· CHAPITRE II. LA PROTECTION DE
LA VIE PRIVEE
Le commerce électronique soulève de nombreuses
questions en matière de respect de la vie privée. La crainte de
voir ses informations personnelles utilisées à mauvais escient
constitue un frein à la croissance du commerce
électronique38(*).
Dans la majorité des cas, les technologies mises en
oeuvre pour la protection de la vie privée sur Internet utilisent le
chiffrement. Une petite connaissance des techniques est nécessaire
à leur exploitation ; il est évident que, dans la
société de l'information, la connaissance devient indispensable.
Par ailleurs, le droit s'avère indispensable s'agissant de la protection
de la vie privée.
Les techniques et les règles de droits qui existent
protègent aussi bien les données transmises (volontairement) par
le réseau (Section I), que celles stockées sur un terminal
connecté au réseau (Section II).
Section I -
La protection des données personnelles lors de leur transmission par le
réseau
La vie privée du consommateur est exposée chaque
fois qu'il navigue sur Internet. Ses données personnelles peuvent
être collectées, à son insu, par des personnes plus ou
moins dangereuses. Il peut s'agir de ses habitudes et préférences
sur le réseau, de son identité, ou même du contenu de ses
messages.
Le commerce électronique soulève de nouvelles
préoccupations par rapport à la vie privée parce que la
portée et la précision des données personnelles
rassemblées sur les consommateurs dépassent de loin le cadre
général des informations rassemblées dans l'environnement
traditionnel hors ligne. La précision des informations collectées
permet aux entreprises d'établir un profil du consommateur (A). Plus
grave encore, certaines entreprises ou individus n'hésitent pas
à s'introduire dans la vie privée des consommateurs, soit par
l'interception du contenu de leurs messages, soit par le biais de messages non
sollicités (B).
· Paragraphe I - Le profilage sur le
réseau
Grâce à l'Internet, les entreprises peuvent
collecter, analyser et traiter avec précisions les informations
personnelles de leurs clients, et ceci plus facilement et plus efficacement,
que jamais auparavant. Cela ouvre de grandes perspectives en ce qui concerne le
stockage, la comparaison et le couplage des données pour dresser le
profil détaillé du client. Si la manière dont les
entreprises utilisent les données personnelles a toujours
été inquiétante (B), elle l'est d'autant plus aujourd'hui
que l'Internet facilite la collecte et la manipulation de ces informations (A).
· A - La
collecte des données personnelles
Les entreprises de commerce électronique se servent de
méthodes diverses pour identifier le consommateur et suivre son
cheminement dans le site. Actuellement, l'un des procédés les
plus courants est la mise en place d'un cookie39(*), petit fichier déposé par le site Web
sur le disque dur de l'usager et contenant un code unique
généré par le site Web. D'habitude composé d'une
série de chiffres et de lettres qui ne sont intelligibles qu'au site, le
code peut également inclure le nom du compte de l'usager et son mot de
passe ou son adresse Internet.
Avec un peu d'expérience, on peut paramétrer
notre navigateur pour qu'il trie les cookies et nous permettre de choisir quel
cookie accepter ou non. Malheureusement, certains sites refusent
l'accès ou s'affichent mal si on n'accepte pas tous les cookies.
Il appartient à l'internaute de faire son choix. Il
faut quand même savoir que de nombreux sites commerciaux vendent les
informations recueillies à des fins notamment publicitaires. On peut
recevoir par la suite des courriers électroniques non sollicités.
Il se pose donc la question de la légalité des cookies, qui
constituent sans doute une atteinte à la vie privée. En revanche,
les cookies de session (session cookies), qui servent à l'identification
instantanée sur un site sont inoffensifs car ils ne se sauvegardent pas
pas dans le disque dur.
La Directive du Parlement Européen et du Conseil du 12
juillet 2002 « vie privée et communications
électroniques » s'appuie sur le fondement de la vie
privée et règlemente l'usage des « cookies ». Elle pose
dans son article 5.3, le principe selon lequel, dans le respect de la Directive
95/46/CE, le stockage d'information dans l'équipement terminal d'un
internaute n'est possible qu'à la condition que celui-ci soit clairement
et complètement informé quant à la finalité des
cookies et qu'il ait le droit de refuser un tel traitement.
La directive consacre ainsi l'obligation d'information claire
et complète de l'internaute sur l'utilisation d'un fichier cookie, ainsi
que le droit de s'opposer de façon permanente ou temporaire à un
tel traitement. C'est l'option d'adhésion (opt-in)40(*). La directive précise
cependant que « cette disposition ne fait pas obstacle à un
stockage ou à un accès techniques visant exclusivement à
effectuer ou à faciliter la transmission d'une communication par la voie
d'un réseau de communications électroniques, ou strictement
nécessaires à la fourniture d'un service de la
société de l'information expressément demandé par
l'abonné ou l'utilisateur ». Par conséquent, cette
obligation ne prend effet que lorsque l'utilisation de ces données se
fait dans une optique de profilage à défaut lorsque l'objectif du
dispositif de traitement est exclusivement technique, il échappe ainsi
à la règlementation susvisée.
La directive 2002/22/CE « service universel
»41(*) a
été transposée en droit français par le nouvel
article 32 de la loi du 6 janvier 1978 informatique, fichiers et
libertés42(*),
modifiée par la loi 2004-801 du 6 août 200443(*).
Le droit français tout comme le droit de l'Union
Européenne consacre une obligation d'information préalable,
claire et précise, quant à la finalité des cookies,
visée à l'article 32.II de la loi de 1978, ainsi que le droit
d'opposition consécutif « sans frais à ce que les
données soit utilisées à des fins de prospection
commerciale » (article 38 de cette même loi) qui s'exerce en
effectuant des choix dans les logiciels de navigation.
Selon la Commission Nationale de l'Informatique et des
Libertés (CNIL) en France, l'instrument de la régulation des
cookies étant le navigateur, il incombe alors aux éditeurs de
logiciels de navigation « tous américains » une obligation
technique de permettre aux internautes de manifester leur consentement ou refus
d'installation de fichier cookies sur leur équipement terminal. Il
s'agit par conséquent de la mise en place d'un régime
d'interdiction des cookies.
Si la collecte des données personnelles pose
déjà un problème, l'utilisation que peuvent faire les
entreprises de ces informations est encore plus inquiétante.
* 38 OCDE, 1999. Op. Cit. No 18, p.
164.
* 39 Crées à l'origine
par la société Netscape, serveur et navigateur Internet, les
cookies accroissent les capacités des sites Web de suivre le
cheminement de l'usager lors de chacune de ses visites. Ils peuvent
également notifier le site lorsque l'usager est de retour et ainsi
permettre aux sites de suivre son cheminement lors de plusieurs visites.
* 40 Opt In (en français option
d'adhésion) est un terme marketing ou légal pouvant concerner les
adresses courriel, ou plus globalement les services informatiques.Une adresse
courriel. Opt In active a fait l'objet d'un consentement préalable (case
à cocher, défilement d'une liste déroulante...) du
propriétaire, pour utilisation de cette adresse dans un cadre
précis. Le consentement peut être obtenu par validation
écrite ou électronique. Cf.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Opt_in
* 41 Directive 2002/22/CE du Parlement
européen et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et
les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de
communications électroniques (directive "service universel"), Journal
officiel n° L 108 du 24/04/2002 p. 0051 - 0077
* 42 Loi n°78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF du
7 janvier 1978 p. 227
* 43 Loi n° 2004-801 du 6
août 2004 relative à la protection des personnes physiques
à l'égard des traitements de données à
caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF
n°182 du 7 août 2004 p. 14063 texte n° 2
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