et qui serait perçues consciemment ou non. Pour expliquer le fait que les émotions peuvent influencer inconsciemment une prise de décision, Damasio (1999) réalisa une expérimentation avec un patient amnésique incapable de se souvenir de personnes rencontrées ou d'évènements. Malgrécette déficience, le patient en question était capable de choisir avec quelles personnes il préférait être ou ne pas être, avec lesquelles ils s'entendaient ou non. Ceci est surprenant,car son amnésie ne lui permet pas de souvenir des attributs positifs ou négatifs des personnes rencontrées, pour lui, chaque rencontre est nouvelle. Damasio (1999) suggère qu'il existerait donc une mémoire non-consciente liée à des émotions à valence négative ou positive et permettant au patient de »sentir», de savoir spontanément, sans éléments d'analyse ce qu'il aime ou n'aime pas. Nous n'hésitons pas à repenser aux expériences sus-cités (p. 39) de Claparède ou de Jacoby et Kelley (1987). Selon Damasio, cette mémoire implicite serait favorisée par l'existence de marqueurs somatiques.

Damasio (1999) donne l'exemple d'un patient souffrant d'une lésion du lobe préfrontal qui pouvait prendre plusieurs heures pour choisir rationnellement entre deux prises de rendez-vous :

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Pendant presque une demi-heure, il a énuméréles raisons pour et contre chacune des deux dates : engagements antérieurs, proximitéd'autres engagements, prévisions météorologiques, et pratiquement toutes les sortes de raisons envisageables [...] il se livrait à des comparaisons sans fin et sans intérêt entre différentes options et leurs éventuelles conséquences [...] Finalement, je lui ai effectivement dit, sans me troubler, qu'il devrait venir le second des deux jours proposés. Sa réponse a étéégalement calme et rapide. Il a simplement dit : `C'est très bien.' Il a rangél'agenda dans sa poche et s'en est allé (Ibid, p.265-266)

Nous comprenons alors que le simple raisonnement peut devenir irraisonnable dans ces cas extrêmes, d'autre part, les marqueurs somatiques auraient un rôle dans la relation à l'autre, en nous rendant apte à faire des choix en coopération avec les autres. Ces marqueurs somatiques nous permettraient aussi de réduire le champ des possibles

grâce à l'imposition d'une marque émotionnelle. Si nous étions indifférent à tout, nous ne pourrions choisir, c'est àdire trancher dans l'infinitude du réel.

Bien entendu, les marqueurs somatiques seuls ne permettent pas de prendre une décision, mais permettent d'affiner le choix des possibles, ils sont en quelque sorte un premier filtre vers la décision optimale et réduisent ainsi considérablement le temps de délibération. D'autre part, comme nous l'avons vu dans les parties précédentes traitant de la prédiction et de l'anticipation ainsi que celles traitant du non-conscient, il serait impossible de compiler consciemment toutes les informations à notre disposition dans le but, de prendre la décision la plus raisonnable. Des informations nous échapperons toujours, et c'est bien là, le rôle de l'émotion.

Dans certain cas ce mode de raisonnement s'avère plus précis et efficace qu'une longue introspection (Albrechtsen, Meissner et Susa, 2009; Dijkstra, Van der Pligt, Van Kleef et Kerstholt, 2012). Par exemple, il serait plus judicieux de se fier à son intuition pour détecter le mensonge chez une personne, que d'utiliser la seule analyse et introspection (Albrechtsen, Meissner et Susa, 2009).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault