Mode de présentation : l'installation
vidéo projection.
Instauration d'un dispositif de cohabitation.
Pratiquer la vidéo ainsi que la sculpture ne semble
à priori pas contradictoire. Bien qu'il s'agisse de deux médiums
éloignés tant par leur forme que par les savoirs faires qu'ils
réclament, les pratiquer parallèlement permet une exploration
variée et complémentaire de formes plastiques. Mais lorsque l'on
cherche à exposer ces deux types de productions ensemble, les
contraintes respectives des deux médiums se font grandement
ressentir.
En effet, là où, pour être vue, la
vidéo réclament de l'obscurité, la sculpture à
besoin de lumière. De même, lorsque la vidéo se
présente au spectateur sous le mode de la frontalité, la
sculpture peut nécessiter de ce dernier qu'il se déplace pour en
observer tous les volumes.
Présenter dans un même lieu sculpture et
vidéo pose donc deux problèmes, celui de la gestion de la
lumière, et celui de l'organisation spatiale.
La sculpture est avant tout un art du volume qui existe sous
le mode de la trois-dimension, c'est à dire qu'elle est
appréciable au sein de notre propre espace, et perceptible en fonction
d'une hauteur, d'une largeur et d'une profondeur. Mais si la sculpture est un
art du volume, elle est surtout un art de la monstration de ces volumes.
On a pu apprécier le traitement brut des volumes des
sculptures de Georg Baselitz, lors de l'exposition Baselitz Sculpteur
au Musée d'Art Moderne de Paris10.
Dès les premières oeuvres exposées - des
sculptures grandeur nature, telle que Modell für eine Skulp-tur,
datant de 1980 - les spectateurs étaient invités, de par la
scénographie de l'espace d'exposition, à se mouvoir autour des
oeuvres afin de mieux les appréhender. Modell für eine Skulptur
se présente sous la forme d'un personnage taillé à la
hache semblant s'extraire d'un bloc de bois. Le personnage est figé dans
une posture ambiguë, à la fois couché et assis, levant un
bras vers le ciel. Renforçant l'aspect de brutalité que
dégage le traitement sculptural, de la peinture rouge et noire souligne
grossièrement les membres du personnage. Cette sculpture,
séparée du sol par un socle discret, tranche radicalement d'avec
la salle d'exposition typiquement white-cube. Il nous faut contourner cette
figure aux accents primitifs, prendre du recul, et multiplier les points de vue
pour l'apprécier pleinement, et constater à quel point chaque
impact dans le bois témoigne du geste puissant de l'artiste.
Plus tard dans l'exposition, se trouvent des sculptures plus
récentes, et bien plus imposantes, qui dominent et écrasent les
visiteurs par leur taille et leur masse. Les autoportraits monumentaux,
Volk Ding Zero et Dunklung, Nachtung, Amung Ding, datant de 2009,
représentent des personnages assis en posture de réflexion ou
d'ennui, une main soutenant la tête grossièrement sculptée,
les yeux évoqués par des taches blanches dégoulinantes;
ils sont affublés de chaussures à talon, d'un phallus
férocement cloué à l'entre jambe, et d'une casquette sur
laquelle est écrit le mot « zéro », évoquant une
entreprise de matériel pour peintre en bâtiment ayant fait
faillite. Dans le cas de Dunklung, Nachtung,
10 Baselitz Sculpteur, Musée d'Art Moderne de la
ville de Paris, 30 Septembre 2011 - 29 Janvier 2012,
directeur d'exposition Fabrice Hergott.
Georges Baselitz
ci-dessus :
Modell für eine Skulptur, 1980, tilleul et tempera,
178 x 147 x 244 cm.
ci-contre :
Volk Ding Zero, 2009, cèdre, huile, papier, clou,
308 x 120 x 125cm.
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Amung Ding et de Volk Ding Zero, comme
pour Modell für eine Skulptur, le spectateur à la
possibilité de tourner autour de l'oeuvre, mais ici, les sculptures sont
posées à même le sol, ce qui accentue leur poids et le
sentiment de monumentalité que l'on éprouve à les
regarder. Et surtout, cette absence de socle donne le sentiment que l'oeuvre
s'impose dans l'espace même de déambulation du spectateur, ce qui
lui permet de se déplacer plus librement vis à vis de l'objet, de
s'en approcher jusqu'à pouvoir le toucher pour sentir physiquement la
matière qui le forme ainsi que sa masse. On remarque également,
en faisant le tour de ces oeuvres, que l'artiste a pensé au
déplacement du spectateur et aux points de vues multiples, puisqu'il a
écrit les titres des sculptures sur leurs dos.
Ces monstrueux géants endormis témoignent d'une
approche de la sculpture entièrement tournée vers la force
évocatrice d'un matériau, ici, celle du bois, de l'arbre
très présent déjà dans les peintures de l'artiste.
Mais ces sculptures, qui semblent avoir été violement
arrachées du sol, ne montrent pas la légèreté et
l'élégance du bois; ces sculptures ne cherchent pas à
dissimuler leur masse imposante et à s'échapper de la pesanteur
comme pourrait le faire une statue de la Renaissance, à grand renfort de
drapés et gestes élancés. Ici, la noblesse du
matériau se ressent à travers son poids, sa force
écrasante, et le sentiment d'humilité que l'on éprouve en
contemplant ces titans.
Enfin, l'ultime remarque que l'on puisse faire à propos
du traitement scénographique réservé aux sculptures dans
cette exposition, c'est le choix de montrer ces oeuvres dans une pleine
lumière qui révèle totalement les actions de l'artiste en
sur-montrant les traces, les marques, les stigmates des sculptures. Ce choix
d'une lumière crue et vive semble efficace car il permet d'accentuer les
contrastes et de mettre en avant les volumes abrupts des sculptures; ainsi les
creux approximativement géométriques entre les bras et le torse
ou les trous produits par des coups de tronçonneuse ou le tranchant de
la scie, apparaissent d'autant plus.
On le voit donc parfaitement à travers les oeuvres de
Baselitz, d'une part « l'usage de l'espace [...] fait partie de l'essence
même de la sculpture11 », et d'autre part, penser le
rôle de la lumière dans son exposition est primordial.
En ce qui concerne la vidéo, il faut d'ors et
déjà distinguer ce qui relève de l'installation projection
vidéo, et de la simple projection vidéo.
Un dispositif classique de projection vidéo
12 est en tout point semblable à celui d'une salle de
cinéma. Et comme dans une salle de cinéma, on constate la
présence d'une source, le projecteur, et plus ou moins
éloigné de cette source, l'écran qui est le
réceptacle de l'image. Entre la source et l'écran se trouve un
espace particulier, celui du faisceau lumineux. Cet espace peut varier, et plus
il s'étend, plus
11 Etienne Souriau, Vocabulaire d'esthétique, op.
cit., p.1354.
12 L'oeuvre de Laurent Montaron, présentée au
Musée d'art contemporain de Lyon, lors de la biennale 2011,
Short Study on the Nature of Things, relève
d'un dispositif classique de projection. Le spectateur pénètre
dans une salle obscure où est projeté un film de 35 mn 15'. Le
film montre une succession d'images ayant comme point commun une
réflexion sur l'espace et le temps, le tout accompagné d'une voix
off racontant des souvenirs d'enfance ponctués par quelques
réflexion métaphysiques sur sa propre relation au temps. Avant
d'entrer dans la salle de projection, le spectateur a pu se munir d'un texte
reprenant le discours de la voix off.
Comme dans une salle de cinéma, il est possible de
s'asseoir, en revanche, la source de la projection est clairement identifiable,
puisque le projecteur et toute sa machinerie sont placés devant
l'entrée de la salle, sur une petite estrade. On peut ainsi, en
même temps que l'on regarde le film, observer la machine en
fonctionnement, dans une certaine contemplation curieuse.
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l'image projetée sera de grande taille. Mais surtout,
cet espace est l'endroit destiné à accueillir les spectateurs qui
regardent l'écran. Ces derniers sont assis et contemplent l'image
projetée en face d'eux; l'appareil de projection et l'écran
étant placés à quelques centimètres au dessus des
spectateurs de façon à ce que le faisceau ne soit pas
perturbé. Dans son texte Entre projectile et projet, aspects de la
projection dans les années 20, Patrick de Haas indique que «
le dispositif spectatoriel d'un film de fiction comprend deux projections :
celle qui part derrière le spectateur, de la cabine de projection, pour
terminer sa course sur l'écran, et celle qui part de l'oeil-cortex vers
ce même écran. Le spectateur peut alors percevoir dans ce qu'il
voit les éléments qu'il y aura projetés.
Généralement, le spectateur oublie son corps immobilisé
sur son siège pour mieux voyager de l'autre côté du miroir,
et il peut même arriver qu'il s'oublie au point de laisser des traces
concrètes : larmes, cris... Dès lors, toute présence trop
affirmée du réel de la salle de projection nuit au
mécanisme d'identification: lumière, enseignes lumineuses
verdâtres « sortie » ou « toilettes », chapeau de la
dame devant soi, chuchotement et attouchements des voisins13.
»
Le commentaire de Patrick Haas souligne donc deux
caractéristiques importantes du dispositif de projection, d'une part
l'obscurité dans laquelle se retrouve plongée la salle,
permettant ainsi au spectateur de se focaliser sur l'image, et d'autre part
l'attitude du spectateur, entièrement dévolue à ce qu'il
regarde, jusqu'à en oublier sa propre position dans l'espace
réel, et à éprouver émotionnellement ce que
véhiculent les images.
« [...] L'une des caractéristiques de
l'installation cinématographique (et aussi dans une certaine mesure des
installations vidéos) est la nécessité, presque
l'obligation, de travailler dans une pénombre qui induit des
comportements particuliers. L'utilisation et l'appréhension de l'espace
en sont radicalement métamorphosées. La pénombre abolit
les distances, estompe les formes et dissout les volumes, permettant ainsi
à la projection lumineuse d'habiter, de sculpter l'espace et de donner
corps à des volumes de lumière. En ce sens, la projection
lumineuse, qu'elle soit cinématographique ou non, requiert constamment
la mise en place d'une camera oscura. Cette boîte noire s'oppose ainsi
aux contraintes de la galerie et du musée et à leur
immaculée blancheur de cimaise. Comme si, à la pureté et
à la clarté du phénomène artistique, s'opposait,
dans l'obscurité, l'émission de la projection lumineuse. Le
royaume du simulacre et de ses chimères nécessite toujours des
dispositifs et de savantes mises en scène afin de se constituer comme
magique ou merveilleux14. »
L'installation projection vidéo quant à elle, se
présente sous des formes plus variées et s'éloi-gnent -
selon les cas - du schéma classique de la salle de cinéma. La
place du spectateur et la scénographie de l'espace entourant la
projection sont au coeur de la réflexion de l'artiste. L'installation
projection, Corps étranger, réalisée en 1994 par
l'artiste libanaise Mona Hatoum est parfaitement révélatrice de
ces questions. L'oeuvre se présente sous la forme d'un petit espace
cylindrique dans lequel le spectateur pénètre par deux portes
étroites. Au centre de cette étroite pièce circulaire
une
13 Patrick de Haas, «Entre projectile et projet, aspects de
la projection dans les années 20», Projections, les
transports de l'image, Catalogue de l'exposition
inaugurale du Fresnoy, Paris, Hazan/Le Fresnoy/AFAA, 1997, p.95.
14 Yann Beauvais, «Mouvement de la passion»,
Projections, les transports de l'image, Catalogue de l'expo-
sition inaugurale du Fresnoy, op. cit., p.150.
Mona Hatoum
Corps étranger, 1994, installation projection
vidéo, son.
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projection vidéo circulaire se trouve au sol. Cette
projection montre le point de vue d'une caméra effectuant un traveling
continu et rapproché sur, puis à l'intérieur du corps de
l'artiste. De plus, des hauts parleurs émettent la bande sonore des
bruits amplifiés de l'intérieur du corps. En
pénétrant dans cet espace resserré, les quelques
spectateurs pouvant y loger, se retrouvent collés aux parois, et
serrés les uns contre les autres dans l'impossibilité de
s'assoir, regardant la vidéo défiler à leurs pieds. Avec
cette oeuvre, nous avons une vision à la fois médicale et froide
du corps féminin, y pénétrant pour explorer les organes
internes. Mais la sensation dominante perçue par le spectateur est qu'il
se retrouve dans la position obscène du voyeur, suscitant chez lui un
certain malaise, renforcé par la position inconfortable qu'impose le
dispositif. Le titre même de l'oeuvre, Corps étranger,
évoque la position du spectateur qui pénètre en
véritable étranger dans cet espace qui se fait métaphore
du corps féminin.
Les conditions de réception influent donc sur notre
perception de l'image projetée. Ici, Mona Hatoum joue de son dispositif
dans le but d'interroger les spectateurs sur leur propre rapport au corps, mais
aussi sur la question des relations dominant/dominé.
On constate donc à travers cet exemple, l'aspect
protéiforme du mode d'exposition de la vidéo projection. Mais il
demeure tout de même qu'on ne peut réaliser de projection sans
mettre en place les conditions qui lui sont nécessaire.
Il convient également de déterminer avec
précision en quoi consiste l'acte de projection. Dans le cadre de la
vidéo ou du film, la projection est le transport d'une image par le
biais d'un faisceau lumineux, d'un émetteur, le projecteur, vers un
récepteur, l'écran. En somme projeter une image s'apparente
à n'importe quelle projection, comme par exemple lancer une balle d'un
point a à un point b. L'éner-gie permettant à la balle
d'effectuer ce trajet est la force du lanceur, au même titre que
l'énergie qui transporte l'image est la lumière. Il y a donc
quelque chose de très concret dans l'acte de projection, quelque chose
qui relève moins de la poésie de l'image spectrale que d'une
logique scientifique relevant de la physique la plus basique.
Patrick de Haas va même jusqu'à comparer la
projection de l'image filmique ou vidéo, aux jetées de peintures
réalisées par certains peintres.
« Certaines procédures plastiques mettent en
relief la possibilité pour la peinture d'être pensée comme
projection de pigments sur la toile, et non simple application ou
dépôt. Quand les poils du pinceau ne sont pas en contact avec la
toile, l'espace interstitiel entre outil et support (écran) devient
celui de la projection. Dans la série des aérographies (peinture
au pistolet) de Man Ray, comme dans les drippings de Pollock, les particules
pigmentaires sont comme des projectiles qui, avant d'atteindre le subjectile,
jouent un bref moment leur propre jeu15. »
Il met ainsi en avant ce qu'il nome «l'espace
interstitiel» se trouvant entre le pinceau et la toile, et le compare
à celui existant entre le projecteur lumineux et l'écran. Mais il
indique surtout qu'évoluant dans cet espace d'entre deux, les
projectiles vont jouer leur «propre jeu», c'est à dire que
durant ce laps de temps, les particules de peinture sont soumises à
toutes sortes d'accidents de matière qui vont déterminer leur
position finale sur la toile. Il en va de même pour la projection d'une
image vidéo. C'est durant la traversée de cet espace interstitiel
que les particules lumineuses vont s'agencer pour
15 Patrick de Haas, «Entre projectile et projet, aspects de
la projection dans les années 20», Projections,
les transports de l'image, Catalogue de l'exposition
inaugurale du Fresnoy, op. cit., p.115.
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produire l'image qui se retrouvera sur l'écran ; c'est
également durant cette traversée que les particules lumineuses
peuvent être perturbées ou stoppées par un
élément venant couper le faisceau.
Enfin, Patrick de Haas souligne qu'« avec le projectile,
c'est la dimension tactile (et non plus optique) de la projection qui est mise
en évidence16. » L'image projetée est une image
avec laquelle nous pouvons entrer physiquement en contact, notre propre corps,
en traversant le faisceau lumineux, devient support de l'image. Et si ce
contact ne nous procure aucune sensation autre que visuelle, il peut devenir un
jeu où, comme lorsque l'on se contorsionne les mains devant une lampe
pour produire l'ombre d'un personnage sur le mur, le spectateur d'une
installation projection peut très bien venir perturber l'image
projetée et ainsi devenir un membre agissant au sein du dispositif.
La cohabitation entre projection vidéo et sculpture ne
semble pas évidente. En effet, si la vidéo réclame de
l'obscurité pour être vue, et la sculpture de la lumière,
les présenter au sein d'une même pièce, d'un même
espace, suppose de se heurter à cette contradiction d'exposition.
Dans notre cas, l'espace de monstration est majoritairement
plongé dans l'obscurité afin de donner toute sa visibilité
à la projection, qui forme la source lumineuse principale. L'espace du
dispositif est essentiellement déterminé par l'espace
interstitiel, entre le projecteur et le mur stoppant définitivement
l'image projetée.
Cet espace intermédiaire est divisé en deux
parties. Comme pour une projection classique, nous avons donc un
vidéoprojecteur faisant office de source, puis un premier écran.
Mais celui-ci étant translucide - c'est à dire qu'il laisse
passer la lumière tout en permettant à l'image de s'afficher - le
faisceau continue sa route jusqu'au mur qui forme un second et dernier
écran. Il y a donc, non plus un seul espace intermédiaire entre
la source et l'écran, mais deux espaces, le premier entre le
vidéoprojecteur et l'écran translucide suspendu, et le second,
entre ce premier écran et le mur.
Le premier espace est vide, il peut être parcouru par le
spectateur qui, en traversant le faisceau lumineux entrainera une perturbation
de la projection.
Et c'est dans le second espace que se déploie un
premier groupe de trois sculptures, légèrement
éclairé par des spots lumineux placés au sol. Ce second
espace peut également être parcouru par les spectateurs qui
peuvent ainsi observer les sculptures de plus près, tourner autour, et
une nouvelle fois, perturber le faisceau. Il y a donc des interférences
entre la source, et la destination finale de l'image vidéo,
formées en premier lieu par l'écran translucide, mais aussi par
les sculptures, et enfin par les spectateurs qui parcourent l'espace. Les trois
autres sculptures présentes dans l'installation sont adossées au
mur-écran et se retrouvent elles-mêmes support de la
projection.
Plutôt que d'un éclairage global, les sculptures
bénéficient donc d'une lumière dosée et
dirigée les faisant apparaître comme des formes érectiles
qui surgissent du sol. Et c'est ce dosage, cette mai-trise, de
l'éclairage, qui met en avant les sculptures sans pour autant
interférer avec la projection vidéo, qui instaure une
ambiance17 particulière dans laquelle se retrouvent
plongés les éléments exposés, et
16 Patrick de Haas, «Entre projectile et projet, aspects de
la projection dans les années 20», Projections,
les transports de l'image, Catalogue de l'exposition
inaugurale du Fresnoy, op. cit., p.116.
17 Ambiance : « environnement intellectuel, physique ou
moral qui entoure un individu »
Ambiant : « qui va autour. Air ambiant, air dans
lequel un corps est plongé » Emile Littré, Le nouveau
Petit Littré, op. cit., p.63, 64.
43
bien sûr, les spectateurs qui se déplacent entres
les sculptures et l'écran.
Cette ambiance lumineuse qui immerge sculptures et
vidéo, contribue à installer chez le spectateur, le sentiment
d'un lien, d'une unité entre les deux médiums. Car la
lumière, s'avère être « un moyen déterminant
dans l'orientation du regard du spectateur et un élément narratif
essentiel. Mais la lumière est aussi un élément sensible
particulier, tant on sait que le jeu des intensités lumineuses produit
des affects, des sensations et des impressions que, plus ou moins consciemment,
le spectateur éprouve18.» L'éclairage a donc
cette capacité d'occuper, voire d'envahir un espace, et même de
déterminer cet espace en modifiant la perception que nous en avons.
L'autre élément contribuant, au même titre
que l'éclairage, à installer les sculptures et la vidéo
dans une même atmosphère, c'est la matière sonore.
Ainsi, le son et la musique, que l'on a souvent tendance
à envisager du point de vue du temps et du rythme, peut également
être « pris dans la catégorie de l'espace: lorsque le
spectateur entend un son, il l'identifie et, par là, en cherche la
provenance19.» Et ce sont bien les manifestations sonores qui
nous permettent « de percevoir l'espace, plus encore lorsque nous sommes
privés d'un certain nombre de repères visuels 20»
comme c'est le cas avec un éclairage faible et dirigé uniquement
sur les objets destinés à êtres vus. « Mais surtout le
son nous permet d'établir une frontière entre notre organisme,
espace organisé et intérieur et ce qui nous
environne21.» L'utilisation particulière du son permet
donc d'imposer de nouveaux repères à ce visiteur. La rupture
consommée avec l'extérieur établit une logique interne
propre à l'espace de l'oeuvre, les sons ordinaires, tels que les pas,
discussions ou les bruits provenant de la rue, sont étouffés au
profit d'une ambiance sonore inédite. Le spectateur
pénétrant dans l'espace d'exposition, et se retrouvant
immergé, doit donc se fier à ces nouveaux repères
après une brève phase d'adaptation sensorielle. Dans notre cas,
le son en boucle permet de renfermer la temporalité de l'espace
d'exposition sur elle-même. Ainsi le visiteur peut en sortir et y revenir
comme il le souhaite, sans craindre de perdre le déroulement de la
vidéo, puisque celui-ci n'a ni début, ni fin.
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