3. Traitement
Le traitement des démences peut être de deux
types : médicamenteux et non médicamenteux. Les traitements non
médicamenteux regroupent un soutien actif et des thérapies
spécifiques. Le soutien actif du patient et de son entourage peut avoir
un effet positif sur le fonctionnement et pourrait également retarder le
placement du sujet dément en institution.
Les thérapies spécifiques visent à
traiter les différents domaines touchés par la maladie, les
différents symptômes. Il existe donc des thérapies afin
d'orienter les patients dans la réalité, de stimuler la
cognition, de stimuler la mémoire (thérapie de
réminiscence), de communiquer avec le patient (thérapie de
validation), ainsi que l'encadrement affectif, la musicothérapie, la
réhabilitation cognitive (fait appel aux réserves cognitives du
patient afin d'améliorer son quotidien), le traitement par exercices et
le traitement occupationnel.
Les traitements médicamenteux actuellement disponibles
appartiennent à deux classes : les inhibiteurs des
cholinestérases (ou anti-cholinestérasiques) ou les
antiglutamates (26).
Les anti-cholinestérasiques visent à
empêcher la dégradation de l'acétylcholine,
neurotransmetteur permettant la communication neuronale. Ils sont
généralement indiqués dans les formes
légères à modérément sévères
de la MA. Trois molécules différentes sont commercialisées
: le donépézil (Aricept®), la galantamine (Reminyl®) et
la rivastigmine (Exelon®). Ils présentent toutefois des effets
indésirables fréquents au niveau digestif.
Les antiglutamates visent à bloquer les
récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) du glutamate,
molécule responsable d'une excitation toxique du système nerveux.
Ils ont pour effet de retarder la perte des fonctions cognitives allant parfois
jusqu'à les améliorer chez certains patients. Un seul
médicament de cette classe est disponible, la mémantine
(Ebixa®), indiquée chez les patients plus avancés, des
stades modérément sévères à
sévères. Elle est bien tolérée par les malades.
Actuellement, des traitements visant à diminuer la
forme toxique de la protéine Aâ42 ou visant tau ou d'autres
médiateurs neuronaux pour ralentir la progression de la MA sont en cours
d'essai clinique (phase 3). Un grand intérêt est également
porté aux possibilités d'immunothérapies (vaccins actifs
ou passifs contre Aâ42).
4. Epidémiologie des
démences en zone tropicale
L'épidémiologie des démences chez les
personnes âgées vivant dans les pays en développement et
plus particulièrement en zone tropicale est moins bien connue que pour
les pays développés. La prévalence de ces affections est
bien déterminée en Europe, en Amérique du Nord, et dans
les pays développés du Pacifique et de l'Asie (Corée du
sud, Japon, Taiwan, et
Australie). Quelques études ont été
publiées concernant la Chine et l'Inde mais elles sont assez peu
nombreuses pour donner un aperçu fiable de la situation dans ces pays
gigantesques. Un manque considérable d'études
épidémiologiques publiées est observé pour
l'Amérique Latine, l'Afrique, le Moyen Orient et l'Indonésie.
Pour certains de ces pays, seules des données hospitalières, des
études de cas cliniques ou de facteurs de risque des démences ont
été publiées. De plus, les méthodologies
utilisées varient souvent d'une étude à l'autre.
4.1. Amérique latine
Durant les 15 dernières années, des
études en population générale permettant d'estimer la
prévalence des troubles cognitifs et des démences ont
été conduites dans quelques pays d'Amérique Latine :
Chili, Uruguay, Pérou, Brésil, Venezuela, Cuba, République
Dominicaine, et Mexique (tableau 1).
En 1996, Anzola-Perez et al. trouvaient 4,5% de sujets
âgés de 60 ans et plus avec des troubles cognitifs en Argentine
(Buenos Aires), ainsi que 9,4% au Chili (Santiago) et 7,2% à Cuba (La
Havane), après passage du MMSE lors de la 1ère phase de leur
étude en communauté.
Diverses études en deux ou trois phases en milieu
urbain ont été menées ensuite dans d'autres pays. La
prévalence de démences de tous types était de 10,3% chez
les plus de 65 ans vivant sur la côte caribéenne du Venezuela
(27), la MA représentant le type de démence le plus
fréquent (50%). Des prévalences plus faibles, de 3,1% à
7,1%, ont été estimées lors d'études au Chili, en
Uruguay, au Brésil et au Pérou (28 ; 9 ; 29 ;
30 ; 31).
Les récentes études menées par le groupe
10/66 dans plusieurs pays d'Amérique Latine ont permis d'estimer la
prévalence des démences en population générale
selon une procédure en une phase dans des zones urbaines ou rurales
(32). La prévalence des démences a été
estimée suivant les critères diagnostiques du DSM-IV ainsi qu'en
utilisant l'algorithme diagnostique du 10/66. Les prévalences obtenues
en suivant le DSM-IV allaient de 0,4% en milieu rural péruvien à
6,4% en milieu urbain à Cuba.
Pour la plupart de ces sites d'études, urbains ou
ruraux, la prévalence des démences augmentait avec l'âge,
et avait tendance à être plus élevée chez les femmes
que chez les hommes. Les prévalences observées dans les
populations vivant en milieu rural étaient plus faibles que dans les
populations vivant en milieu urbain.
Tableau I : Etudes sur la prévalence des
démences en population générale en Amérique
Latine
Concernant les facteurs de risque des démences dans
cette partie du monde, certainsfacteurs établis dans les pays à
revenus élevés sont également positivement associés
à laprésence de démence : l'âge, les
antécédents familiaux de démence, l'illettrisme ou un
faibleniveau d'éducation (33 ;32; 34). Les faibles revenus ou la
pauvreté ont été évoqués dans plusieurs
études (33 ; 34). Des critères physiques comme une longueur de
jambe pluscourte ou un périmètre crânien plus petit
étaient corrélés aux démences à Cuba (35) ou
à São Paulo (Brésil) (33). Ces deux critères
sontutilisés comme indicateurs du développement du cerveau
(intra-utérin et pendant l'enfance) etde la croissance et ils pourraient
refléter les conditions de vie socio-économiques
difficilesauxquelles les personnes ont été exposées au
début de leur vie.
Enfin, lors d'une revue de la littérature pour les pays
latino-américains, les antécédents de traumatisme
crânien, la présence d'un Mild Cognitive Impairment (MCI) ou de
troublescognitifs sans démence, la vie en milieu urbain, exercer une
activité de femme au foyer, etl'existence de troubles dépressifs
étaient positivement associés aux démences alors que le
rôlede l'allèle å4 du gène de l'APOE, des maladies
cardiovasculaires et du tabagisme dans lasurvenue de démences
n'était pas clarifié (34).
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